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Arafat : 10 ans après sa mort, pourquoi certains médecins pensent qu'il a été assassiné
©Reuters

Bonnes feuilles

Le 11 novembre 2004, Yasser Arafat meurt à l’hôpital militaire Percy de Clamart, dans les Hauts-de-Seine. Curieusement, les médecins français sont incapables d’expliquer les causes de don décès. À ce jour, aucun diagnostic n’a jamais été fourni. Extrait de "L’affaire Yasser Arafat", d'Emmanuel Faux, publié aux éditions l'Archipel (1/2).

Emmanuel  Faux

Emmanuel Faux

Emmanuel Faux, journaliste à Europe 1, a été le correspondant permanent de la radio à Jérusalem de 2003 à 2007. Il dirige la dernière session d’information de la chaîne, « Europe Nuit ». Il a publié Le Nouvel Israël (Seuil, 2008), ainsi qu’une enquête sur les réseaux d’extrême droite de François Mitterrand, La Main droite de Dieu (avec Thomas Legrand et Gilles Perez, Seuil, 1994).
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Le Pr Marcel-Francis Kahn, lui, est convaincu de l’assassinat de Yasser Arafat depuis les premiers jours. Aujourd’hui retraité, ce médecin a connu personnellement l’homme au keffi eh et se sent proche de la cause palestinienne. Plus de soixante années de pratique médicale, depuis ses premiers pas d’interne en 1952, lui ont appris à lire entre les lignes d’un rapport d’hospitalisation et à décrypter un tableau clinique suffi samment complet. Or, pour l’ancien chef du service de rhumatologie à l’hôpital Bichat, le syndrome de « défaillance polyviscérale avec atteinte hépatique et rénale » dont a souffert le leader palestinien à la fi n de ses jours n’est pas celui d’un septuagénaire plongé dans un mois d’agonie par simple « grande fatigue » ou usure de l’organisme.

Les dictionnaires médicaux spécialisés évoquent une violente « agression initiale, infectieuse, traumatique ou chirurgicale2 » et précisent que l’évolution de ce syndrome « conduit à la mort en deux mois maximum ». Pour autant, le Pr Kahn n’a jamais été convaincu par les résultats des experts suisses et l’évocation d’une « hypothèse raisonnable d’empoisonnement au polonium 210 », en raison de la double absence de leuconeutropénie1 et de perte de cheveux blancs – même s’il admet qu’avec seulement six cas connus depuis Marie Curie2, on connaît mal les effets de cet élément radioactif. Sans exclure la piste d’un autre poison, il explique, dans un mail adressé au Pr Bochud, de l’Institut de radiophysique de Lausanne, que cinq critères peuvent satisfaire selon lui à l’hypothèse de l’utilisation d’une toxine « pour une exécution » :

1) facilité d’administration en une fois ;

2) délai long entre cette administration et l’apparition des premiers symptômes ;

3) létalité irréversible, mais demandant plusieurs semaines pour tuer ;

4) très grande diffi culté de diagnostiquer et prouver l’utilisation de ce produit ;

5) absence de traitement connu (sauf, peut-être, de ceux qui l’ont mis au point).

Or, ancien membre de la Société française de mycologie, Marcel-Francis Kahn se souvient du champignon Cortinarius orellanus3, « dont la toxine répond exactement aux critères développés cidessus ». Et de souligner qu’Israël – qui a signé mais jamais ratifi é la Convention sur l’interdiction des armes chimiques – abrite près de Tel-Aviv un institut ultrasecret, baptisé Ness Ziona, dédié à la recherche sur les poisons et toxines. C’est ce laboratoire qui a fourni l’antidote réclamé par le roi Hussein de Jordanie pour sauver le dirigeant palestinien du Hamas, Khaled Mechaal, que l’État hébreu avait tenté d’empoisonner le 25 septembre 1997. Le souverain hachémite avait alors menacé les Israéliens de rompre le traité de paix signé avec eux trois ans plus tôt et de faire pendre les deux agents du Mossad infi ltrés en territoire jordanien avec des passeports canadiens pour commettre leur crime1. Ironie de l’Histoire : en octobre 2004, dès qu’il apprend que Yasser Arafat est au plus mal et hospitalisé en France, le leader du Hamas en exil – qui n’a jamais porté le raïs palestinien dans son coeur – se précipite sur son téléphone pour appeler Leïla Chahid et lui demander s’il y a le moindre soupçon d’empoisonnement. Hypothèse exclue par les médecins de Percy, s’entend alors répondre Khaled Mechaal…

Laissons enfi n la parole au Dr Ashraf al-Kurdi, qui a suivi Yasser Arafat pendant plus de vingt ans et qui connaissait par coeur son parcours de santé. Aujourd’hui décédé, celui qui fut longtemps le médecin des rois hachémites s’est vu écarté des équipes soignantes du chef palestinien pour avoir accepté – crime de lèse-raïs – de prendre en considération l’hypothèse, avancée par le journal israélien Haaretz, d’une infection par le virus du sida. Une piste très vite démentie par une enquête du New York Times, mais aussi par le résultat négatif d’un test VIH pratiqué par l’un des médecins tunisiens de l’homme au keffi eh. Le médecin jordanien a fi ni par reconnaître que « l’hypothèse sida », dénuée de tout fondement, n’avait été évoquée que pour salir l’image du leader palestinien aux yeux de son peuple et de l’opinion internationale.

Ayant pu examiner Yasser Arafat à Ramallah avant son transfert en France, Ashraf al-Kurdi a déclaré ensuite avoir reconnu des indices d’empoisonnement chez son célèbre patient : « Douleurs dans les reins et l’estomac, absence totale d’appétit, diminution des plaquettes, pertes de poids considérable, taches rouges sur le visage, peau jaune… N’importe quel médecin vous dira qu’il s’agit là de symptômes d’empoisonnement », s’était-il emporté. Mais le médecin du raïs, qui plaidera pendant des mois pour la création d’une commission d’enquête indépendante et pour une autopsie du leader palestinien, ne sera jamais entendu, mis au ban de « ceux qui savent » par l’entourage politique et médical de la Mouqata’a…

Extrait de "L’affaire Yasser Arafat", d'Emmanuel Faux, publié aux éditions l'Archipel. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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