Accusée austérité, levez-vous : qui est vraiment responsable de quoi dans l’énorme gâchis européen après la crise de 2008 ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Quel bilan pour la politique européenne ?
Quel bilan pour la politique européenne ?
©Reuters

Bilan (peu flatteur)

Sept ans après le début de la crise, et du désastre grec notamment, les solutions apportées par l'Europe n'ont pas convaincu. L'austérité est vécue comme une plaie, sur laquelle jouent de nombreux mouvements politiques. Pour éviter le gâchis généralisé, l'urgence est au bilan.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

Voir la bio »
Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »
Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Sept ans de crise et autant d'orientations politiques et économiques parfois contradictoires. Retour sur les grandes dates d'une Europe à la recherche de la solution, jusqu'au rejet dans les urnes de sa stratégie.

1 - Juillet 2008 : La BCE relève ses taux pour contrer l'inflation des matières premières.

Conséquence : un ralentissement marqué de l'activité se confirme

Nicolas Goetzmann : Alors que l’économie mondiale subit un ralentissement depuis l’été 2007, et que les indices PMI indiquent déjà une contraction de l’activité économique depuis plusieurs semaines, la BCE fait le choix de relever ses taux directeurs à 4.25% en juillet 2008. Ceci en raison de la hausse du prix des matières premières qui vient impacter l’inflation européenne. La BCE se fait donc « avoir » par un faux signal économique. Le résultat est que le marché comprend à ce moment que la BCE passe complètement à côté du problème réel, qui est le ralentissement économique. Au lieu d’apporter son soutien à une économie en berne, elle va aggraver la situation par cette décision et perdre une bonne part de sa crédibilité.

Cette erreur profonde est encore largement sous-estimée dans l’histoire de la crise. Car il ne s’agit pas simplement de la « crise des subprimes », il s’agit surtout de la faillite totale de l’organe qui est sensé stabiliser l’activité économique en cas de problème, et cet organe, c’est la Banque centrale. C’est précisément son rôle d’endiguer une crise comme celle qui arrivait des Etats Unis, et au lieu de cela, elle a même apporté son soutien au marasme.

Eric Verhaeghe : A l'été 2008, les banquiers centraux européens sont restés sourds aux risques que la crise des subprimes aux Etats-Unis, entamée un an auparavant, comportait pour l'Europe. C'était l'époque où le chômage atteignait un étiage historique en France, mais où la bulle du crédit mondial était prête à éclater. La BCE a fait le choix de resserrer le crédit trois mois avant l'éclatement de la grande crise, en partant du principe que les subprimes ne toucheraient jamais l'Europe.

2 - Mai 2010 : Premier plan de sauvetage de la Grèce de 110 milliards d'euro. L'UE inaugure ce qui sera son "arme" principale, l'échange de prêts contre l'exigence en retour de mesures d'austérité purement quantitatives.

Conséquence : La Grèce, le Portugal, l'Irlande puis Chypre doivent se lancer dans une austérité impopulaire 

Nicolas Goetzmann : Suite à l’élection de Georgios Papandreou à la fin 2009, l’Europe découvre l’ampleur du problème des déficits grecs. C’est à partir de là que la Troika, composée du FMI, de la commission et de la Banque centrale européenne va débuter l’application des programmes d’austérité. Ces plans vont être appliqués à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande puis à Chypre. Le diagnostic de base est de considérer que ces pays sont en crise en raison de leur endettement trop élevé et d’un problème de compétitivité. Le remède prescrit est de tailler dans les budgets pour réduire les dépenses, et donc de réduire les dettes. Les exemples évoqués à ce moment-là sont les pays nordiques et le Canada, qui sont parvenus à remettre leur économie en place grâce à ce type de médecine. Mais en oubliant que les pays du nord, mais également le Canada, avaient alors mis en place des politiques monétaires très expansionnistes. Le but était simple, prendre d’une main budgétaire ce que déversait la main monétaire, permettant d’obtenir un équilibre réduisant le niveau de dette sans impacter la croissance d’un pays. Au lieu de cela, l’Europe va agir dans une folie économique, celle de l’austérité « à sec ».  Une recette pour la dépression, et c’est bien ce qu’elle va obtenir.

