La dette de la sécu financée par les Chinois ou la vraie histoire d’une fausse bonne nouvelle<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La dette de la sécu financée par les Chinois ou la vraie histoire d’une fausse bonne nouvelle
©Reuters

L'argent du contribuable

Malgré un taux de remboursement supérieur à celui qui aurait été appliqué si elle s'était cantonnée au marché traditionnel, la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale s'est félicitée fin janvier de l'émission d'un emprunt en monnaie chinoise équivalent à 420 millions d'euros. Une anomalie de plus pour un organisme dont les coûts financiers et de gestion laissent à désirer.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : La CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) s’est récemment félicitée par la voix de son président Patrice Ract-Madoux de son tout premier emprunt en monnaie chinoise (3 milliards de yuans, soit 420 millions d’euros). Y a-t-il vraiment lieu d’en être satisfait ? Pourquoi ? 

Philippe Crevel : La Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale a été créé en 1996 par Alain Juppé. Elle a pour mission de récupérer et de rembourser les dettes des régimes sociaux. Depuis près de vingt ans, elle a récupéré pour plus de 236 milliards d’euros de dettes. Pour le remboursement, la CADES perçoit la CRDS et une partie de la CSG. Elle bénéficie depuis 2010 du concours du Fonds de Réserve des Retraites. Mais, la CADES recourt à l’emprunt pour restructurer les dettes récupérées. Elle hérite d’emprunts à court terme qu’elle transforme en emprunts à long terme. La CADES a une tradition de placement de ses emprunts à l’international. En 2014, la France n’a représenté que 8 % des émissions contre 46 % pour l’Asie, 11 % le Royaume-Uni et 9 % l’Amérique du Nord.

Le placement de l’emprunt en Chine répond à un souci de diversification et correspond également à un acte politique. L’emprunt porte sur 423 millions d’euros à deux ans et est rémunéré à 3,8 %. Ce taux est élevé au regard des taux pratiqués en Europe mais en phase avec les taux de la Chine où l’inflation et la croissance sont plus élevées qu’en France. Mais, il faut souligner que l’Etat emprunte à taux négatifs jusqu’à deux ans. L’emprunt dont le poids est assez faible au regard du programme de financement de la CADES en 2015 s’inscrit dans le cadre du 50ème anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. C’est aussi une manière de fidéliser les épargnants chinois au moment où la France doit veiller à diversifier son endettement.

Pourquoi cette volonté de diversification, si celle-ci n’est pas intéressante au final ?

L’émission de la CADES vise à faciliter l’internationalisation du Yuan et à faire de la monnaie chinoise un véhicule monétaire acceptée sur la place financière de Paris. Le Président de la CADES a annoncé qu’il y aurait d’autres opérations avec la Chine. C’est un ballon d’essai que la CADES entend réaliser avec le soutien de l’Etat. De ce fait, elle accepte de payer un petit surcoût.

Peu de critiques ont été faites jusqu’ici. Pourtant, qu’est-ce que cet emprunt de la CADES nous enseigne sur la gestion qui est faite de l’argent du contribuable ? Faut-il s'en inquiéter ?

Emprunter en monnaie chinoise, monnaie qui n’obéit pas aux mêmes standards que l’euro, le dollar ou la livre sterling est source de risques. Il y a évidemment le précédent des emprunts en francs suisses… Certes, la diversification chinoise de la CADES est modeste mais, dans les faits, son exposition internationale est très élevée. Elle est supérieure à celle de l’Etat ce qui est assez surprenant de la part d’un établissement public qui semble avoir une politique étrangère de l’emprunt. Si la CADES est assez loquace sur ces souscriptions du nouveau monde, elle l’est moins sur ses coûts financiers et ses coûts de gestion. Avec notre dette sociale qui s’accroît d’une dizaine de milliards d’euros, la CADES n’a pas fini de chercher de l’argent au-delà des frontières pour rembourser… Nous sommes dans la politique du sapeur Camember.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !