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Et pour vous Alain Finkielkraut, s’il n’y avait qu’une idée à retenir de 2014, ce serait laquelle ?
©Reuters

Suicide de l'école républicaine

Pour le philosophe et écrivain, auteur de l'Identité malheureuse, la principale idée à retenir de 2014 se situe en fin d'année. Le fait pour l'éducation nationale d'exprimer sa volonté de supprimer le système de notation actuel illustre le maquillage - voire le déni-, d'une société qui courant à l'ignorance, juge plus commode de préférer la compétence technique au savoir.

Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut est professeur à l’École polytechnique. Il anime l’émission "Répliques" sur France Culture. Son dernier ouvrage : L'identité malheureuse (Stock, 2013)

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L'idée forte de 2014 est à mes yeux, et ce de manière incontestable, la volonté exprimée quant à la suppression de notre système de notation à l'école. Comme le dit Michel Houellebecq dans Soumission, son roman à paraître, on ne peut plus dire aujourd'hui "Après moi le déluge", car le déluge c'est maintenant. L'école se meurt, la France se meurt, et l'Europe ne se définie plus par sa culture, mais par le respect des autres cultures, au premier rang desquelles celles qui ne la respectent pas. Ce qui complète la catastrophe, la rend totale, c'est l'oubli organisé de la catastrophe. Il est interdit de regarder derrière soi, et nous préférons faire confiance aux associations bien pensantes. Ainsi, la nostalgie sera bientôt passible des tribunaux.

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L'école, aujourd'hui, a de plus en plus de mal à transmettre le savoir. Dans la société actuelle, il n'est question que de communication -tout va très vite-, et l'école, au lieu de défendre sa spécificité dans un environnement qui lui est de plus en plus hostile, a encore une fois signé sa rédition, initiée par les réformes frénétiques qu'elle accomplit depuis bientôt 40 ans. Elle s'aligne sur les normes, les valeurs des médias. Le résultat, c'est que le niveau s'effondre, et nous choisissons alors de maquiller cette faillite générale par la suppression des notes. Nous avons affaire à une ignorance massive, que nous préférons décomposer en une myriade de petites compétences. Ainsi, la suppression des notes est le village Potemkine de notre désastre scolaire.

C'est en quelque sorte le triomphe de la technique, qui met tout à disposition, et qui remplace l'acquisition réelle. Acquérir un savoir exige de l'exercice, de la patience, mais pour avoir tout à disposition, il suffit d'allumer son ordinateur. Aujourd'hui, l'école en tant qu'institution choisit elle-même la mise à disposition contre l'acquisition, puisqu'elle se numérise, considère que pour résoudre ses problèmes, il lui faut s'ouvrir aux nouvelles technologies qui bien sûr ne feront que les aggraver.

C'est ce qui me pousse à croire que le salut de l'école viendra du dehors des institutions, de l'extérieur. L'enseignement public est en train de tuer l'école républicaine, et peut-être y aura-t-il des initiatives, des expériences privées qui redonneront à l'école sa véritable vocation.

Voilà pourquoi j'ai choisi entre plusieurs idées fortes de notre époque celle-ci, car elle me paraît -malheureusement- la plus emblématique.

>> Et pour approfondir le sujet Vers une suppression des notes à l'école : 10 ans après l'avoir fait, les Suisses, eux, le regrettent

Propos recueillis par Alexis Franco

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