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Montée du look bucheron des villes : mais qui sont vraiment les lumbersexuels ?
©Reuters

Hipster 2.0

Métrosexuels, hipster, spornosexuel... Les dernières tendances masculines étaient plutôt à l'exacerbation du côté féminin de ces messieurs. Aujourd'hui, notre nouvel homme serait plus viril, proche de la nature et amoureux du grand air : le "lumbersexuel".

Nicolas Riou

Nicolas Riou

Nicolas Riou est diplômé de Sciences Po et de HEC, où il enseigne le marketing. Il est également le fondateur de l'agence publicitaire Brain, et est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la consommation. Son dernier, Marketing anatomy, a été édité chez Eyrolles en 2009.

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Atlantico : Concrètement et exhaustivement, la lumbersexualité, qu'est-ce que c'est ?

Nicolas Riou : Le lumbersexuel est un homme qui assume sa virilité. Avec le métrosexuel on nous avait promis en 2002 que "les hommes devenaient des femmes comme les autres". Le lumbersexuel prend le contrepied en assumant une attitude virile. C’est un modèle issu de la culture nord américaine : les grands espaces, la nature, les forets, les cours d’eau... Le modèle nord-américain du "coureur des bois" représente un archétype dans cette culture. Il fait référence au mythe du trappeur et encapsule des valeurs d’aventure, de liberté, d’indépendance qui rentrent en résonance avec les grandes valeurs intemporelles de la masculinité.

Cependant le lumbersexuel subit l’influence de notre modernité. Les codes esthétiques de la culture gay sont présents, notamment dans le rapport au corps, qui est assez normé (abdos, pectoraux, muscles). Ainsi que l’influence des hipsters qu’on retrouve dans le look global (chemise à carreaux, jeans…) et dans le fait d’arborer une belle barbe bien coupée. Le lumbersexuel est une sorte de hipster en version retour à la nature plutôt que dans le contexte urbain qui est plutôt le milieu naturel ou évolue le hipster.

La tension sur laquelle repose le lumbersexuel est dans l’apparente contradiction entre un physique viril et un soin de soi assumé qui passe aussi par le fait de prendre soin de son apparence. Le choix de vêtements plus sophistiqués que ceux de l’homme des bois et de matières nobles comme la flanelle, nous donne un concept nouveau, au look assez codifié.

La tendance est donc au retour de celle d'un homme viril... Comment l'expliquer ? Les femmes modernes sont-elles aussi demandeuses de plus de virilité ?

Les femmes nous disent "mon mec n’est pas une copine". Elles ne veulent pas d’hommes trop féminisés qui leurs ressemblent trop. De même qu’elles ont fait pour elles le choix de la féminité plutôt qu’un alignement sur les codes masculins, elles veulent des hommes virils et bien dans leur peau, qui les écoutent et prennent soin d’elles. L’équation nouvelle est que ce retour à la virilité doit se faire hors de toute allusion à la domination masculine. Elles ne veulent plus des "salauds machos" qui les oppressaient mais ne sont pas prêtes pour autant à se passer d’hommes virils.

Les hommes quant à eux réinvestissent la virilité car c’est une valeur porteuse de sens, qui leur donne un cadre. Ils ont longtemps été perdus, éparpillés entre une multitude de modèles (métrosexuel, ubersexuel, néo-machos, homme traditionnel, gay…). Avec le Lumbersexuel, ils reviennent aux fondamentaux de la virilité, mais sans faire l’impasse sur l’évolution masculine de ces dernières années, le soin porté à l’apparence.

Paul Bunyan, figure emblématique du folklore américain était traditionnellement représenté en bûcheron au début des années 1900. Il était déjà question de réagir à la féminisation de la société. Historiquement, peut-on rapprocher la lumbersexualité à ce courant passé ?

Au début du siècle dernier, à l’époque de Paul Bunyan, ce réinvestissement du folklore américain marquait une réaction d’opposition à l’émancipation féminine marquée par les suffragettes.

Aujourd’hui la situation est différente. La réappropriation de codes masculins bien affirmés n’est pas seulement une réaction face au nouveau statut des femmes dans la société. C’est aussi une conséquence des troubles que connaît la masculinité depuis l’effondrement du modèle masculin traditionnel, pendant les années 90. La figure de l’homme en crise s’est développée et face à ce brouillage du sens de ce que signifie être un homme aujourd’hui, le Lumbersexuel réinvestit une virilité refuge qui apparaît comme une valeur sûre.

Qu'est-ce que cette attitude consistant à prendre soin de son apparence pour un homme mais sans laisser paraître qu'ils se soucient de leur image, peut révéler ?

Pour un homme viril traditionnel, se soucier de son image n’était pas une priorité. L’habit ne faisait pas le moine et l’appartenance de classe dictait son apparence. Celle-ci était une conséquence de son statut social et n’avait pas un rôle de construction identitaire. Se soucier de son image est une façon de prendre acte de l’évolution des hommes d’aujourd’hui et de s’inscrire dans notre modernité. Mais il ne faut pas que cela se voit trop car cela prendrait le contrepied de l’homme viril traditionnel (où la virilité s’exprime indépendamment de son apparence, c’est plutôt une affaire de valeurs et d’attitude) et nous rapprocherait trop du métrosexuel.

Ce phénomène doit cependant encore être pris comme une tendance. Il nous donne un signal sur l’évolution de la masculinité mais ne concerne pas encore la majorité des hommes. Une étude récente sur les hommes et la mode nous montre qu’en France, 47% d’entre eux dépensent moins de 250 euros par an pour se vêtir, soit 20 euros par mois environ. Ce qui ne suffit pas tout à fait à construire le look d’un authentique Lumbersexuel… 

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