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ITER : ce grand absent du débat sur le nucléaire, symbole d'une politique française court-termiste
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Futur à présent

Le nucléaire est au centre des débats politiques actuels... mais personne n'évoque le projet international de fusion ITER en construction en Provence.

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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En France, l’énergie nucléaire est devenue un réacteur présidentiel : tous les candidats à l'élection de 2012 conjuguent leur avenir avec le futur de la fission nucléaire. Mais si tous se prononcent sur le nucléaire, aucun ne prononce le mot « ITER », le projet international de fusion en construction à Cadarache en Provence. Quelles sont les raisons de ce silence nucléaire ?

Plusieurs candidats à l’élection présidentielle évoquent à haute voix, sinon la sortie, du moins la réduction du parc nucléaire en France, pays qui détient le record mondial d’électricité d’origine nucléaire (environ 78%). 

Comment réduire la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité ? Il n’y a pas trente-six mille solutions technologiques. Mais aucun de ces candidats ne mentionne la possibilité de la fusion alors que la France héberge ITER, actuellement le plus ambitieux projet scientifique et technologique du monde. Malgré la très forte implication des autorités françaises, au plus haut niveau de l’État, durant la phase de négociations qui s’est conclue le 28 juin 2005 par le choix unanime des sept membres d’ITER en faveur du site de Cadarache, ITER a disparu du radar politique ! Aucun ministre français, d’ailleurs, n’a fait le déplacement pour visiter les constructions en cours. De passage récemment à Pierrevert dans les Alpes-de-Haute-Provence (à une trentaine de kilomètres de Cadarache), Ségolène Royal n’a même pas cru utile de faire un crochet par ITER. Examinons quelques explications possibles de cette frilosité énergétique.

ITER, c'est quoi ?

La méconnaissance du projet, que les politiques ont en commun avec le grand public est sans doute l’une des grandes raisons de ce silence. ITER sera un réacteur de type « tokamak », comme il en existe quelques dizaines dans le monde. Il réalisera des réactions de fusion de noyaux atomiques légers semblables à celles qui se produisent dans le Soleil, dans une enceinte de confinement magnétique. L’originalité d’ITER tient notamment à sa taille : son enceinte magnétique sera dix fois plus volumineuse que celle du plus performant réacteur de fusion actuel, le « JET », situé près d’Oxford en Angleterre. Grâce à sa taille (notamment), ITER devrait produire dix fois plus d’énergie que celle qui sera injectée dans la machine. Et devra donc intéresser les industriels (ce qui est déjà le cas).

Nucléaire, ITER ?

Même si la fusion n’est pas la fission, l’adjectif « nucléaire » semble « souder » ces deux technologies, pourtant fondamentalement différentes. Que certains n’hésitent pas à placer dans le même sac. D’où une grande confusion : fission-fusion, même combat ? Errare humanum technologicum est... Alors que l’on doit charger, en une seule fois, plusieurs centaines de tonnes de combustible dans un réacteur de fission, il n’y aura jamais plus de deux grammes de gaz en réaction dans l’enceinte d’ITER. Un accident comme à Fukushima est impossible dans un réacteur comme ITER. Qui, autre argument de poids, ne produira pas de déchet radioactif de haute intensité à vie longue. Cette confusion, qui est plus appréhendée que partagée, explique aussi la réticence des politiques à s’engager explicitement sur le terrain de la fusion. Plutôt que de se mettre à dos une minorité d’opposants radicaux, mieux vaut passer ITER sous silence.

Un projet qui verra le jour dans vingt ans

ITER est-il un projet à long terme ? Oui et non. ITER, actuellement en construction, devrait être opérationnel en 2020. Et à partir de 2027, quand seront mis en œuvre les « vrais » combustibles de fusion, le deutérium et le tritium, nous devrions savoir si ITER produira un bilan net d’énergie. Si tel est le cas, la fusion apparaîtra comme une nouvelle source d’énergie crédible. Donc d’ici une petite vingtaine d’années, c’est-à-dire demain à l’échelle des problématiques de l’énergie.

Trop cher, ITER ?

Autre argument évoqué : ITER aurait un coût exorbitant. C’est une critique fréquente, à laquelle il est pourtant facile de répondre. Même si le coût du réacteur ITER ne sera sans doute jamais connu (car les sept pays membres construisent chacun des parties de la machine et ne sont pas obligés de communiquer leur coût réel), la construction de la machine est actuellement estimée à environ 13 milliards d’euros. C’est évidemment un gros montant. Mais qui, ne l’oublions pas, est étalé sur 10 ans et 34 pays. L’enjeu d’ITER – offrir à l’humanité une nouvelle source d’énergie – vaut bien cet investissement. C’est en tout cas la position des sept membres d’ITER.

A la différence de leurs homologues allemands, les politiques français sont extraordinairement silencieux sur ITER. En méconnaissance de cause ? Le fait est qu’ITER, fleuron de la technologie moderne et notamment européenne, s’adapte mal aux canons de notre société ultra médiatique, qui impose des réponses simples aux questions de fond et privilégie donc les formules choc aux explications chic. C’est un paradoxe « média scientifique » de plus. Le silence des politiques français sur ITER reflète le court-termisme d’une partie de notre société, médias et décideurs y compris.

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