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Les enseignements que la presse doit tirer de la fermeture de Google Actualités en Espagne
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Tribune

Obligé par une loi à rémunérer les titres de presse qu'il indexe dans son service d'actualité, Google a décidé de fermer Google News en Espagne.

Francis  Balle

Francis Balle

Francis Balle est professeur de Science politique à Pantheon-Assas. Il est l’auteur de Médias et sociétés 18 ème édition, ed Lextenso et de Le choc des inculture , ed L’Archipel.

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Google a annoncé le 12 décembre qu’elle retirait l’ensemble des médias espagnols des résultats de Google Actualités car elle ne pouvait se conformer à la nouvelle législation espagnole en matière de rémunération des éditeurs de contenus. Certains observateurs ne manqueront pas d’interpréter cette décision comme une victoire pour la presse, un premier recul du géant californien, forcé d’obtempérer face aux éditeurs de contenus injustement lésés. Faut-il réellement s’en réjouir ? Il s’agit plutôt à notre sens d’une mauvaise nouvelle pour la presse et l’information.

Le problème, typique de toute l’industrie culturelle à l’ère numérique, est bien connu : les agrégateurs utilisent les contenus de la presse en ligne à travers leurs propres plateformes sans participer directement au financement de ces contenus. L’Espagne a choisi une régulation sans concession : l’obligation pour Google Actualités en Espagne de rémunérer toutes les sources utilisées, même si ces dernières n’en font pas la demande ou ne le souhaitent pas, et cela même si les extraits affichés sont absolument minimes. L’Autorité de la concurrence espagnole (la CNCM) elle-même a critiqué la loi et a fermement recommandé que le caractère inaliénable du droit à compensation soit supprimé.

Si le principe de mettre à contribution le maillon de la filière qui concentre la valeur créée afin financer la production du contenu est de bon sens, la mesure repose sur une première erreur de diagnostic : une étude allemande a montré que Google ne tirait qu’une partie extrêmement faible de ses revenus de la publicité sur les contenus d’information. Il n’y a d’ailleurs aucune publicité sur Google Actualités… C’est la raison invoquée par Google pour cesser de relayer les informations espagnoles : ne tirant pas de revenus d’une activité dont elle est à présent censée payer chaque élément, elle décide logiquement d’y mettre un terme.

Seconde erreur : le manque de prise en compte des conséquences. Dans l’immédiat, cette décision sera surtout un coup dur pour la presse en ligne espagnole. Google News est un vecteur de trafic important, générant plus de 10 milliards de clicks chaque mois pour les éditeurs du monde entier. Google participe d’ailleurs directement au redéploiement numérique de la presse en Espagne : la sociétéa noué des partenariats avec de nombreux groupes de presse tels que Prisa, Vocento ou El Economista pour qu’ils bâtissent leur propre plateforme en ligne, leur permettant de mieux rentabiliser leur catalogue de contenus. Même s’ils sont toujours présents dans les résultats du moteur de recherche (il ne s’agit pas pour Google de les « effacer » de ses résultats, mais seulement de ne pas les faire apparaître sur sa plateforme dédiée aux news), les médias espagnols vont perdre une visibilité précieuse. Certains ne manqueront pas aussi de s’indigner du droit bafoué à l’information la plus complète et diverse possible…

A une solution espagnole aussi radicale dans sa règle que dommageable dans ses conséquences, la France avait préféré une option moins martiale mais nettement plus bénéfique. En 2013, un accord avait été conclu par lequel Google s’engageait à abonder un fonds de 60 millions d’euros  pour aider les éditeurs de presse à accomplir leur mutation numérique.

La presse écrite, qu’elle soit papier ou numérique, traverse actuellement dans monde entier une crise profonde due à l’affaiblissement de son modèle économique traditionnel. Elle est ainsi dans l’obligation d’en créer d’autres en trouvant d’autres relais de monétisation des contenus. Qu’on le veuille ou non, les grands agrégateurs de contenus sont désormais des intermédiaires indispensables et de véritables opportunités pour toucher un public plus vaste que jamais. Les solutions simplistes, tentantes, sont des sources d’effets pervers et ne règlent rien. Comme la musique ou le cinéma, la presse doit mettre à profit le puissant levier de la visibilité permise par internet pour accéder à de nouvelles sources de créations de valeur.

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