Alain Madelin : Le souci date déjà de l'entrée de la Grèce dans la zone euro, compte tenu de l'écart de compétitivité entre ce pays et le reste de l'Europe. Devait-elle rentrer dans l'euro ? En réalité, quand vous y rentrez, vous vous interdisez le réajustement des différentiels de compétitivité possibles sinon par la dévaluation. L'euro était en principe une discipline de compétitivité, elle est devenue le parapluie de beaucoup de bêtises économiques. Quand arrive la crise (que la Grèce n'aurait sans doute pas connu si elle était resté en dehors de la zone euro), on s'est rendu compte également que l'entrée dans la monnaie unique était irrévocable. Or, la Grèce ne pouvait pas faire autrement que de s'en sortir par de la dévaluation. On a donc été obligé d'intervenir pour sauver les banques portant des créances grecques – et sans doute fallait-il le faire à cause du risque systémique pour les établissements bancaires sachant qu'il n'existait pas de possibilités de sortie de la Grèce – et d'organiser avec l'Europe, via une feuille de route, une forme de "dévaluation intérieure". Comme on ne peut dévaluer la monnaie, on va approcher le même résultat en diminuant les salaires, les retraites, le coût du capital, pour aboutir à un effet équivalent. Si on avait pu le faire par une dévaluation, cela aurait coûté 35% moins cher que cette politique déflationniaste très violente, et risquée sur le plan politique. Au regard de ce qu'a subi le peuple grec, je trouve même que la "rue" est restée assez calme. 

Eric Verhaeghe : Dix-huit mois après l'éclatement de la crise, l'Union a dû éponger les sols inondés par les plans nationaux de sauvetage et par le manque à gagner lié aux pertes abyssales endossées sur les marchés. Le contribuable a commencé à être mis à contribution. C'est du printemps 2010 que l'on peut dater le transfert des pertes privées vers le budget des Etats, avec la conséquence qu'on connaît aujourd'hui : l'augmentation de la pression fiscale.

3 - Octobre 2010 : Sommet de Deauville, validation du Fond européen de stabilité financière et assouplissement des règles budgétaires sur les 3% de déficit. Volonté de l'implication du secteur privé dans la restructuration de dettes.

Conséquence : face à la crainte du "laisser-aller" et du risque de perte, les taux s'envolent rendant impossible la résorption du déficit plus difficile

Nicolas Goetzmann : Le sommet de Deauville se résume à une discussion entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Le Président français souhaite alors que les règles budgétaires soient assouplies, pour que certains pays puissent s’affranchir de la règle des 3% de déficit, et ce, sans sanction. En contrepartie Angela Merkel veut introduire un principe de « participation adéquate » des investisseurs privés, c’est-à-dire des banques, au titre de la dette d’état qu’ils détiennent.

Le signal qui est envoyé au marché est catastrophique, car toutes les banques vont devoir revaloriser les actifs qu’elles détiennent. Puisque le risque augmente, la dette des états les plus fragiles devient moins désirable, le prix baisse et le taux augmente. Désormais, l’Espagne est un risque, l’Italie est un risque, tout le sud de l’Europe devient un risque. Cette décision, qui n’est rien d’autre qu’un caprice allemand, sera révisée un an plus tard. Mais le mal était fait. Il s’agit d’augmenter le risque en période de stress, le résultat a été à la hauteur de la décision.

