Et maintenant une application qui facilite les plans à trois : cas d’école d’une économie où l’offre crée la demande<!-- --> | Atlantico.fr
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On connaissait déjà l’appli de rencontre "Tinder", et voici depuis le mois de juillet "Threender", dédiée au triolisme.
On connaissait déjà l’appli de rencontre "Tinder", et voici depuis le mois de juillet "Threender", dédiée au triolisme.
©REUTERS/Tomas Bravo

Trio gagnant

On connaissait déjà l’appli de rencontre "Tinder", et voici depuis le mois de juillet "Threender", dédiée au triolisme, c’est-à-dire les "plans à trois". Imaginée par un Londonien, elle permet de localiser d'éventuels candidats à cette pratique se trouvant à proximité.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico : Cette application, qui permet de localiser de potentiels partenaires à proximité, répond-elle à une demande qui existerait au sein de la société ?

Catherine Lejealle : Effectivement Threender est une nouvelle application destinée au triolisme sur le modèle de Tinder c’est-à-dire une application gratuite à télécharger sur le mobile qui repose sur la géolocalisation et l’immédiateté. Le menu de l’application est en effet très simple et propose "instant meets" ou des plans immédiats pour répondre à l’impulsion du moment et "lookaround" pour se tenir au courant de ce qui pourrait potentiellement déboucher sur une rencontre. Le profil est simple et ne demande pas de critères très compliqués à remplir – on peut démarrer très rapidement et être mis en relation dans l’instant. La solution suppose pour réussir d’avoir suffisamment de personnes intéressées dans le voisinage. Elle est donc plutôt adaptée aux grandes villes. On imagine mal l’intérêt de trouver deux candidats au triolisme à plus d’une demie heure de route. Voilà pour l’offre.

Que sait-on de la demande ? Les études sur les pratiques sexuelles des Français montrent que cette pratique du triolisme n’évolue pas dans le temps et touche un pourcentage stable de la population. Surtout que le triolisme n’est relayé par aucune production médiatique ou culturelle – films et séries surtout. Celles-ci diffusent de nouvelles pratiques et l’envie de les essayer, mais à deux.

Aussi ce qui évolue dans les pratiques sexuelles des Français c’est la diversité des pratiques au sein du couple et un éventail de pratiques plus large qui s’explique notamment par la médiatisation des pratiques qui étaient plus rares et aussi par l’accès simple d’informations dans les magazines, l’application kama sutra et la pornographie. Le modèle à deux reste très dominant.

Ainsi la demande est stable.

De plus la demande pour le triolisme est structurellement asymétrique : les hommes rêvent de deux femmes pour s’occuper d’eux et inversement les femmes rêvent également de triolisme avec deux hommes. Supporter la comparaison avec quelqu’un de son sexe est difficile : on évalue ses propres attributs physiques et on se sent moins valorisé qu’avec deux partenaires de sexe opposé. Ceci explique que la demande soit asymétrique et conduise souvent à dédommagement pécuniaire sous forme de cadeau ou d’invitation. De plus, il y a plus d’hommes que de femmes qui ont une pratique régulière non dédommagée

A quelles conditions une telle application pourrait-elle générer une demande au sein de la population ? Comment pourrait-elle en arriver à influer sur les comportements ?

Si on transpose à cette application ce qu’on sait d’autres innovations applicatives ou pas, on constate que la facilité d’organisation et la gratuite de l’application peuvent inciter à essayer. Ainsi, le covoiturage, l’échange de services entre voisins ou la relation libertine via les gleeden et autres applications peuvent donner l’idée d’innover dans ces pratiques et de bousculer ses habitudes. Mais de là à passer à l’acte, on perd encore quelques candidats au triolisme.

Se pose alors la question de recruter dans sa zone d’habitation deux candidats du sexe désiré. On peut imaginer que comme sur geekmemore les hommes soient plus désireux que les femmes d’y adhérer. Il faudra donc satisfaire une demande asymétrique.

Enfin, en imaginant que la facilité et la gratuité donnent envie d’essayer et qu’on essaie, est-ce pour autant qu’on en fera sa pratique de prédilection ? Comme indiqué plus haut, le pourcentage d’adeptes reste stable.

Ainsi comme pour beaucoup de nouvelles applications, elles peuvent séduire, tenter une première fois mais ensuite ne pas vous convertir et en faire une habitude.

Enfin, comme la pratique ne trouve pour le moment pas d’écho dans un film ou une série qui serait culte et contribuerait à diffuser la pratique, on peut penser qu’elle restera une pratique de niche.  

Dans le domaine des applications consacrées à la sexualité, quelles sont celles qui marchent le mieux, et pourquoi ? Par rapport à elles, "Threender" est-elle condamnée à rester un marché de niche ?

Les applications qui marchent le mieux sont celles qui s’adressent d’abord au marché principal, à savoir ceux qui cherchent déjà un partenaire pour une vie sexuelle à deux, donc mainstream. Et là les offres qui sont couplées avec la géolocalisation, le suivi sur mobile au cours de la journée et une mise en relation ludique fonctionnent forcément mieux car elles surfent sur les valeurs du moment : immédiateté, ludique et hédonique et remettent du hasard, de l’imprévu et donc du charme dans la rencontre. On retrouve des modèles finalement romantiques comme "happn" qui organise la rencontre qui aurait dû se faire car on fréquente les mêmes endroits mais on ne s’y croise pas ou on n’ose pas s’aborder.

A côté du marché principal, se trouvent des applications pour relations amoureuses déjà amorcées, permettant comme l’application kama sutra de pimenter nos pratiques, de donner des idées d’expérimenter des nouvelles choses, voire de se prendre en vidéo à usage personnel.

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