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Le projet de loi de finances pour 2012 a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Avec une dette publique de 87% et une augmentation du taux des prélèvements obligatoires, les Français vont devoir se serrer la ceinture...

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : Le projet de loi de finances pour 2012 a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Dans quel contexte est mise en œuvre la rigueur en France ?

Jean-Marc Daniel : Tout d’abord, l’annonce faite de baisser le déficit correspond à remplir les critères du pacte de stabilité et de croissance en 2013. L’objectif affiché est finalement celui du retour à une normalité.

Pour cela, deux possibilités s’offrent au gouvernement : baisser les dépenses ou augmenter les impôts. Or si le gouvernement affiche une certaine rigueur sur les dépenses, avec la poursuite de réduction des effectifs, avec l’évolution des dépenses de fonctionnement qui sont stabilisées, il prône également la rigueur fiscale. Même si on la baptise rabotage de niches fiscales, et qu’on essaie volontiers de contourner l’expression, le fait est que le taux de prélèvements obligatoires va augmenter.

Enfin, la rigueur affichée de l’économie française est dans une situation particulière. La réflexion se porte sur une baisse de la dépense publique, mais la condition sine qua non pour y parvenir réside dans l’engagement d’une réflexion sur les missions de l’État. Ce qui ne rentre pas dans le cadre du budget actuel, qui est le budget d’un quinquennat, et donc forcément soumis aux aléas politiques.


Le gouvernement nous parle d’assainir la dette publique, de réduire le déficit budgétaire, mais n’est-il pas avant tout question de rembourser les intérêts ?

De toutes les façons, le remboursement de la dette publique ne figure jamais dans les budgets, puisque celui-ci se résume uniquement au versement des intérêts. La construction des finances publique est liée à des compromis historiques nés au XIXe siècle.

Il est considéré que la dette publique ne doit pas être remboursée. Un agent économique public n’est obligé de rembourser sa dette qu’au moment où il est reconnu comme étant en défaut de paiement. Or normalement, un État ne fait jamais défaut de paiement, même si les Allemands considèrent que cette idée idiote, ne serait-ce que pour prendre l’exemple grec.

La structure de la réflexion économique est issue de l’organisation mise en place par les Britanniques en Europe au XIXe siècle, qui suppose que les États ne font jamais défaut. Pour les Anglais, la pire des choses qui pouvait arriver, c’était qu’un État fasse défaut, parce que cela déstabilise et fait exploser le système économique et financier. Même s’il on a du mal à le percevoir, ils sont toujours dans le vrai.

Dans le budget de l’État, il n’y a donc pas d’amortissement de la dette, mais uniquement le versement des intérêts. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que ce reversement d’intérêt est relativement peu important, car les taux d’intérêt sont relativement bas. Une des menaces qui pointe sur le budget français est une hausse d’intérêt, dans les proportions de celles qu’ont connues l’Espagne et l’Italie. Cela entraînerait des difficultés supplémentaires. Des questions se posent : les hypothèses économiques largement surévaluées de l’Etat, et pointées par l’OCDE et le FMI, vont-elles trouver réponses ? De ce côté, le gouvernement semble prendre le chemin d’une normalisation.

Deuxième chose, la question du budget de l’Etat et de ses différentes composantes. Par exemple, pour le budget de la sécurité sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) reste en cours de négociation et d’arbitrage. D’autres arbitrages douloureux ont aussi été reportés dans le temps.

Sachant que la dette n’est pas amortie mais simplement les intérêts de celle-ci, est-il réellement nécessaire de s’en prendre à l’épargne des Français par une hausse des prélèvements obligatoires ?

Si l’on veut reconstituer les marges de manœuvres de l’État, il faudrait plutôt s’en prendre aux dépenses qu’aux recettes. Ce dont souffre l’économie française, ce n’est pas d’un trop plein d’épargne, mais d’un trop plein de consommation. C’est à dire que l’économie souffre d’avoir trop de consommation par rapport à sa capacité d’investissement.

S’il on doit frapper par le biais des recettes, soit augmenter les impôts, et si l'on veut reconstituer la croissance à moyen terme de l’économie française, il va falloir augmenter les impôts sur la consommation. Soit le débat sur la TVA sociale, et celui - plus anecdotique - de porter la CSG sur les retraites autour de la CSG sur les revenus d’activité. Le véritable bon outil si les impôts doivent augmenter, c’est plutôt l’impôt sur la consommation ou l’impôt sur le revenu, c’est à dire la TVA ou la CSG.

Était-il réellement nécessaire de s’en prendre également au portefeuille des Français, en taxant les biens de consommation courante dits « nocifs », comme le soda ou le tabac ?

Sodas, cigarettes, il s’agit d’un impôt moral. Mais dans ce cas, il faudrait également frapper sur l’alcool, et les autres produits addictifs qui coûtent chers à la sécurité sociale. Reste qu’il faut prendre garde aux discours de communication difficiles à suivre dans les intentions. Dire à la fois qu’on augmente l’impôt sur le soda pour lutter contre l’obésité, et chercher à rassurer en affirmant que ça n’augmentera que d’1 centime le prix du coca, c’est tenir un discours contradictoire. Sur l’alcool c’est pareil : le tabac est taxé, mais on ignore volontairement l’alcool, du fait de son secteur industriel puissant.

Pour certains, une vision de plus long terme doit se substituer aux « petites mesures » pour résoudre le déficit budgétaire et la dette publique, et ce sans demander aux Français de se serrer la ceinture. Pareille vision est-elle concevable ?

Dire qu’il ne faut pas demander aux Français de se serrer la ceinture, je suis à la fois d’accord et pas d’accord. C’est évident que les plans d’austérité brutaux sont absurdes, puisqu’ils ne relancent ni la croissance ni la compétitivité, et aggravent même les problèmes. L’exemple grec est frappant.

Cela n’a de sens que dans un pays qui aurait un déficit extérieur, soit un problème de déficit commercial. Or, la France est confrontée à un problème de finances publiques, donc la seule bonne réponse, c’est la croissance. Et le poids de l’austérité, telle qu’elle est menée, casse la croissance.

Il faut se donner du temps, mais ne pas se bercer d’illusions. Pour relancer la croissance, il faut rééquilibrer le partage consommation et investissement, et assurer des transferts de pouvoir d’achat des ménages vers les entreprises. Il faut faire ce que fait Cameron a fait : baisser l’impôt sur les sociétés, et compenser par une augmentation de la TVA pour repartir vers la croissance et la compétitivité.

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