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L'embellie économique prédite par le gouvernement n’a malheureusement aucune chance d’être au rendez-vous d’ici 2017
L'embellie économique prédite par le gouvernement n’a malheureusement aucune chance d’être au rendez-vous d’ici 2017
©Reuters

La réalité des chiffres

Dans son intervention dans le JT de France 2, Manuel Valls semblait retrouver une part d’optimisme économique, sentiment qui semble être partagé par le Président de la République. Mais ce sentiment n’est pas partagé par les institutions européennes qui viennent tout juste de réviser leurs prévisions de croissance à la baisse.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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  • Selon un sondage Ifop, l'inversion de la courbe du chômage, une hausse du pouvoir d'achat, ou encore une baisse significative des impôts sont autant de leviers susceptibles d'améliorer l'opinion des Français à l'égard de François Hollande.
  • Jean-Christophe Cambadélis a d'ailleurs déclaré au JDD que le Président avait "beaucoup semé", et que la "récolte viendra à point nommé".
  • Pourtant, l'économie française ne bénéficiera pas de la baisse des prix du pétrole et ne verra pas non plus un regain de ses exportations suite à la diminution de la valeur de l'euro face au dollar au mieux à la marge.
  • D'ailleurs, les prévisions de la BCE sur l'ensemble de la zone euro ont une nouvelle fois été dégradées le 4 décembre dernier pour l'année 2015.

Ce dimanche 7 décembre, le journal du dimanche l’annonçait, François Hollande est optimiste. Le Président croit que « la lueur est au bout du tunnel », une lueur dévoilée par un proche du Président dans les colonnes du JDD "L’univers est moins noir que prévu (…) le prix du pétrole est historiquement bas, les taux d’intérêts sont très bas et l’euro est bas aussi". "Ce nouveau contexte peut créer dans les mois qui viennent un booster économique". Et ce sont les mêmes ingrédients de ce "booster économique" qui ont été énumérés par Manuel Valls lors de son intervention au journal télévisé de France 2. Reste à vérifier la pertinence de ces affirmations.

"L’euro baisse"

Depuis le mois de mai 2014, la monnaie unique a perdu 12% de sa valeur par rapport au Dollar. Selon la banque Natixis, cet affaiblissement de l’euro pourrait être la source d’un gain de croissance au sein de la zone euro.

"Compte tenu du poids des exportations de la zone euro, la dépréciation observée depuis le début de 2014 du taux de change effectif de l’euro devrait accroître, en deux ans compte tenu des délais d’action des gains de compétitivité, le PIB en volume de la zone euro de 0,35%."

Un son de cloche équivalent du côté de l’OFCE, qui indique:

"Nos résultats montrent qu’une dépréciation de 10 % l’euro face à l’ensemble des monnaies entraîne un gain de compétitivité-prix à l’exportation pour la France vis-à-vis du reste du monde. Les autres pays de la zone euro bénéficient du même gain de compétitivité sur l’ensemble des marchés à l’exportation. Dans ce cas, l’effet sur l’activité serait de +0,2% la première année et de +0,5% au bout de trois ans."

Sur le front de l’emploi l’OFCE continue ses prévisions :

"Sur le marché du travail, une telle dépréciation entraînerait la création de 20 000 emplois la première année de 77 000 emplois au bout de 3 ans. Le solde public de son côté s’en trouverait amélioré de 0,3 point de PIB à l’horizon de 3 ans"

Mais, et l’OFCE l’exprime clairement, ce scénario n’est valable que si l’euro baisse de 10% "contre toutes les monnaies". Ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, si Manuel Valls tente de s’attribuer les lauriers de la baisse de l’euro, la responsabilité du mouvement observé sur les devises repose plus sur les épaules de la Réserve Fédérale américaine. Car, et par exemple, l’euro a été plutôt stable contre la livre sterling et a même continué de progresser face au Yen japonais. A l’inverse, le dollar a progressé contre toutes ces devises. Ce qui indique que le générateur principal du mouvement est le dollar, et non l’euro.

Mais peu importe. Si cette baisse peut avoir des effets positifs sur l’économie française, on ne peut que s’en féliciter. Il reste cependant à considérer que les exportations ne représentent que 29% du PIB français, et que seule la moitié de ce chiffre concerne les exportations hors zone euro.

Plus précisément, si l’on veut prendre en compte les pays pour lesquels l’euro a « baissé », à savoir la Chine et les Etats Unis, la part des exportations de biens concernée n’atteint que 10% du total. Il est donc illusoire d’y voir le salut de l’économie française.  

"Le prix du pétrole est en baisse"

La baisse du prix du pétrole est justement perçue comme une nouvelle favorable à l’économie, mais cette baisse a également un effet collatéral parfaitement décrit par Natixis:

"On oublie en effet souvent le facteur suivant : si le prix du pétrole baisse, la zone euro importe son énergie à un prix plus faible, mais elle va aussi exporter moins vers les pays exportateurs de pétrole dont les revenus sont réduits. On voit la stagnation de ces exportations due au recul des recettes des exportateurs de pétrole."

Car les pays exportateurs de pétrole sont de bons clients de la zone euro, pour environ 300 milliards d’euros (pour les pays de l’OPEP et la Russie).

Plus importante encore, la baisse du prix du pétrole est la conséquence combinée d’une surproduction pétrolière et de la faible demande mondiale. Il s’agit dès lors d’un nouveau symptôme de la crise plutôt que de son remède.

Concernant la zone euro, la conséquence directe est que la baisse du prix du pétrole participe fortement au phénomène déflationniste. La baisse des cours agit comme un boulet au pied des chiffres de l’inflation. Ainsi, lorsque Manuel Valls se plaint de la faible inflation tout en se félicitant de la baisse du prix du pétrole, cela traduit une incohérence manifeste de la part du Premier ministre.

"Les taux d’intérêts sont bas"

La baisse des taux d’intérêts sur la dette française a bien permis une économie de 5 milliards d’euros depuis 2011 pour l’Etat français. Mais l’avantage de la baisse des taux s’arrête-la, au contraire de ce qu’affirme Manuel Valls. Car si les taux bas ressemblent à une incitation à emprunter pour consommer ou investir, ils ne font que traduire un autre phénomène.

En effet, des taux bas ne sont rien d’autre que le reflet des anticipations du marché. C’est un horizon de faible croissance et de faible inflation qui est bien la cause de la chute des taux d’intérêts. Le Japon a d’ailleurs été confronté à des taux bas pendant 20 ans, et le pays ne s’en vante pas beaucoup. Il s’agit là purement et simplement d’un symptôme supplémentaire du marasme économique européen. Emprunter à 1% lorsque la croissance et l’inflation sont proches du vide n’est pas plus avantageux que d’emprunter à 3 ou 4% lorsque croissance et inflation sont vigoureuses. Un taux seul ne veut rien dire. Comme Milton Friedman l’avait indiqué à de nombreuses reprises : « des taux d’intérêt faibles sont généralement le signe que la politique monétaire est restrictive ».

Et pourtant, les anticipations de croissance et d’inflation sont à la baisse...

Finalement, la baisse de l’euro et la baisse du prix de pétrole apporteront quelques miettes de croissance à la zone euro et à la France. De là à y voir une source d’espoir et un alignement favorable des planètes, il y a un grand pas à ne pas franchir. Car si le seul espoir de l’exécutif est la réalisation de ce scénario, il faut se rendre à l’évidence : l’ambition réelle n’est pas de sortir le pays de la crise, mais simplement de survivre.

Mais la preuve la plus accablante du caractère inopérant des arguments de Manuel Valls réside dans les annonces faites par la Banque centrale européenne ce jeudi 4 décembre. Lors de sa réunion mensuelle, la BCE a ainsi revu fortement à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation pour la zone euro. La croissance de l’année 2014 a été révisée de 0.9 à 0.8%, mais surtout, celle de l’année 2015 est passée de 1.6 à 1%, puis, celle de 2016 chute de 1.9% à 1.5%.

Etant donné que les dernières prévisions dataient du mois de septembre, la signification de cette révision est que les arguments développés par Manuel Valls n’ont, en rien, permis de ralentir le cours de l’affaiblissement de la zone euro. Car la baisse de l’euro ou la chute des cours du pétrole ont été intégrées aux travaux de prévisions des équipes de la BCE. Et celles-ci n’ont pas suffi à empêcher ce ralentissement de la croissance. Manuel Valls ne fait que s’accrocher aux branches qui lui restent.

Nicolas Goetzmann

... Et les préoccupations des Français ne pourront être satisfaites

Selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche, les facteurs clés de l'opinion vis-à-vis de l’exécutif sont le chômage, le pouvoir d'achat et la fiscalité. En matière de prévision de l'évolution du chômage, il faut raisonner avec grande prudence car la conjoncture est vraiment dégradée. L'approche de l'UNEDIC qui escompte 140.000 demandeurs d'emploi supplémentaires d'ici à fin 2015 me paraît être la fourchette basse. L'ensemble des pays de la zone euro sont confrontés à des difficultés et la France est un des pays les plus atteints par cette chute d'activité. Le risque de devoir compter 180.000 personnes de plus contraintes de pointer chez Pôle Emploi n'est pas à exclure.

Face à ce flux de chômage de masse et son lourd tribu social, il faudrait 1,6% de croissance du PIB pour commencer à inverser la courbe. Pour être perceptible et socialement reçu, il faudrait surtout une croissance durable : sur plusieurs années.

En France, nous avons une spécificité maligne à savoir la durée moyenne de présence au chômage qui est d'un peu plus de 500 jours. Autrement dit, l'inversion de la courbe mettrait de longs mois avant d'être observable.

Pour ce qui est du pouvoir d'achat, en période de croissance atone, le gouvernement estime qu'il ne dispose pas de marge de manœuvre afin de soutenir le pouvoir d'achat. Je pense que les hausses massives d'impôts des dernières années ont cassé la croissance et érodé le pouvoir d'achat. Il faut donc agir. A cet effet, il n'est pas anodin de citer une étude du BIPE (Métallurgie 2025) qui démontre – notamment – qu'une part du CICE est restituée aux salariés en hausse de salaires.

Nul ne peut oublier qu'un entrepreneur n'investit que s'il anticipe une demande solvable.

Le poids des ponctions fiscales depuis 2012 a quant à lui anéanti le peu de croissance dont bénéficiait notre pays. Le tandem Ayrault-Moscovici seront sévèrement jugés par l'Histoire financière de notre pays. Leur réponse de lutte réussie contre les déficits est démentie par ce que nous vivons en ce moment. En revanche, ils ont introduit une défiance généralisée qui risque de perdurer des mois après une éventuelle et sincère pause fiscale.

L'économie n'est pas encore résiliente mais les Français (ménages ou entreprises) ressentent la rémanence de cette massue nommée hausse indiscriminée fiscale.

Au regard de ces éléments, la Loi Macron est une sorte de porridge assez étonnant dont le mot cohérence est absent, même des coulisses. Ce texte apportera un mieux concurrentiel sur le thème du travail dominical. Pour le reste, " la boîte à outils " est bien mince, à commencer par cette histoire d'extension des lignes d'autocars. Si Raymond Barre était encore parmi nous, mon ancien Professeur aurait trouvé le mot juste pour cette idée. Pour ma part, j'ose espérer que des simulations d'accidentologie ont été réalisées avant de se lancer dans une telle épopée.

Jean-Yves Archer

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