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Les grands chantiers que la Chine doit mettre en œuvre pour éviter de décliner...
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Quand le dragon chinois s'essouffle...

Si la Chine semble triompher aujourd'hui sur le monde, d'un point de vue économique, plusieurs indices laissent suggérer quelques failles dans l'Empire du milieu. C'est notre feuilleton de cette fin de semaine. 4ème épisode : quelques propositions pour remettre la Chine sur la bonne voie.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Pour la première fois de son histoire, la Chine pourrait être confrontée à une crise de gouvernance. Les choix faits par les dirigeants actuels du Parti communiste risquent d’entretenir artificiellement la croissance de court-terme en aggravant les problèmes structurels. Alors que la gestion économique du pays, mélange de dirigisme et de libre marché, avait été plébiscitée, se pourrait-il que les leaders chinois manquent désormais de vision ?

La crainte d’un embrasement social

Au moindre ralentissement de l’activité, en l’absence de droit du travail, les entreprises n’hésitent pas à licencier leurs ouvriers excédentaires. Ceci est d’autant plus vrai pour les 240 millions de travailleurs migrants de l’intérieur, les mingongs, dont 130 millions travaillent dans les villes côtières et constituent une large partie de la main d’œuvre bon marché du pays. Au début de l’année 2009, le gouvernement chinois s’est fortement inquiété de la montée du chômage qui aurait, en quelques mois, conduit à 25 millions de licenciements chez ces ouvriers.

Une certaine agitation en a résulté, non sans rappeler celle des années 1996-2000 quand les entreprises publiques avaient massivement licencié et que le chômage s’affichait en hausse dans les centres urbains. Et voici donc comment s’explique l’empressement des technocrates à lancer le XIIème plan fondé sur des investissements lourds dans les infrastructures, l'immobilier et les secteurs industriels exportateurs.

Lambigüité politique de Hu Jintao

Au moment de la validation du XIIème plan en octobre dernier, lors du plénum du Parti communiste, l’équipe dirigeante actuelle, Hu Jintao en tête, a également réglé sa succession. Xi Jinping a été nommé vice-président de la puissante Commission militaire centrale (CMC), véritable adoubement pour ce membre du comité permanent du bureau politique du Parti.

Selon toute vraisemblance dans un an, lors du 18ème congrès, Xi Jinping devrait être nommé à la tête du Parti, et désigné comme futur président, pour deux mandats de cinq ans. Ainsi, Hu Jianto pourrait avoir été tenté de poursuivre la croissance forte encore en 2011 et 2012 avant de refiler la patate chaude à son camarade, qui n’était d’ailleurs pas son favori.

L’équipe dirigeante actuelle semblant avoir renoncé, tous les regards se tourne vers les nouveaux leaders du pays. Xi Jinping, qualifié de réformateur modéré, aura-t-il le courage de vraiment se tourner vers la consommation intérieure ?

Les ménages : grands perdants de la politique actuelle

Aujourd’hui les ménages chinois ne touchent que partiellement et inéquitablement les fruits de la formidable croissance du pays. Certes, l’accès au logement, l’acquisition de biens durables se démocratisent mais l’essentiel se trouve ailleurs. Les décisions prises par les dirigeants chinois, et notamment la politique monétaire, ont eu pour conséquence de drainer le revenu des ménages - absents du terrain politique rappelons-le - en direction des acteurs influents, à savoir les entreprises locales, publiques ou privées. La faiblesse du yuan renchérit les importations et réduit d’autant le pouvoir d'achat des ménages, et à l’inverse avantage indûment les entreprises exportatrices.

La part du revenu des ménages dans le revenu national chinois a donc logiquement diminué entre 2000 et 2011, passant de 70% à moins de 50%. Jusqu’en 2005, ce sont les entreprises privées qui ont accru leur part grâce à la forte croissance de la production. Mais, depuis 2005, l’augmentation provient de l’État - central, collectivités locales et entreprises publiques (environ 30% du revenu disponible). Ceci permet de nuancer la force du taux d’épargne des ménages chinois.

Comme le souligne Nouriel Roubini, à environ 30% du revenu net, il n’est pas plus élevé que celui de ses voisins Hong-Kong, Singapour ou Taïwan mais exprimé en termes de revenu national, il est beaucoup plus faible. Ce sont majoritairement les entreprises publiques qui stérilisent d’importante sommes d’argent, 25% du PIB 2010, sous forme de bénéfices non distribués

Le grand bond en avant vers la consommation intérieure

La Chine est dans l’obligation de réduire le taux d’épargne, les investissements fixes et le poids des exportations nettes dans son PIB afin d’accroître la part de la consommation. Cela passe prioritairement par une nouvelle politique monétaire et une appréciation constante du yuan sur les prochaines années. Le relèvement brutal des taux d’intérêts serait par contre un choc trop fort pour une économie qui connait plusieurs bulles concomitantes.

Le deuxième axe pourrait passer par la création d’une politique sociale et fiscale. L’instauration d’un droit du travail permettrait de réelles négociations salariales afin que les salaires cessent d’augmenter moins vite que la productivité. Un embryon de protection sociale assurée par l’Etat pourrait être mis en œuvre en opérant une taxation exceptionnelle des entreprises publiques, voire en créant un fonds alimenté par la privatisation de ces entreprises.

Les risques sont multiples et notamment les risques de faillite des entreprises tournées vers l'exportation et des gouvernements provinciaux qui vivent grâce à l’endettement et la spéculation foncière, mais la réallocation des ressources permettrait l’apparition d’opérateurs chinois visant le marché national. Enfin, mettre fin au système actuel, c’est aussi mettre fin à la corruption qui gangrène une part importante du personnel politique et administratif chinois.

Le défi est immense mais, laissée en l’état, la situation est explosive, ce qui ne manquera pas d’attirer les spéculateurs du monde entier à la recherche d’un pari baissier digne de Paulson sur les subprimes en 2008. Rééquilibrer le système, en faveur de la majorité dépourvue de parole politique, serait un choix osé pour le Parti communiste, mais bon pour la Chine. Il serait aussi bon pour le monde.


Feuilleton : Quand le dragon chinois s'essouffle...
Épisodes précédents :
1. La "Chine du bas" victime de la crise immobilière
2. Pourquoi la Chine pourrait s'écrouler en 2013
3. Chine : attention à la chute... le reste du monde pourrait bien ne pas s'en relever

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