+110% sur les actes anti-musulmans selon l’observatoire de l’islamophobie : radiographie de ce en quoi ils consistent exactement<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Observatoire national contre l'islamophobie, instance membre du Conseil français du culte musulman, a recensé 116 actes antimusulmans en France depuis les attentats.
L'Observatoire national contre l'islamophobie, instance membre du Conseil français du culte musulman, a recensé 116 actes antimusulmans en France depuis les attentats.
©Reuters

Psychose collective

Le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, a dénoncé dans un communiqué des "actes de haine à l'égard des Français de confession musulmane qui, dans leur immense majorité, respectent les valeurs de la République et la laïcité".

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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L'Observatoire national contre l'islamophobie, instance membre du Conseil français du culte musulman, a recensé 116 actes antimusulmans en France depuis les attentats et demande aux pouvoirs publics "de passer aux actes" face à ce "fléau". Médiapart parle de "déferlante". Le média Algérien "Tout Pour l’Algérie" titre : "les actes islamophobes explosent : Être musulman en France est devenu très risqué".  Le Président du Rassemblement des musulmans de France, invité sur BFM ce lundi soir, parle en conséquence d’une psychose fondée chez les musulmans… Une peur diffuse des musulmans serait en train de s’installer dans les quartiers, en raison d’un amalgame entre eux et les terroristes, qui se répandrait comme une trainée de poudre. Sur la même chaine d’information, on pouvait entendre interrogé sur ces faits, Abdelaziz Chaambi, à la tête de la Coordination contre "l’islamophobie", un communautariste notoire qui ne cesse de mettre en accusation de racisme notre République en attisant contre elle la haine, un comble !

Un renversement de la situation au moment où Charlie Hebdo continue de recevoir des menaces, le Canard enchaîné ou Libération, que la menace terroriste est loin d’être retombée et que dans la plupart des pays musulmans on manifeste en brulant des drapeaux français, en appelant comme à Téhéran "A mort la France" ; A Gaza, on défile avec des portraits des assassins de Charlie hebdo et de l’épicerie cachère, portés en héros, en appelant à égorger les Français de Palestine ; Au Niger, on a brûlé 45 Eglises, fait 5 morts et 128 blessés... Où est la peur ?

Si aucun de ces actes antimusulmans ne saurait rester impuni, est-il  bien sérieux de parler de "fléau", et de créer précisément une psychose qui ne l’est pas par ces actes, mais par la façon dont ils sont retranscrits comme "une déferlante", avec un effet de généralisation à quoi participent certains grands médias. En regardant les choses de plus près, sur les 116 actes, 88 sont des menaces. Combien de menaces ont reçu les défenseurs de la laïcité et les caricaturistes, régulièrement accusés "d’islamophobie" et désignés à la vindicte des musulmans sans aucune précaution et contre le principe de nos libertés, et de la liberté d’expression et de pensée tout particulièrement. Des milliers ! Où étaient ceux qui aujourd’hui crient au loup !

Une démarche de victimisation outrancière qui prend le risque d’exciter au passage les extrémistes de tous bords, alors que nous avons besoin de mesure et de responsabilité dans cette période, alors que le risque terroriste bien réel peut être galvanisé par cette façon de mettre en parallèle les victimes de Charlie Hebdo, avec un rejet massif des musulmans hors de propos, dont l’argument ne règle rien à l’affaire.

Nous savons le risque d’amalgame, entre des musulmans respectueux de la République, qui peuvent se sentir légitimement blessés, l’air de rien, par le jet d’une oreille de cochon dans leur maison qui est un acte de rejet envers eux, et les intégristes islamistes qui passent à l’acte. Mais il y a un autre risque d’amalgame que crée de toute pièce le terme "d’islamophobie". Derrière ce terme qui a fait tant de mal à Charlie Hebdo, se dissimule l’intention du rejet de la critique de la religion qui fait le lit de tous les risques en pointant la République et ses libertés du doigt du blasphème. Ce terme qui entend par contamination faire passer la critique de l’islam pour de la xénophobie, entretient toutes les confusions à haut risque, terme derrière lequel c’est le délit de blasphème qui est en embuscade.

Ce terme devrait être proscrit et remplacé par le terme "antimusulmans" concernant ces actes, afin de lever toute ambiguïté entre un combat contre le racisme qui condamne toute exclusion de l’autre pour sa différence et le droit d’ignorer, de mettre au pilori de la critique une religion, ses symboles. Le Pape François, en déclarant "la liberté d’expression ne donne pas le droit d’insulter la foi d’autrui" montre très bien l’enjeu, en soufflant ainsi sur les braises et en réalité, par ces mauvais mots, condamnant la liberté d’expression et consacrant le délit de blasphème.

Le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, dans un communiqué "dénonce ces actes de haine à l'égard des Français de confession musulmane qui, dans leur immense majorité, respectent les valeurs de la République et la laïcité". Mais pourquoi avant même ces événements, n’a-t-il pas dénoncé avec le CFCM ce que l’enquête de l’institut Sociovision avait révélé en décembre dernier, à savoir, que 56% des musulmans "trouvent normal qu’on suive d’abord les règles de sa religion avant celles de la société", alors que seulement  27% des non-musulmans partagent cette idée. C’est bien à un litige avec la laïcité, voire son rejet, que correspond cette façon de voir leur rapport à la société française pour ces musulmans, qui ne sont pas en nombre négligeable. On voit là un problème de cohésion nationale et de tension, entre une France de la sécularisation du religieux qui va dans le sens de plus de liberté pour tous, et des musulmans trop nombreux qui font passer leur religion avant tout.

N’est-ce pas le reflet du problème que nous rencontrons avec une partie importante des musulmans de France : tels que les centaines d’incidents relatifs au refus de la minute de silence en témoignent ou les "ils l’ont bien cherché", ou plus banalement encore, l’impossibilité de faire cours sur certains thèmes pour les enseignants, de parler sereinement de la diversité de la presse, dont celle irrévérencieuse à laquelle appartient Charlie Hebdo ou le Canard enchainé, s’inscrivant dans une histoire très française des idées, d’expliquer ce qu’est la Shoah, l’histoire de la colonisation ou la laïcité, sans parler encore des appels repris en cœur par des milliers de manifestants pro-palestiniens à Paris et ailleurs, à plusieurs reprises depuis l’été dernier, de "Morts aux juifs" suivis par des "Allah akbar" !

N’est-ce pas le reflet du problème des attaques incessantes envers la laïcité : à l’hôpital ou les cas se multiplient de refus que des femmes musulmanes ne soient soignées ou accouchées par un homme ; la demande d’ouverture de piscine à des horaires spécifiques uniquement pour les femmes soulignant une discrimination bafouant l’égalité hommes-femmes ; les problèmes posés par la pratique du ramadan de certains animateurs musulmans dans des colonies de vacances diminuant leur faculté physique au mépris du risque pris vis-à-vis de la sécurité des enfants, alors que pour toute autre motif cela serait inimaginable ; dans l’entreprise, la demande de salles de prière ou du halal, y faisant entrer en grand la religion au risque de créer de l’assignation par pression communautaire envers ceux qui ne veulent pas, comme musulmans, se voir imposer leur façon de pratiquer leur culte; lorsqu’il ne s’agit pas encore d’éducateurs qui prient avec les enfants qu’ils sont censés encadrer normalement en toute neutralité ou refusent certaines missions relatives à la prévention contre le Sida ou l’IVG…

Ni le CFCM ni cet Observatoire n’ont joué leur rôle pour favoriser l’intégration républicaine, mais au contraire, on encouragé en soutenant une partie des musulmans dans leurs revendications communautaires à caractère religieux, qui se multiplient, une séparation inquiétante pour notre cohésion et notre vivre-ensemble. L’extension du voile n’est que la conséquence de cette situation, le signal de l’installation d’une communauté qui se ferme sur le principe du refus du mélange au-delà de la communauté de croyance. Tout le contraire de la laïcité qui fait se voir les membres de notre communauté nationale d’abord comme des égaux pour pouvoir se mélanger, s’ouvrir aux autres. Ces actes antimusulmans, inacceptables, sont sans doute malheureusement aussi le reflet de cette situation, commis par certains membres de notre société qui se trompent de colère, voire gagnés par le racisme et la bêtise, une minorité heureusement.

La prévention contre le risque de radicalisation qui conduit au terrorisme, ne commence-t-elle pas dans un changement de discours qui est toujours du côté de la victimisation tout en querellant les lois de la Républiques à coup de demande d’aménagement de la règle commune, pour obtenir plus de place pour l’islam, s’imposant dans l’espace de la cité sur tous les plans. Il y a une modération de la religion qui seule est compatible avec nos libertés, c’est un fait. Dans les pays musulmans où on manifeste contre Charlie, on n’a pas séparé le religieux du politique ni laïcisé la société. Toutes les religions lorsqu’elles occupent la place du politique pratiquent le délit de blasphème. Dans ces pays musulmans où on manifeste, c’est la prison pour le moindre écart vis-à-vis du dogme, voire cinquante coups de fouets par semaine comme pour ce blogueur d’Arabie Saoudite, en faveur duquel circule sur internet une pétition pour arrêter cette barbarie due à la religion et ses excès, dès qu’elle n’est pas contenue par une démocratie qui impose le respect des libertés et des droits individuels.

Pour prévenir le risque de la dérive radicale et favoriser l’intégration des Français ou étrangers musulmans dans notre pays, il faut arrêter de vouloir faire de la religion une liberté au-dessus des autres, il faut passer à une volonté de se ressembler avant de se faire différents pour se séparer. Pour cela, il faut arrêter cette façon de faire qu’en toutes circonstances, dès que l’islam est mis en cause, on cherche la paille dans l’œil de l’autre.

On veut déjà nous faire oublier que des choses sont à mettre sur la table derrière cette victimisation, dans le piège de laquelle il ne faut pas tomber, ni les musulmans ni les autres, tout en réagissant sans fermer les yeux sur le moindre fait, mais sans généraliser. Car, ce dont il s’agit, c’est d’avancer ensemble en posant un certain nombre de questions qui fâchent et doivent être clarifiées concernant les rapports de l’islam et de la République, pour que l’on ne voit plus le rejet de l‘intégration républicaine conduire certains jeunes des quartiers de nos banlieues à l’islamisme, ni d’actes antimusulmans.

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