Perspectives économiques 2015 : pour Philippe Crevel, une timide amélioration possible... mais sous de nombreuses conditions<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour Philippe Crevel, une amélioration de la situation économique est possible
Pour Philippe Crevel, une amélioration de la situation économique est possible
©Flickr/simonlim88

Atlantico boule de cristal

Pour l'économiste, le redressement de la France se fera au dépend de la zone euro, elle-même très sensible aux évolutions économiques outre-Atlantique. Dollar, inflation, et contre-choc pétrolier seront ainsi les variables à observer à la loupe -faute de les maîtriser- pour réagir en conséquence. Et si la BCE en aura la première responsabilité concrète, la capacité d'influence française à Bruxelles aura aussi une importance déterminante.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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L’année 2014 aura été celle des paradoxes et des grands écarts. La Chine est devenue la première puissance économique mondiale tout en connaissant un net ralentissement de sa croissance ; les Etats-Unis ont perdu leur place de leader qu’ils occupaient depuis 1872 tout en bénéficiant d’une croissance quasi-chinoise au 3ème trimestre. 2014 devait être l’année de la reprise en Europe. Dans les faits, les Etats de l’Europe du Sud en indélicatesse financière, ces dernières années ont rebondi quand les autres sont entrés en léthargie avancée. L’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce sont ainsi sortis de l’ornière de la récession ; en revanche, la France, l’Italie mais aussi l’Allemagne stagnent. 2014, ce fut tout à la fois la fin du quantitative easing aux Etats-Unis, les taux les plus jamais connus en France, un pétrole en mode contre-choc et un euro glissant à la baisse.

>> Et pour lire l'épisode précédent Dans la boule de cristal d'Atlantico : les prévisions économiques de Denis Ferrand

Les taux d’intérêt comme fil rouge de l’année 2015

L’année 2015 risque d’être rythmée par les décisions des banques centrales qui, par défaut, sont devenus les vrais patrons de l’économie mondiale. Si l’expansion américaine se confirme, la question d’un éventuel relèvement des taux par la FED se posera plus rapidement que prévu. Or, ce relèvement aura des conséquences mondiales. Les taux d’intérêt américains donne le "la". Leur remontée conduira à des flux accrus de capitaux au profit des placements obligataires aux Etats-Unis. Les taux d’intérêt des autres pays suivront le mouvement faute de quoi les capitaux pourraient se faire plus rares. L’Europe sera alors dans l’œil du cyclone. Une augmentation des taux pourrait casser les espoirs de la reprise économique et mettre en difficulté certains Etats voire certains établissements financiers. La Présidente de la FED est favorable à une remontée lente et progressive des taux mais elle doit composer avec des faucons enclins à accélérer le processus.

La BCE à la manœuvre pour éteindre les incendies

La BCE se prépare à intervenir pour maintenir un écart de taux avec les Etats-Unis avec comme possibilité, l’achat de titres publics. Ce serait une révolution pour la banque centrale et qui nécessiterait l’accord des Allemands. Avec une croissance faible et une inflation quasi-nulle, la BCE devra peser de tout son poids afin que les taux longs ne soient pas prohibitifs et ne tuent dans l’œuf le début de reprise. Dans ces conditions, l’euro devrait continuer à se déprécier durant une grande partie de l’année avec comme limite la soutenabilité pour les Etats-Unis d’un dollar fort.

La zone euro finira-t-elle par sortir de la stagnation ?

En 2015, la Grèce sera encore au menu avec la finalisation de la dernière tranche de soutien. Les soubresauts politiques en cours pourraient gêner fortement la négociation ce qui serait d’autant plus préjudiciable que la Grèce commence à sortir la tête de l’eau.

Au-delà de la Grèce et de l’arrivé, en 2015, d’un 19ème membre au sein de la zone euro, la Lituanie devrait logiquement sourire un peu plus à l’Europe. En effet, si avec la baisse du cours du pétrole, la dépréciation de l’euro, les faibles taux d’intérêt, le plan Juncker en faveur de l’investissement, rien ne se passe, cela signifie que le mal est sérieux voire très sérieux. Certes, il faut toujours se méfier des évidences. Néanmoins, avec la très faible inflation, les ménages européens devraient bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat qui pourrait contribuer à favoriser la consommation et la croissance. Il ne faudrait néanmoins pas que la déflation s’installe avec à la clef une chute de l’investissement. Par ailleurs, le pétrole ne restera pas bas très longtemps. Il faut donc rapidement profité du contre-choc.

Malheureusement, il y a peu de chances qu’au-delà du plan Juncker, l’Europe élabore une véritable stratégie de croissance. Faute de responsables véritablement européens disposant d’un charisme suffisant, il est vain d’attendre des avancées sur la création de politiques fiscales et sociales communes. Pour traiter la question des travailleurs détachés, il serait utile de créer une caisse européenne de Sécurité sociale à laquelle seraient affiliés les actifs travaillant en-dehors de leur pays. Cette caisse serait une source de transferts financiers et pourrait jouer un rôle contra-cyclique.

Et la France, en 2015, entre espoir et doutes ?