Alain Madelin : Il faut se replacer dans le contexte où l'on exigeait jusque-là de tenir une discipline de manière assez artificielle. Il y avait une réalité, celle d'une crise faisant exploser les compteurs et poussant à s'accomoder aux contraintes. Il me semble également que c'est approximativement à cette période que l'on a instauré la "règle d'or" disant qu'une fois que les peuples auront atteint l'équilibre budgétaire, ils devraient réduire leur dette de 1/20e par de ce qui les sépare de 60% du PIB. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela représente. Cela voudrait dire que la France, une fois qu'elle sera à l'équilibre, doit avoir 2% de PIB en plus... On est là dans l'affichage politique...

Eric Verhaeghe : En octobre 2010, les acteurs du système ont commencé à expertiser les dommages subis par la crise. Ils ont compris que plusieurs milliers de milliards d'euros étaient partis en fumée en quelques mois, et que ce n'était pas fini. Pour sauver les économies européennes, les Etats devaient continuer à emprunter massivement, sauf à créer de nouvelles faillites en séries, notamment auprès d'entreprises dont la trésorerie sortait rincée par la crise. La crainte de nouvelles faillites a nourri une spéculation sur les taux.

4 - Août 2011 : Jean-Claude Trichet fait parvenir une lettre à Silvio Berlusconi sur les réformes à mettre en oeuvre

Conséquence : Affirmation symbolique d'une bureaucratie européenne décriée et peu légitime qui voit les élus nationaux des pays en crise comme responsables de la situation

Nicolas Goetzmann : Cette lettre envoyée au Président du Conseil Italien va effectivement devenir le symbole d’une Europe technocratique qui s’oppose à la volonté des peuples. Après la constitution européenne et la Traité de Lisbonne, toute incursion, sans mandat, dans la conduite politique d’un pays, va être très mal vécu par les populations. Quelques mois plus tard, Sylvio Berlusconi sera contraint de démissionner pour être remplacé par un gouvernement dit « technocratique » dirigé par Mario Monti, ancien commissaire européen. Le problème, de taille, est que les élections n’ont pas lieu puisque Mario Monti est nommé directement. Le programme d’austérité va alors être appliqué à l’Italie avec les mêmes résultats que dans les autres pays : la récession, les déficits et la dette.

Alors que Jean Claude Trichet donne des leçons aux différents gouvernements européens, il ne se rend pas compte qu’au même moment, les Etats Unis et le Royaume Uni se lancent dans de vastes programmes de soutien monétaire pour répondre à la crise.  Les résultats arrivent vites mais l’Europe ne voit rien, Jean Claude Trichet en tête puisqu’il va commettre la même erreur qu’en 2008. Alors que l’Europe tremble, les taux directeurs de la BCE sont relevés à deux reprises au cours de cette année. La récession reprend le dessus en Europe.

Eric Verhaeghe : La BCE a commencé à se substituer à une Commission européenne défaillante dans la gestion de la crise. Cet été-là, face au retour de la crise bancaire, la BCE a pris le contrôle des politiques européennes. Il s'agit d'une tendance longue : les décisions récentes de la BCE montrent que le vrai pouvoir en Europe est monétaire, et que la Commission n'a aucun levier efficace à sa disposition. L'une des raisons de l'euroscepticisme tient à l'opacité qui entoure ces injonctions de la BCE. Ajoutons que, de façon dramatique, la BCE décide alors de réduire son bilan de 1.000 milliards : ceux que Mario Draghi vient de décider de réinjecter aujourd'hui dans l'économie. Cette réduction du bilan de la BCE va étrangler le continent. 

5 - 9 Decembre 2011 : Les Etats européens s'engagent avec le TSCG: Respect des règles budgétaires. 

Conséquence : Le leader du principal pays de la zone euro affirme sa volonté (et celle des pays "AAA") de ne pas faire payer à ses contribuables les plans de soutien.

