Libération de Serge Lazarevic par AQMI : et au fait où en sont les islamistes du Sahel ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Serge Lazarevic.
Serge Lazarevic.
©Reuters

A l'ombre de Daesh

Détenu par AQMI après avoir été enlevé au Mali en 2011, le dernier otage Français dans le monde Serge Lazarevic a été libéré. Les raisons de sa libération restent toutefois floues, entre un échange de prisonniers, une rançon versée... Ou s'il s'agit tout simplement d'une libération symbolique pour illustrer sa désolidarisation avec Daesh, son principal concurrent.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

Voir la bio »

Atlantico : Faut-il voir dans cette libération une volonté d’AQMI de se désolidariser de l’Etat islamique, qui préfère décapiter ses otages ? Ou contraire, peut-on imaginer le versement d’une rançon à AQMI ou un échange de prisonniers dans le cadre de cette libération ?

Alain Rodier : Pour le moment, il convient de rester prudent. On parle beaucoup d'un échange entre notre otage et plusieurs militants d'AQMI. Une rançon, comme à chaque fois, est évoquée. Il semble que les négociations ont eu lieu par l'entremise d'une personnalité touareg nigérienne qui a effectué de nombreux déplacements à Kidal (la même personne avait mené la libération des otages d'Areva). Il faut se rappeler que la katiba qui détenait Lazarevic depuis 2011 est la "al-Ansar" d'Hamada Ag Hama alias Abdelkrim le Touareg.

Quelles sont les relations entre l’Etat islamique et AQMI, qui n’a pas prêté allégeance à l’EI mais dont certains membres ont rejoint les rangs ? Les très récentes craintes de Paris et Alger sur un possible déploiement de l’Etat islamique dans le Sahel sont-elles fondées, alors qu’un émissaire de haut rang des Soldats du califat a été dépêché pour négocier avec les émirs d’AQMI du Sahara et du Sahel ?

AQMI est en pleine crise à l'image d'Al-Qaïda "canal historique". De nombreux activistes de base veulent rejoindre Daesh qui est en "odeur de victoire" sur le front syro-irakien (bien que la situation soit en train d'évoluer). Quelques unités de base ont franchi le pas en Libye, en Tunisie et en Algérie. Pour AQMI, en plus de cette dissidence, le mouvement a aussi perdu la katiba de Mokhtar Belmokhtar qui a fait alliance au Mujao. L'émir d'AQMI est donc en position délicate. La libération de Serge Lazarevic est peut-être un "poids de moins" pour cette organisation.

L’opération Barkhane, née le 1er août d’une redéfinition de l’opération Serval, concerne cinq pays du Sahel dont le Mali. Cette opération militaire a-t-elle accéléré la libération de l’otage Français ?

Non. Je ne pense pas qu'il y ait cause à effet, du moins directement. Cela dit, cela a permis d'intensifier la pression exercée sur AQMI.

Plus globalement, l’opération Barkhane a-t-elle entraîné un redéploiement des djihadistes d’AQMI dans la zone ? Quelles sont les conséquences sur cette région ?

Il y a bien longtemps qu'AQMI a éclaté dans la zone, après les coups de boutoir de l'opération Serval. D'une "armée" des batailles quasi classiques, AQMI est repassé à la tactique de la guerre du faible au fort : embuscades, IED, attentats, etc. Les groupuscules sont évanescents dans la nature, très difficiles à localiser et à détruire. Cette fluidité est leur force (ils sont insaisissables) et leur faiblesse (ils ne peuvent mener que des opérations de faible envergure même si elles causent de nombreuses victimes).

En quoi peut-on dire que malgré cette libération, AQMI reste tout de même un facteur d’instabilité dans la région ? Pourquoi le Mali est-il toujours frappé par le désordre et le chaos ?

AQMI reste un mouvement constitué de combattants aguerris. Ils ont l'habitude de la clandestinité et sont extrêmement rustiques. Leur agressivité reste entière, même s'ils doivent faire face à de nouveaux adversaires (Daesh). L'émergence de groupes encore plus radicaux comme Daesh est très inquiétante. La partition du Mali et le fait que le Nord soit incontrôlable est plus que préoccupant. La coopération des forces de sécurité de la région est indispensable et Barkhane y contribue largement. N'oublions pas aussi l'importance du rôle joué par l'Algérie qui est bien placée pour fournir des renseignements fiables et surtout, couper AQMI en deux en isolant l' "émirat du Sahara" grâce à un contrôle renforcé de sa frontière sud. Mais les distances sont immenses, le terrain hostile et les dissensions locales, tribales et ethniques très importantes. La solution sera longue à trouver et ne peut venir que des peuples concernés.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !