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Un Français lance le Snapchat de l'email : au risque et péril des utilisateurs qui croiraient à la promesse du produit
©Flickr - ryan.nagelmann

Webmedia

Un Français a mis au point un système d'e-mail qui utilise les procédés de "Snapchat" d'autodestruction immédiate. Mais, alors que des utilisateurs peu avertis pensent gagner en privacy, c'est surtout les prendre aux pièges de l'illusion de la confidentialité.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Warren Barthes, entrepreneur français installé aux Etats-Unis, pense avoir mis au point un nouveau procédé permettant d'envoyer un e-mail qui existe pour une durée limitée après ouverture. Pour ne pas tomber dans le piège "SnapChat" de capture d'écran, le système prévoit de brouiller la moitié du texte selon l'odre de lecture afin de rendre l'intégralité du contenu illisible même par capture d'écran. Une fois que le mail est ouvert, il disparaît de la boîte d'envoi de l'expéditeur, puis de la boite de réception dudestinataire. Le procédé permet en apparence de gagner en protection de vie privée (privacy), mais dans la réalité, toute donnée est potentiellement récupérable. Reste à bien avertir les (jeunes) utilisateurs, qui pourraient penser que maintenant, tout est permis.

Atlantico: L'e-mail snapchat: révolution ou simple application de plus sur un marché déjà saturé?

Fabrice Epelboin:C’est une simple application, sur un marché qui est très loin d’être saturé. Le marché des application destinées à apporter de la confidentialité, de l’anonymat, et plus généralement d’échapper à la surveillance est pour le moment embryonnaire, et ne peut que grossir au fur et à mesure que la société de la surveillance se met en place. Pour ce qui est des applications répondant à divers besoins de ce marché, il y a d’un coté quelques applications grand public - Snapchat étant la plus connue - et une multitude d’applications et de methodes “pro”. Les applications grand publics sont vouées à échouer, du strict point de vue de la protection de la privacy, c’est un domaine où si vous ne comprenez pas ce que vous faites d’un point de vue technique, vous êtes sûr d’avoir à terme un gros problème, et c’est bien plus complexe que “d’envoyer un snapchat”.

Snapchat s'est fait épinglé pour ses défaillances en terme de disparition totale de contenu. Peut-on vraiment faire disparaître totalement des données qui ont été transmises de façon électroniques?

Non. C’est de l’ordre du fantasme. On peut faire en sorte qu’en récupérer une copie soit très difficile, mais de là à offrir une garantie, c’est faire preuve d’une présomption phénoménale, deux ans après les première révélations de Snowden sur les prouesses de la NSA.

En plein débat sur la conservation des données personnelles et l'espionnage de nos échanges, doit-on se réjouir de la multiplication des moyens d'échange qui s'autodétruisent?

Les moyens d’échange qui s’autodétruisent - tel que Snapchat - ne sont qu’un tout petit bout des logiciels dont le but est d’offrir de la privacy sous une forme ou une autre à leurs utilisateurs. Et de tels logiciels sont légion. Vous connaissez sans doute le plus connu, “Tor”. Leur multiplication n’est que le revers de la médaille de la société de la surveillance qui s’installe. De nombreuses personnes - même au sein d’une démocratie - ont impérativement besoin d’une privacy qui soit à l’abrit des moyens de surveillance de l’Etat. Prenez par exemple un avocat, un journaliste d’investigation, ou un dirigeant de multinationale, ou pire, d’une banque Suisse. Tous ces rouages de ce qui fait le monde moderne ont impérieusement besoin de cela. Bien sûr, ils ne vont pas utiliser Snapchat pour leurs échanges. Ceux là vont se tourner vers des outils plus complexes, ils vont devoir apprendre à les utiliser, et surtout, il vont devoir changer de nombreuses habitudes qui les rendent aujourd’hui très vulnérables.

Dans le cas d'utilisation de ces moyens d'échange par des criminels, ou des terroristes, le travail de la police s'en trouverait-il fragilisé?

Bien sûr. Mais interdire l’utilisation de tels outils n’empêchera en rien les criminels et les terroristes de les utiliser, et il y a de bonnes chances qu’une partie du grand public le fasse également. Le téléchargement de mp3 piratés est illégal, et ça n’a pas arrêté grand monde, malgré la mise en place de systèmes de surveillance. Il en sera de même pour les outils offrant de la privacy. J’ose espérer que les journalistes seront les premiers à en défendre l’usage, car c’est leur avenir repose en grande partie sur ces outils.

Vu la désaffectation de Facebook par les très jeunes au profit d'outils comme Snapchat, pourrait-on imaginer la création d'une grande plateforme concurrente de Facebook autour de ces contenus de l'immédiat?

Il existe déjà des “plateformes” centrées sur la création de contenus anonymes et éphémères, et elles datent d’avant Facebook. 4chan a été créé en 2003, c’est un lieu où l’on partage énormément de contenus visuels, des millions chaque jour, mais c’est surtout l’un des lieux où l’on en crée le plus au monde, et de façon parfaitement anonyme.Les créations ne sont pas stockées, une fois qu’elles ne contribuent plus à alimenter une conversation où elle sont partagées, elles disparaissent.Le trafic sur 4chan dépasse 20 millions de visiteurs par jour, c’est comparable à l’ensemble de la presse française, par exemple. En volume, le site est proche d’un milliard de pages vues par an.De cet univers bouillonnant de contenus et d’échanges anonymes sont nés des tas de choses avec lesquelles vous êtes sans doute familier, comme les fameux “Anonymous”, qui attaquent des sites web pour défendre la liberté d’expression ou venir au secours de populations en danger, ou les LOLcats, qui après avoir été inventés sur 4chan, on littéralement envahi le web.A ce stade, on peut dire que 4chan est un véritable lieu où se crée une forme de culture contemporaine, et tout cela est basé sur le partage de contenus éphémères, avec une garantie de total respect de la privacy des utilisateurs.

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