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De la repentance éternelle 
pour la France ?
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Requiem pour les Français

Dans son livre "Requiem pour les Français", Jean Bothorel nous fourni une analyse critique du "dogme du devoir de mémoire". Extrait (1/2).

Jean Bothorel

Jean Bothorel

Jean Bothorel est écrivain et journaliste. Il publie Requiem pour les Français, aux éditions Bourin.

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En même temps que se développait une catéchèse de la diversité, de la fierté identitaire et du métissage, une rhétorique culpabilisante se mettait en branle : la France devait s’excuser de ses exactions, de ses guerres coloniales en prenant soin d’ignorer ses actions positives. La repentance était née. Tout se tient. De la discrimination positive à la repentance, une sorte de métapensée infuse dans nos consciences. Pour bien s’en convaincre, lisons une fois encore Ulrich Beck: «Le concept d’État cosmopolite tire les conséquences de l’histoire des régimes de terreur, de gauche comme de droite, qui ont endeuillé le XXe siècle ainsi que l’interminable histoire de la violence, du colonialisme et de l’impérialisme.» Repentons-nous, repentons-nous, et que vive «l’État cosmopolite»!

De 1947 à 1962, la décolonisation déchira nos concitoyens et fit tomber la IVe République. Vingt ans plus tard, durant la décennie 1980, les classes dirigeantes des jeunes nations indépendantes, sevrées des combats de libération, commencèrent à demander des comptes aux anciennes puissances impériales. La vague des idéologies anticolonialistes et tiers-mondistes, triomphantes dans les années 1950 et 1960, cédait la place à un puissant ressac : nous étions convoqués devant le tribunal de l’Histoire pour répondre de nos crimes. Nous nous y sommes rendus le genou à terre, condamnés avant le verdict. La cruauté des traitements réservés aux indigènes ou la généralisation du travail forcé et de l’exploitation économique ne sont pas à discuter. Pas plus que le massacre des populations indiennes d’Amérique du Nord ou l’extinction des aborigènes d’Australie ; pas plus que les violences d’une abominable monotonie perpétrée par la vieille Europe en Amérique du Sud, aux Caraïbes, en Extrême-Orient, en Afrique ; pas plus que la brutalité des Japonais en Corée et à Taïwan, des Russes au Caucase ou des Arabes qui, en Afrique orientale, ont, avant nous et les Anglais, profité du marché du «bois d’ébène ». Le Livre noir du colonialisme XVIe-XXIe siècle : de l’extermination à la repentance, écrit sous la direction de Marc Ferro par une vingtaine d’historiens, d’ethnologues et d’anthropologues, est une autopsie encyclopédique de cette aventure coloniale qui n’a pas été le « privilège » des seuls Européens.

Ce qui aurait mérité et mérite discussion, c’est la manière univoque dont l’histoire du colonialisme a été récupérée par les contempteurs de la civilisation occidentale. En l’espèce, le «devoir de mémoire» a pris rang de dogme; il suit un parcours fléché, jalonné de certitudes, qui, systématiquement, nous accuse. La connaissance historique n’est plus ni un questionnement toujours recommencé ni ce «petit miracle aux multiples facettes » ; elle est devenue une mémoire manipulée, une mémoire obligée – sans contrition, sans pardon pour les salauds, les bourreaux que nous avons été et que nous continuons d’être. Cette exploitation en négatif de notre passé colonial est le ferment qui alimente les procès de notre attitude actuelle vis-à-vis des immigrés. Matthew Carr, journaliste au New York Times, à propos des efforts de l’Union européenne pour renforcer les contrôles aux frontières, écrivait: «En 1941, Stefan Zweig, écrivain juif exilé, déplorait les restrictions aux déplacements nées de la Première Guerre mondiale. Il écrivait : “Partout on se défendait contre l’étranger, partout on l’écartait.” Pour Zweig, cette “épidémie intellectuelle” de xénophobie a fait le lit du nazisme. «Aujourd’hui, à la fin d’une année sombre durant laquelle les migrants ont été persécutés à travers le continent, le durcissement des attitudes aux frontières de l’Europe ne conduira probablement pas aux chemises noires et aux croix gammées, mais on peut se demander s’il ne jette pas les bases d’une nouvelle barbarie. »

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Extraits de Requiem pour les Français, 30 ans de lâcheté politique de Jean Bothorel, Bourin Editeur (22 septembre 2011)

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