L’accord secret entre Mario Draghi et Jean-Claude Juncker pour relancer la croissance en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi, le président de la BCE.
Mario Draghi, le président de la BCE.
©Reuters

Complot anti européen

Les deux hommes les plus puissants en Europe, Mario Draghi et Jean-Claude Junker, ont fait l’objet cette semaine d’une campagne de déstabilisation. A croire que leurs projets communs de restaurer les équilibres européens gène beaucoup d’intérêts partisans et nationaux. Si c’est le cas, cela veut dire que leur projet est incontournable.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président de la banque centrale européenne a cette semaine confirmé le cap qu'il avait fixé : faire grossir le bilan de la BCE à la taille qu'il avait en 2012… Concrètement cela signifie qu'il pourrait injecter jusqu’à 1000 milliards d’euros en liquidités dans les économies de la zone euro en rachetant massivement des dettes souveraines et privées. C’est ce qui s’appelle en langage politiquement correcte des interventions non conventionnelles.

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Vulgairement, on peut dire aussi qu’il pourrait brancher prudemment la planche à billets... Prudemment parce que les traités sont très pudiques sur ces procédés. Le fait nouveau cette semaine, c’est qu'il a confirmé son ambition de lutter contre la déflation si jamais elle s’installait durablement dans l’économie et résultait d’un mouvement qui aille au-delà de la baisse très spectaculaire du prix du pétrole, principal responsable de l'effet précité. 

Le fait nouveau est qu'il a aussi dévoilé un secret des délibérations du conseil des gouverneurs de banques centrales de la zone euro, en précisant que sa politique avait été accepté à l’unanimité. Il a donc voulu faire taire les rumeurs savamment distillées selon lesquelles il était l’objet d’une cabale lui reprochant ses tentations trop laxistes. Difficile de dire si Mario Draghi est menacé comme se sont plu à le dire les observateurs anglo-saxons, soulignant un désaccord profond avec l’Allemagne. Ce que l’on peut dire avec certitude, c’est trois choses :

  • D’abord, les Américains et les milieux financiers anglo-saxons ont tout intérêt à affaiblir la zone euro et le président de la BCE. Plus la zone euro sera faible, mieux ce sera pour Wall Street qui récupère ainsi l'activite perdue en Europe.
  • Ensuite, il est évident que l’Allemagne est excessivement vigilante sur le respect du traité monétaire européen. C’est dans sa culture ; beaucoup en Allemagne ont intérêt a dénoncer Mario Draghi dès qu'il a des velléités de soutien monétaire, mais jamais la chancelière ou le gouverneur allemand n’ont fait de remarques désobligeantes.
  • Enfin, tout le monde sait en Europe que Mario Draghi a une ambition qui pourrait l’amener parfois à franchir la ligne jaune. Quelques-uns se souviennent qu’il y a trois ans, le 6 novembre 2011, lors de son arrivée officielle à la succession de Jean-Claude Trichet, à Francfort, Mario Draghi avait fait sensation en répondant à Mme Merkel qui lui rappelait les principes qui régissent la BCE :

« Merci, Mme la Chancelière, j’ai bien compris que la BCE était indépendante du pouvoir politique, de tous les pouvoirs politiques, y compris du pouvoir politique allemand. » Mme Merkel a souri.

Moralité, Mario Draghi annonçait qu’il ferait ce qu’il devait faire, et personne ne s’en est offusqué. Il a fait beaucoup pour restaurer la confiance dans la zone euro, et aujourd hui il se moque des sarcasmes de Reuter ou du Wall Street journal, et annonce qu’il fera ce qu'’il faut pour restaurer la confiance dans l'activité en injectant des liquidités. Même si c'est complique juridiquement.

Le plus intéressant c’est que Jean-Claude Junker, président de la Commission adoubé par le Parlement européen, ce qui lui a donné plus de légitimité qu'à son prédécesseur, a lui aussi rué dans les brancards cette semaine en critiquant les gouvernements pour leur indécision, leur laxisme, leur lâcheté... Tout le monde en a pris pour son grade. L’Anglais David Cameron qui ne veut pas payer sa contribution, le Français François Hollande qui ne sait pas gérer son budget  et l’Allemande Angela Merkel qui pourrait un peu booster son économie, ce qu'elle va faire en libérant 10 milliards d'euros d’investissement.

Le problème de Jean-Claude Junker, c’est qu'au même moment, il rappelle que son objectif a la tête de la Commission est de pouvoir initier un plan d’investissement global de 300 milliards d'euros pour relancer ou soutenir la croissance.

Le hic, c’est que ses services ne sont pas capables d’expliquer dans quel pays et sur quel projet on pourrait cristalliser ces investissements. Plus grave, il n’en a pas le financement... Tous les chefs d’Etat et de gouvernement sont évidemment prêts à accueillir les projets et les fonds mais peu veulent payer... Par ailleurs, ce projet arrive au moment où l'on apprend que le Luxembourg, pays dont il fut Premier ministre, s’était organisé pour offrir un parfais fiscal aux grandes multinationales américaines. Cela fait désordre et n’arrange pas ses affaires. Difficile de donner des leçons à l’Europe toute entière quand on n’a pas été exemplaire soi-même...

Cette pollution est dommageable parce que le plan coordonné qui semblait s’être dessiné entre la BCE et la Commission, entre un Jean-Claude Junker qui revendiquait 300 milliards d'euros d’investissement et un Mario Draghi qui se disait prêt à augmenter les liquidités, ce plan-là, a beaucoup de cohérence.

C’est Georges Soros, le financier américain qui a vendu la mèche lors de son passage à Paris, jeudi dernier. Cet Américain qui a toujours défendu l’idée d’une zone euro plus unie et plus forte expliquait que les européens était incorrigibles parce qu'incapables de s’entendre politiquement ; or c’est pourtant ce qui manque à l’Europe... Comme d'autres financiers, Georges Sorgos expliquait qu'il espérait que le banquier central et le président de la commission pourraient pousser les gouvernements à travailler ensemble. Le vieux rêve de Jacques Delors.

C’est sans doute la proximité d’un tel deal qui fait que les deux acteurs sont aujourd'hui victimes de campagnes de déstabilisation. Il faut croire que l’Union européenne gène quand même beaucoup d’intérêts et de pouvoirs locaux.

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