Nicolas Goetzmann : Après quelques tentatives de relance en Europe au cours de l’année 2009, et la volonté de Nicolas Sarkozy d’assouplir la règle des 3% de déficit en 2010 à Deauville, le rigide cadre européen va reprendre ses droits en cette fin 2011. Au cours du sommet du 9 décembre, les Etats vont se mettre d’accord pour la mise en place d’une sanction automatique lorsqu’un état ne respecte pas ses engagements. C’est la règle d’or qui est ici sacralisée. Au même moment, la campagne électorale débute en France et cette décision va être vertement critiquée par le candidat François Hollande, qui va promettre de « renégocier le traité » en question. Ainsi, au cours de cette année 2011, la politique monétaire s’est d’abord considérablement resserrée, puis, c’était au tour de la politique budgétaire d’annoncer une promesse de tour de vis supplémentaire. Aucun espoir de sortie de crise n’est alors permis. La doctrine défaillante perdure, on remet une pièce dans la machine.

Alain Madelin : Angela Merkel a sans doute eu une position maladroite, alimentant ainsi sa caricature, au détriment du retour nécessaire à une discipline économique perçue comme imposée par les "méchants Allemands". Derrière cette inflexibilité allemande – qui n'est qu'apparente – il n'y avait que la volonté d'envoyer un message clair aux Grecs. 

Eric Verhaeghe : La prise de contrôle de l'Union par la BCE montre combien la doctrine allemande domine l'Europe. Pour préserver un euro fort, la BCE exige des réformes structurelles, et l'Allemagne obtient de la Commission qu'elle fasse la police dans les budgets nationaux. L'automne et l'hiver 2011 sont en réalité un moment de transition pour l'Union: il devient évident que les Etats du sud de l'Europe peinent à remonter la pente de la crise avec un euro fort. Faute d'une dévaluation, et parce que la FED pratique un quantitative easing qui rend le dollar très compétitif, les Etats sont obligés de s'endetter pour soutenir leur économie.

6 - Juillet 2012 : Mario Draghi annonce "qu'il fera tout pour sauver l'euro"

Conséquence : La BCE affiche un soutien sans faille à la zone euro. Les marchés se calment sur la dette souveraine européenne.

Nicolas Goetzmann : Suite au départ de Jean Claude Trichet, l’Italien Mario Draghi reprend la tête de la Banque centrale européenne au premier novembre 2011. Il va immédiatement revenir sur les erreurs de son prédécesseur et abaisser les taux directeurs de la BCE. Il va également mettre en place des mesures de relance de petite envergure, qui bien que de peu d’effets, auront le mérite de faire naitre une modification de la doctrine monétaire au sein de la zone euro. Cette volonté d’action va se révéler payante à l’état 2012, lorsque Mario Draghi va prononcer la phrase « Whatever it takes », c’est-à-dire que la BCE fera tout en son pouvoir pour sauver la zone euro. A partir de cet instant, les marchés financiers comprennent que la zone euro n’est plus aussi vulnérable qu’elle ne l’était avec Jean Claude Trichet. La BCE est désormais prête à jouer son rôle, et à contrer une attaque spéculative si celle-ci prenait lieu. Les taux d’intérêts de l’ensemble des pays de la zone euro vont alors commencer leur baisse. Le calme revient sur la zone euro.

Alain Madelin : A un moment, les événements "commandent". Quand Draghi prend la tête de la BCE, il y a des questionnements sur l'existence même de la zone euro. Chaque pays a des dettes, et tant que la croissance n'est pas supérieure au taux d'intérêt, elles augmentent. Pour que la croissance devienne supérieure au taux d'intérêt, il faut des réformes audacieuses, comme celles qu'ont commencer à engager l'Espagne ou la Grèce. En attendant, et pour éviter l'explosion, la seule solution est que la BCE maintienne le plus près possible de 0 les taux. La BCE voulait juste assurer autant de liquidités que possible en cas d'alerte à la "déflation-dépression". Elle prend donc des obligations d'Etat pour assurer la liquidité nécessaire et éviter l'explsion des pays les plus endettés, en espérant bien sûr que ceux-ci fassent les réformes nécessaires... 

Eric Verhaeghe : La rigueur allemande imposée à l'Europe depuis plusieurs mois épuise l'économie du continent et oblige à recourir à la dette pour éviter le pire. Un nombre grandissant d'Européens se rend à l'évidence : seule une politique monétaire laxiste et une augmentation du bilan de la BCE permettra de relancer l'économie européenne, et donc d'éviter une probable banqueroute. En revanche, l'Allemagne, qui profite de la crise pour tuer ses éventuels concurrents européens et conquérir de nouveaux marchés, entend bien préserver son avantage et torpiller les ambitions de Draghi. Ceci explique pourquoi Draghi tarde tant à relancer la machine monétaire.

7 - Eté 2012 - François Hollande signe le pacte de stabilité alors qu'il s'était engagé à le "renégocier"

Conséquence : Le changement à la tête de l'exécutif du deuxième plus puissant pays de la zone euro n'entraîne pas de changement de la doctrine européenne.

Nicolas Goetzmann : Alors que François Hollande avait fait naître un vague espoir en Europe pour que la doctrine européenne soit révisée, la réalité va rapidement apparaître. Au lieu de renégocier le TSCG comme cela avait été annoncé au courant de la campagne, le traité est signé sans contrepartie réelle. En effet, les 200 millions d’euros du « plan d’investissement » pour la croissance ne suffit même pas à faire illusion. Aucune tentative de changement n’est décelable dans l’action du Président. Le signal est lancé que la doctrine austéritaire sera poursuivie au cours des années à venir.

Etant donné que La France reste le seul interlocuteur capable de changer la donne face à l’Allemagne au sein de la zone euro, cette inaction va avoir pour effet de neutraliser toute proposition de changement ultérieur. Les espoirs de certains, de voir naître un front de pays du « sud » pour s’opposer à la logique austéritaire vont faire long feu. Ironiquement, le gouvernement français se révèlera incapable de respecter cette règle qu’il a lui-même signé, en raison de son erreur de diagnostic initial.

Alain Madelin : Le pacte de stabilité (assez généreux qui plus est) n'est que la règle de base de fonctionnement d'une monnaie commune ! L'euro exige forcément une discipline commune. Si vous n'acceptez pas cela, vous creusez des écarts de compétitivité – ce que l'on a fait – que vous ne savez plus résoudre, sauf par un choc déflationniste brutal. On peut bien sûr mener des politiques keynesiennes, elles ont parfois des résultats, mais elles sont à terme explosives ! 

Eric Verhaeghe : François Hollande a abordé les questions européennes comme il abordait un congrès du Parti socialiste : avec l'idée qu'un combat de motions allait avoir lieu entre courtisans coupés des réalités. Il découvre que ses voisins européens ne sont pas aussi décadents que la France, et que les décideurs du nord de l'Europe sont bien décidés à défendre leurs intérêts nationaux au-delà des postures prises dans les salons. Les pays dont l'épargne garantit les retraites ne veulent pas voir le pouvoir d'achat de leurs épargnants s'éroder par une politique monétaire laxiste et par des aventures budgétaires nationales. François Hollande ne fait pas le poids et obtempère. 

8 - Plan Juncker 2014 : 315 milliards d'euros sont annoncé pour relancer l'économie européenne

Conséquence : Un bon signal envoyé... mais terni par les révisions à la baisse, deux mois après, des croissances dans les pays de la zone euro.

Nicolas Goetzmann : Après des élection européenne qui se sont révélée assez « compliquées » pour tous les partis traditionnels sur l’ensemble du continent, les institutions promettent du changement. Mais le conseil européen va nommer Jean Claude Juncker à la tête de la commission européenne, sur proposition du Parlement. Afin de faire face au mécontentement, la nouvelle commission va immédiatement annoncer un plan de relance européen équivalent à 315 milliards d’euros.

