La croissance minée par l’aggravation des inégalités ? Ce que dit vraiment le rapport de l’OCDE quand on prend la peine de le lire jusqu’au bout<!-- --> | Atlantico.fr
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Les inégalités vont en s’accroissant et leurs effets sont négatifs sur la croissance.
Les inégalités vont en s’accroissant et leurs effets sont négatifs sur la croissance.
©Reuters

Confusion des effets

Selon une étude publiée par l’OCDE, l’accroissement des inégalités serait une source du ralentissement de la croissance. Mais la dynamique ne s’arrête pas là, car faible croissance et inégalités sont deux phénomènes qui se sont auto-alimentés au cours des 30 dernières années au sein des pays de l’OCDE.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Federico Cingano, économiste détaché auprès de l’OCDE, publiait ce 9 décembre une étude intitulée : "Tendances des inégalités de revenus et leur impact sur la croissance économique".  Le titre est suffisamment clair pour connaître les conclusions de l’auteur, les inégalités vont en s’accroissant et leurs effets sont négatifs sur la croissance.

Comme le démontre le graphique ci-dessous, les inégalités (mesurées ici par le coefficient de Gini) se sont effectivement accrues dans la plupart des pays représentés au cours des trente dernières années. A l’exception notable de la France qui a maintenu, durant ces trois décennies, un niveau d’inégalités légèrement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.

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Selon l’auteur, la progression des inégalités a eu pour effet de ralentir la croissance des pays concernés. Et ce dans des proportions considérables :

C’est ainsi que la Nouvelle Zélande perd 16 points de croissance, la Suède 7, ou encore l’Allemagne qui en perd 6. L’auteur estime ainsi que la cause de ces contreperformances est l’impact des inégalités sur l’activité économique. Et plus précisément, sur les répercussions que les inégalités peuvent produire sur le niveau d’éducation :

"Selon de nouveaux éléments mis en évidence dans ce rapport, les inégalités agissent principalement sur la croissance en limitant les possibilités d’instruction des enfants issus de milieux socioéconomiques modestes, ainsi que la mobilité sociale et le développement des compétences. Les résultats scolaires des personnes dont les parents ont un faible niveau d’instruction se dégradent à mesure que les inégalités de revenu sont plus prononcées. À titre de comparaison, ce n’est pratiquement pas le cas, voire pas du tout, lorsque le niveau d’instruction parental est moyen ou élevé."

La démonstration est sans ambiguïté, une distorsion inégalitaire dans la distribution des revenus engendre une perte de capital humain. Ce manque de formation des personnes les moins favorisées est une perte, pour eux, mais également pour le potentiel du pays. Et ces inégalités peuvent dès lors être considérées comme une cause du ralentissement de la croissance.

La boucle est bouclée. Car l’auteur ne s’arrête pas à ce constat, trop simpliste, d’une faible croissance engendrée par ce seul sujet en vogue que sont les "inégalités" .Comme l’indiquait l’économiste américain Jared Bernstein en 2012 (ex-chef économiste du vice-président américain Joe Biden) :

"Je considère que la question des inégalités qui réduiraient la croissance est ouverte (…) mais il devrait être évident que, dans notre traitement des inégalités, une forte croissance est une condition nécessaire, sinon suffisante, pour améliorer les conditions de vie de la population au sens large".

Ce qui est évoqué ici par Jared Bernstein est la nécessaire question de la causalité. Si Federico Cingano évoque avec raison l’impact des inégalités sur la croissance, il n’en reste pas moins que la principale cause des inégalités est la faible croissance elle-même. Car les deux situations s’alimentent négativement.

Alors que la faible croissance génère une perte par rapport au potentiel du pays, c’est-à-dire le chômage, la pauvreté, l’exclusion, une faible mobilité, et la perte d’opportunités, ce sont l’ensemble de ces facteurs qui agissent, à leur tour, comme un frein sur la croissance potentielle du pays considéré.

Il devient dès lors fondamental de se préoccuper, avant tout, d‘une politique de croissance. Puis de s’adresser à la résolution des inégalités. A l’éducation. Une vision qui est parfaitement soutenue par l’auteur :

"Ces résultats ont des implications importantes pour les décideurs préoccupés par une croissance lente et la montée des inégalités. D'une part, ils soulignent l'importance d'évaluer soigneusement les conséquences potentielles des politiques favorables à la croissance sur les inégalités : en se concentrant exclusivement sur la croissance et en supposant que ses bénéfices seront automatiquement répercutés sur les différents segments de la population, on  peut compromettre la croissance à long terme dans la mesure. D'autre part, ils indiquent que les politiques qui aident à limiter ou - idéalement – à inverser la hausse à long terme des inégalités ne doivent pas seulement rendre les sociétés moins injuste, mais aussi plus riches. En particulier, la présente analyse met en évidence l'importance de deux piliers d'une stratégie politique pour s’attaquer à la montée des inégalités et la promotion de l'égalité des chances."

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