La France devra passer le cap du mois de mars qui se traduira par la fin du sursis accordé par Bruxelles au Gouvernement. D’ici là, il faudra qu’il fasse pattes blanches en matière de maîtrise budgétaire. François Hollande espèrera, fidèle à son habitude, le retour de la croissance et sa vista qui lui fait cruellement défaut depuis 2012. Sauf miracle, la majorité devrait subir deux cuisantes défaites électorales en 2015 aux cantonales et aux régionales. La majorité ne devrait conserver au mieux qu’une vingtaine de départements et une région. Ces échecs répétés pourraient reposer la question de la ligne économique avec en ligne de mire l’élection présidentielle de 2017.

Sur le plan des entreprises, l’entrée en vigueur du pacte de solidarité et la montée en puissance du CICE devraient se faire sentir surtout au cours du second semestre. La loi Macron suffira-t-elle à un crée un déclic pour engager de nouvelles réformes ? Ce n’est pas gagné. De nombreux écueils nous attendent en 2015 avec en premier lieu la négociation sur les régimes complémentaires Agirc-Arrco et le nécessaire et toujours reporter assainissement de l’assurance-maladie. .

Il faut espérer qu’une seule chose, le retour d’un minimum de confiance. Ce retour ne pourra se construire que si les Français n’attendent pas tout de l’Etat. Un tel changement d’attitude serait une belle victoire…

Quelle durée de vie pour le contre choc pétrolier ?

Le contre-choc pétrolier a été la bonne surprise de la fin d’année 2014. Il est le produit d’un déséquilibre classique entre l’offre et la demande. L’OPEP ne contrôle plus 35 % du marché du pétrole contre 42 % en 2008. La montée en puissance des pays non-OPEP avec, en particulier, la forte progression des Etats-Unis et du Canada a changé la donne. L’Arabie Saoudite, premier producteur, ne veut pas jouer le rôle de régulateur de dernier ressort.

Les pays de l’OPEP peuvent supporter mieux que d’autres la baisse des cours. Les coûts d’exploitations au sein des pays du Golf sont faibles en comparaison de ceux des Etats-Unis, d’Amérique Latine ou de Russie. La baisse des cours risque de remettre en cause la rentabilité de certains gisements. Par ailleurs, sur un point de vue géostratégique, elle handicape des pays comme la Russie ou l’Iran. Elle rend moins attractive le pétrole de contrebande en provenance, par exemple, de Daech. Les pays du Golf peuvent supporter la diminution des cours en raison des appréciables réserves financières accumulées ces dernières années. L’appréciation du dollar réduit, en partie, l’impact du recul du prix du baril.

L’OPEP fait donc le pari d’une remontée progressive du prix du pétrole au cours du second semestre 2015. Cette remontée serait également liée à l’amélioration de la conjoncture économique. En trente ans, l’OPEP est intervenue une cinquantaine de fois : 22 fois pour faire baisser les prix, 27 fois pour les faire remonter. Les précédents démontrent que les à-coups de faiblesse peuvent être suivis de réactions assez rapides de la part de l’OPEP. Ainsi, au début de l’année 1986, les Saoudiens avaient décidé quasi unilatéralement de laisser filer les prix. Le baril était ainsi tombé moins de 10 dollars le baril. Cette chute fut enrayée dès le mois d’août 1986 avec l’instauration de nouveaux quotas pour la vente de pétrole. En 1998-1999, après la crise asiatique, l’OPEP confronté à une forte chute du prix du baril, moins de 12 dollars, avait durci les quotas de production entraînant une hausse. En 2008, avec la crise économique et financière, le baril est rapidement passé d’un pic à 147 dollars à 35 dollars. Pour enrayer ce mouvement de baisse, l’OPEP avait alors décidé de retirer 4,8 millions de barils en quelques mois, le quota tombant à 24,8 millions de barils permettant une remontée du baril à 100 dollars.

Un nouveau boom économique nous attend-il ?

Une crise financière met du temps à s’effacer et nous le vivons en direct. Mais, au-delà des aspects conjoncturels récessifs ou déflationnistes, des facteurs de croissance sont présents et pourraient éclore prochainement. L’interconnexion des objets en recourant aux réseaux et la robotisation ne sont pas des gadgets. Elle accroit les capacités d’action des êtres humains ; elle les débarrasse des tâches les moins valorisantes. Certains mauvais esprits affirmeront que cette révolution tuera de nouveaux emplois. Mais, dans ce cas, il faut également condamner la machine à laver, l’électricité, les ordinateurs… Cette révolution qui est dans le prolongement des précédentes abouti à spécialiser les êtres humains dans le travail intellectuel, dans l’innovation, dans la conception et dans la production de symboles. Jamais, l’humanité n’a connu autant de chercheurs travaillant en réseaux, jamais le nombre de brevets par an n’a été aussi important. Il est logique que cet essor de la recherche puisse déboucher sur de la croissance. En outre, plus les Etats se ressemblent par le niveau de développement économique, plus les échanges sont fructueux. Or, les pays émergents se rapprochent des pays dits avancés. Il en résulte plus de consommation surtout dans le domaine des services ce qui constitue une bonne nouvelle pour la France.

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