Encore une fois, l’annonce ne fera pas illusion très longtemps. Après analyse, il apparaît que cette grande promesse est finalement composée de 5 milliards d’euros d’argent frais, soit 1.5% du total, et de 16 milliards recyclés, c’est-à-dire dont l’affectation a été modifiée. Les 294 milliards restants sont de l’effet de levier, hypothétique par nature. Il ne s’agit là que de l’ultime déception d’une Commission Européenne qui devait être celle du renouveau.  Et dont les membres vont rapidement se retrouver à faire campagne en Grèce, pour soutenir le pouvoir en place, contre Syriza.

Eric Verhaeghe : Juncker se tire plusieurs balles dans le pied : il fait d'abord l'aveu qu'il n'a, à sa main, que 21 milliards d'argent disponible. Comparés aux 1.000 milliards de la BCE, la Commission montre qu'elle est une naine au pays des géants. Ensuite, il décide de se "lancer" avant la BCE, au lieu de se mettre dans son sillage. Ce sentiment d'une compétition ancre l'image d'un président de Commission qui ne joue pas le jeu de la coordination nécessaire avec les autorités monétaires. Enfin, il cherche à prendre le lead sur une opération qui n'a de sens que bien préparée par les Etats membres... Or, à ce stade, on ne voit rien venir du côté des Français par exemple. Incontestablement, le plan Juncker est une occasion manquée de remettre la Commission dans le jeu.

9 - Syriza gagne les élections 2015 : premier discours de Tsipras "C'est la fin de la Troïka"

>>> A lire également : Et le peuple grec reprit la main face à l’Europe… petit mémo de ce qui s’est réellement passé à chaque fois qu’on a cru voir des sursauts populaires contre l’Union

Nicolas Goetzmann : De déni en déni, les institutions européennes se sont révélées incapable de répondre efficacement à la crise, et ce, depuis 2008. En défiant tous les principes économiques, et en ne s’appuyant que sur des considérations morales, l’Europe s’est trouvée incapable de redresser la situation. Plus pragmatiques, les Etats Unis sont parvenus à sortir de cette crise par la voie monétaire. De son côté, l’Europe a cumulé une effroyable erreur de diagnostic économique à une série d’erreurs politiques. La victoire d’Alexis Tsipras n’est pas « une victoire », elle est justement la consécration de la défaite de la zone euro, sous sa forme actuelle, à sortir de la première crise à laquelle elle fait face. Le 22 janvier 2015, sous l’impulsion de Mario Draghi, la zone euro prenait pour la première fois la mesure de cette crise en dévoilant un plan d’assouplissement quantitatif de 1000 milliards d’euros. C’est une véritable course contre la montre qui est lancée au sein de la zone euro en ce début d’année 2015.

Alain Madelin : La Grèce commençait à retrouver de bons indicateurs économiques. Et alors que l'on s'approchait d'un début de normalisation, que nous annonce-t-on ? Qu' Alexis Tsipras veut renégocier la dette en abandonnant le plan de redressement. Et quelle est son alternative ? Ramener de 67 ans à 62 ans l'âge de la retraite... Pendant ce temps, l'Allemagne l'a portée elle aussi à 67 ans. Il va être difficile de faire accepter aux Allemands qu'ils travaillent plus longtemps pendant que les Grecs reviennent sur cette réforme.   

Eric Verhaeghe : L'arrivée de Tsipras au pouvoir clôt un premier épisode dans cette séquence. Elle montre comment un monétarisme étroit, joint à un affaiblissement du levier budgétaire, conduit le contribuable à se révolter contre la loi imposée par les épargnants, et conduit le citoyen national à se révolter contre les contraintes communautaires. Elle est le début d'une nouvelle séquence qui se terminera par une crise systémique de l'Union : les pays "à répartition" ne cotiseront pas éternellement pour les pays "à capitalisation". Tôt ou tard, la question des politiques budgétaires et monétaires sera reformulée en termes nationaux : la domination allemande en Europe ne sera plus analysée sous son angle économique, mais sous son angle géopolitique. Dieu seul sait ce qui adviendra ce jour-là.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !