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La guerre des changes n’est pas une si mauvaise nouvelle que ça.
La guerre des changes n’est pas une si mauvaise nouvelle que ça.
©Reuters

Qui ne tente rien n'a rien

Guerre des changes, euro fort, dévaluation, manipulation monétaire... les discours économiques se perdent à l’infini dans des thématiques martiales. Pourtant, la thèse d’une bataille mondiale entre banques centrales se confronte à une réalité inverse. La relance monétaire n’est pas un outil au service des exportations mais un outil au service de la demande intérieure.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Lorsqu’en 2008, le monde entier entre en crise, les inquiétudes relatives à la naissance d’une nouvelle guerre des changes ont rapidement prospéré. Il n’aura suffi que de quelques mois pour que les peurs manifestées se matérialisent à travers les différentes actions menées par la Réserve fédérale américaine, la Banque Populaire de Chine, la Banque du Japon, ou la Banque d’Angleterre. Les Banques centrales du monde entier, Europe exceptée, se livreraient depuis lors à une insupportable guerre des changes, en pratiquant des actions de débauche monétaire aussi néfastes que contraire aux bonnes mœurs économiques.

Plus récemment, le Premier Ministre Manuel Valls indiquait, dans une lettre adressée au Président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker : "La stratégie économique européenne doit continuer de reposer" (entre autres) (…) sur "une politique monétaire et de change qui conjure le risque d’inflation durablement faible et évite qu’un niveau trop élevé de l’euro ne pèse sur notre compétitivité". Pour le Premier ministre, l’Europe se doit de participer à cette guerre dont le seul enjeu serait celui de la compétitivité.

Pourtant, cette notion de guerre des monnaies, basée sur ce concept toujours flou de compétitivité, semble oublier un fait majeur : l’économie mondiale n’est pas un jeu à somme nul. Parce que l’action d’une banque centrale ne consiste pas à "faire baisser sa monnaie" dans le seul but de venir chaparder les parts de marché de tel ou tel concurrent international.

Car il s’agit bien là de l’idée défendue dans cette notion de guerre des changes. Les pays concernés ne seraient que de vulgaires concurrents se disputant un marché, et la baisse relative de leur monnaie aurait pour seul objectif de venir tailler des croupières aux exportations des voisins. Avec une telle vision, évidemment, la notion de guerre des changes apparait logiquement comme une pratique franchement déplacée si ce n’est parfaitement agressive.

C’est également cette logique qui pousse continuellement les dirigeants à dénoncer un euro fort par ci, un dollar faible par là, ou la "dévaluation" du yen par ailleurs. Ici encore, l’idée véhiculée est que les banques centrales sont des outils permettant à chaque pays d’exporter la crise chez le copain.

Le problème est que cette vision ne correspond pas à la réalité. Il s’agit même d’une vision inversée du processus monétaire, dont la finalité n’est pas de venir "piquer" la part  du voisin mais au contraire, de renforcer son propre marché intérieur. En effet, une opération de relance monétaire a pour objectif principal de modifier les anticipations de croissance et d’inflation à l’intérieur même du pays concernée. En "créant" de la monnaie, la Banque centrale va tout simplement provoquer un ajustement positif de ces prévisions de croissance et d’inflation, c’est-à-dire de la demande.

Le résultat est que la demande intérieure se redresse, permettant le retour de l’activité et la baisse du chômage. Et ce redressement de la demande intérieure va avoir pour effet, non pas de favoriser les exportations, comme pourraient le croire les idéologues de la guerre des changes, mais de provoquer une hausse de la consommation, de l’investissement mais également des importations (car si la demande intérieure progresse, celle-ci profite également aux biens et services importés). Voilà pourquoi une relance monétaire s’accompagne le plus souvent d’une balance commerciale déficitaire. Et non l’inverse.

Le résultat est qu’un pays A, dont les biens et services sont importés dans un pays B qui relance, ne fait que profiter de la situation. De plus, si chaque pays procède de la sorte, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui va bénéficier d’une augmentation globale de la demande. Si chacun fait l’effort de réparer son économie, c’est bien l’ensemble qui en profite. Et dans le monde actuel, s’il existe un continent qui refuse de comprendre cette logique, c’est encore l’Europe. Une Europe qui croit encore qu’une "guerre des changes" lui est défavorable alors même que sa seule source de croissance et de pouvoir exporter dans les pays les plus dynamiques. C’est-à-dire ceux qui relancent.

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