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"La Grèce peut se relever, mais pas dans le calendrier fixé"
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Dette fiction

La zone euro a reporté à une date ultérieure les décisions concernant l'octroi de la prochaine tranche d'aide de 8 milliards d'euros à la Grèce. Une décision finale devrait être prise dans le courant du mois d'octobre. La Grèce a pour l'heure indiqué n'être pas en mesure de tenir ses engagements de réduction de son déficit budgétaire.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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Atlantico : La Grèce peut-elle rembourser le restant de sa dette ?

Jean-Luc Sauron : La Grèce n’est certainement pas en mesure de rembourser sa dette dans le calendrier tel qu’il a été fixé. Le problème depuis le début de cette crise, c’est la volonté d’affichage d’une résorption brève et rapide du déficit de la dette souveraine grecque, qui demande en réalité un calendrier de traitement beaucoup plus long que les trois ou quatre années annoncées.

Le défaut de paiement de la Grèce est-il encore évitable ?

Tout dépend de ce qu’on entend par défaut de paiement. Le second plan grec adopté en juillet comprend déjà une sorte de défaut de paiement, puisqu’il y a une association des créditeurs et banquiers, prêts à abandonner 21% de la dette grecque. Soit un défaut de paiement à hauteur de 21%, détenu par des opérateurs privés.

Mais la Grèce peut-elle encore se redresser ?

La Grèce peut tout à fait se redresser, et l’Europe peut contribuer à ce redressement. Le problème réside dans les délais. C’est à dire, sur quelle durée et sous quelles conditions l’Union Européenne accepte d’aider la Grèce à passer ce mauvais cap. Cet été, le Minnesota, un État américain, est tombé en faillite, mais personne n’en a parlé.

La différence entre la faillite de la Grèce et celle de cet État américain, c’est véritablement l’absence de structures fédérales dans le cadre de l’Europe, et une lecture extrêmement négative sur ce qui arrive. La dette grecque est inférieure à 5% du PIB de la zone Euro, ce n’est donc pas quelque chose de dramatique.

Le discours de ceux qui expliquent que l’Europe serait au bord du dépôt de bilan est excessif. Certains jouent avec les nerfs des marchés, d’autres ne posent pas de règles fermes, mais il faut garder raison. L’Europe est riche, elle a des moyens considérables, c’est même la première puissance économique mondiale, avec un PIB supérieur à celui des Etats-Unis et quatre fois supérieur à celui de la Chine.

Il y a un « empalement » permanent qui ne se justifie pas, tout est question de temps. Il est impossible de redresser la Grèce en un temps imparti si court. L’erreur a été de vouloir rassurer l’opinion publique avec des plans à court terme. Or, le processus va être très long pour toute l’Europe.
Pour une relance de croissance importante, il faut compter au minimum 15 ans pour tout remettre d’aplomb. Mais il y a de la richesse, de la croissance et de l’intelligence en Europe, je n’ai donc pas peur pour mon continent.

Si toutefois elle était amenée à sortir de la zone Euro. Le peut-elle au regard des traités ?

Personne n’a demandé à ce que sorte le Minnesota de la zone du dollar, personne n’aurait eu cette idée, c’est un défaut de perspective. Ceux qui tiennent ce discours n’arrivent pas à appréhender l’Europe pour ce que c’est un continent très riche.

Enfin, selon les traités, il n’y a pas de dispositions pour un qu'un État membre sorte de la zone Euro. Mais en droit international public, un État peut toujours se délier de ses obligations. Si elle faisait le choix, autorisé par les traités, de sortir de l’UE, elle perdrait l’ensemble du marché intérieur, les possibilités de soutiens du fonds structurel. Il n’y a de salut, pour la Grèce comme pour les autres pays de l’Union Européenne, qu’au sein de l’Union.

La Grèce peut sortir de l’UE selon les traités, mais pas de la zone Euro ?

La sortie de l’UE est autorisée par l’article 50 du traité sur l’Union Européenne, mais il n’y a aucune disposition sur la sortie de l’Euro, parce que personne n’avait en perspective cette possibilité.

Mais elle peut invoquer son droit à disposer d’elle-même, du fait de son droit d’État souverain, et sortir de la zone Euro si elle le souhaite. Elle peut se délier des obligations internationales. Aucun État n’est tenu de respecter ses obligations européennes, il peut s’en délier.

Quel intérêt pour la Grèce de sortir de la zone Euro ? Et pour l’Europe de la sortie de la Grèce ?

Non seulement pour la Grèce, mais également pour les autres, cela renverrait une image d’incompétence globale à l’encontre de la zone Euro. Si nous n’arrivions pas à nous sortir nous-mêmes de ces problèmes, ce serait un signal très fort (négatif) envoyé aux autres membres de la communauté internationale.

Le problème c’est que les commentateurs et les économistes, ou soit disant économistes, qui expliquent ces scénarii, ne prennent pas en compte toute une série de faits : l’UE est le premier poids marché intérieur au monde, la première puissance commerciale, l’Euro est la deuxième monnaie internationale. Et ils pensent que par un beau jour d’Octobre, des Etats vont essayer de sortir de la zone Euro. C’est grotesque.

Il faut désormais assumer les dix années de travail nécessaires pour retrouver nos richesses, et transmettre à nos enfants une situation économique assainie.

Et les Allemands ?

Même les Allemands ont été conquis par l’Euro, il leur a apporté une totale stabilité d’échange avec leurs principaux partenaires. Avant, ils devaient constamment rattraper l’écart avec les autres Etats, qui gagnaient en compétitivité en dévaluant leur monnaie. Depuis l’Euro, ils disposent d’un espace commercial totalement stable.

Sortir de la zone Euro, c’est un fantasme de la scène nationale, où certains pensent encore pouvoir vivre de manière autonome…

Des évolutions du FESF sont-elles encore à attendre ?

Que le fonds européen de stabilité financière puisse évoluer, c’est sûr… Les banquiers pensent d’ores et déjà à élargir les prêts.

Reste que la réforme permanente du FESF n’est pas une solution, l’on n’arrive déjà pas à faire voter les réformes… Pour preuve, l’élargissement des compétences du FESF adopté en juillet reste encore à ratifier par trois pays.

L’enjeu c’est de tenir jusqu’en 2013, à la mise en application d’un mécanisme européen de stabilité. Là, il n’y aura plus aucune marge de spéculation possible contre l’euro, compte tenu du mécanisme mis en place, l’on disposera alors d’un bouclier de protection de très grande importance.

La crise de la zone euro pourrait-elle conduire à une nouvelle étape fédéraliste de la construction européenne, plutôt qu’à sa dislocation ?

J’en suis persuadé, mais pas à 27. Une alliance franco-allemande dans un premier temps serait la bienvenue, puisque ces deux pays représentent 50% du PIB de l’Euro. Avec ces deux pays seulement, l’on créerait un poids de stabilité considérable, capable de casser toute tentative de déstabilisation financière et de spéculation.

Il suffirait d’engager un fédéralisme réduit, sans sortir les autres Etats de l’UE, et cela renforcerait considérablement la mécanique européenne.

Mais c’est aux politiques de se décider et aux citoyens de se prononcer. Il faut que les citoyens se rendent compte que c’est une étape nécessaire pour notre survie. Dans un monde où vous avez des Etats continents, le problème de l’Europe, c’est que c’est un continent d’Etats. 

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