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Et pour vous Nicolas Baverez, s'il n'y avait qu'une idée à retenir de 2014, ce serait laquelle ?
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L'Histoire en marche

Pour l'auteur des "Lettres béninoises", cette année aura été marquée par une remontée des risques stratégiques et une accélération de l'Histoire.

Nicolas Baverez

Nicolas Baverez

Nicolas Baverez est docteur en histoire et agrégé de sciences sociales. Un temps éditorialiste pour Les Echos et Le Monde, il analyse aujourd'hui la politique économique et internationale pour Le Point.

Il est l'auteur de Lettres béninoises et de Chroniques du déni français aux Editions Albin Michel.

 
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Atlantico : Si vous ne deviez retenir qu'une seule idée de l'année 2014, quelle serait-elle ?

Nicolas Baverez : L'année 2014 a été placée sous le signe de la remontée des risques stratégiques et d’une nouvelle accélération de l'histoire. Cinq révolutions s’entrechoquent : économique avec la mondialisation ; technologique avec le numérique ; énergétique avec les hydrocarbures non conventionnels, le renouvelable et plus largement la décentralisation des modes de production ; écologique ; stratégique enfin.

Trois ruptures en ont résulté.

Au plan géopolitique, les fronts se sont multipliés avec le trou d’air de la politique extérieure des Etats-Unis ; la poussée de la Chine dans le Pacifique, avec un nationalisme qui constitue le pendant des réformes économiques pour sanctuariser le pouvoir du parti communiste ; l'mpérialisme russe  qui débouche sur une seconde guerre froide à la suite de l'annexion de la Crimée et de la partition de facto de l'Ukraine. Militairement efficace, l’expansionnisme russe se traduit toutefois par une débâcle économique cumulant la récession, la chute du rouble et de la bourse de Moscou, la quasi faillite du système bancaire. L'émergence de Daech en Irak et en Syrie sur fond de redéfinition des frontières et des alliances au Moyen-Orient. Enfin, l'arc terroriste qui s’étend  de Boko Haram au Nigéria jusqu'aux talibans du Pakistan et de l'Afghanistan en passant par Aqmi, les shebabs somaliens, le Hamas et le Hezbollah, l'Etat islamique et Al-Qaïda. Depuis la fin des années 1970, la planète n’avait pas connu autant de crises.

Lire également : Et pour vous Jean-Pierre Le Goff, s’il n’y avait qu’une idée à retenir de 2014, ce serait laquelle ?

Au plan économique, le mouvement de restructuration du capitalisme s’intensifie comme le montre la multiplication des fusions-acquisitions. Avec une divergence rapide. Rupture entre les pays qui réussissent à se réformer, - à l’image des Etats-Unis et de la Chine, de l'Inde, de l’Allemagne ou de l’Espagne - et ceux qui n'y arrivent pas et dont les performances se dégradent profondément : la Russie, le Brésil, la Turquie ou la France. Réorganisation profonde des entreprises également, comme l’illustre le choix radical d’E-On qui abandonne 50 gigawatts de capacité de production conventionnelle pour se redéployer dans les énergies renouvelables, les réseaux et les services.

Au plan technologique, la révolution du numérique s’emballe et touche tous les secteurs à travers le Big Data, la robotisation, les objets connectés, l’intelligence artificielle. Google poursuit la connexion de l’humanité à grand renfort de satellites, de drones et de ballons stratosphérique. Uber bouleverse le métier des taxis partout dans le monde. La cyberattaque de la Corée du Nord sur Sony à l’occasion de la sortie avortée du film The Interview  pose en termes neufs la question du rapport d’Internet à la liberté et débouche sur une crise internationale.

Tout ceci contribue à un monde volatile où il faut être agile et réagir très vite sauf à le subir au lieu d’y agir.

En quoi s'agit-il d'un phénomène unique, qui restera liée à cette année 2014 ?

Ce qui est propre à notre époque, ce sont la profondeur et la simultanéité des bouleversements. Le monde a souvent connu des crises économiques, des guerres, des innovations technologiques ou énergétiques. Mais la conjonction du basculement dans le capitalisme universel, de l’émergence d’une nouvelle classe moyenne dans les pays du sud, des révolutions numérique et  énergétique, est sans précédent. Et nous affrontons ces transformations inouïes sans superpuissance ou sans système de régulation pour en amortir et en réassurer les chocs.

L’ampleur, la vitesse et la simultanéité de ces évolutions contraignent les individus, les entreprises, les nations, les continents  à s’adapter en permanence. Et les écarts se creusent entre ceux qui relèvent ce défi et les autres. D'où le problème posé aux Etats développés, notamment l'Europe qui cumule une population vieillissante, des institutions délégitimées, des nations en plein désarroi identitaire, de forts écarts de compétitivité, une instabilité financière et monétaire et une poussée des populismes de toutes natures : extrémismes de droite et de gauche, séparatismes….

Y aura-t-il alors un "avant" et un "après" 2014 si cette année marque "l'accélération de l'histoire" ?

2014 n’est pas une année décisive comme le fut 1914 qui marqua le suicide de la civilisation de l’Europe libérale. C’est un moment d’accélération des révolutions qui structurent le début du XXIème siècle et de révélation de certains risques qui avaient été occultés depuis le choc de 2007/2008, au premier rang desquels les tensions stratégiques. Les chocs et les fronts ouverts le sont pour longtemps. Et il n'y aura pas de retour en arrière. La leçon ultime de 2014, c’est que nous devons nous habituer à vivre avec les révolutions du XXIème siècle, que nous devons nous réformer pour être à même de les gérer, au lieu de cultiver l’illusion que nous pourrions nous en protéger en prolongeant le monde du XXème siècle.

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