Comment le risque terroriste s’est installé en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres du plan Vigipirate.
Des membres du plan Vigipirate.
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

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Plus 2 000 djihadistes européens, dont la moitié de Français, seraient partis en Syrie. Bon nombre d’entre eux reviennent dans leurs pays d’origine. Parfois déçus, souvent prêts à y commettre des attentats. Ce qui inquiète de plus en plus les services de renseignement qui intensifient leur coopération. Objectif : éviter que d’autres drames comme ceux d’Ottawa, du musée juif de Bruxelles et de Toulouse se renouvellent. 1ère partie de notre dossier consacré à la persistance de la menace d'attentats terroristes et aux moyens de lutte déployés en France.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Le profil de nombreux djihadistes est souvent le même : ils ont connu la prison pour des faits de droit commun.
  • Ils seraient 900 Français convertis ou pas, partis faire le djihad en Syrie. Certaines sources en dénombreraient 3 à 400 de plus.
  • Quelques Français ont déjà commis des attentats suicides. Une pratique qui ne correspond guère à la mentalité française mais qui pourrait se développer selon le député UMP Alain Marsaud.
  • La DGSI, en pointe dans la lutte contre le terrorisme, a vu ses pouvoirs renforcés en matière d’écoutes et de recrutements d’informaticiens de haut niveau.
  • Dans un fort consensus entre droite et gauche, quitte à écorner les libertés publiques,  le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve  a fait voter une loi qui vise à éradiquer le terrorisme et ses nouvelles formes.

Le terrorisme islamique est comme une hydre fertile. Chaque fois, on croit lui donner un coup d’arrêt, chaque fois, il renaît. 

Il suffit de voir ce qui s’est passé le mercredi 22 octobre à Ottawa où Michaël Zehaf-Bibeau, 32 ans, canadien par sa mère, libyen par son père, a ouvert le feu sur un militaire le blessant mortellement… Cet individu offre des similitudes avec le profil de Mohamed Merah, meurtrier, dans la région toulousaine, en mars 2012 de trois militaires et de trois enfants ainsi que  d’un adulte au sortir d’une école juive de Toulouse. Une ressemblance peut également être trouvée avec Mehdi Nemmouche le tueur du musée juif de Bruxelles qui fit quatre morts le 24 mai 2014. Tous trois, instables sur le plan psychologique, ont déjà eu affaire à la justice pour des infractions de droit commun…

>>>>> A lire également : Internet, machine à fabriquer des terroristes

Ainsi, Michaël Zehaf-Bibeau a effectué quelques mois de prison pour vol, trafic d’armes et possession de produits stupéfiants. Quant à Nemmouche, il a écopé d’une peine de prison pour vol aggravé en 2007, suivi d’une autre pour le braquage d’une supérette à Tourcoing. Ce genre de profil, marqué par de grandes difficultés à mener une vie normale - ou à peu près - on  l’on retrouve souvent chez les apprentis djihadistes.

Jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989 et la décomposition du régime soviétique, le monde était bi polaire : d’un côté, les « affreux capitalistes »  avec à leur tête les Etats-Unis et l’Europe ; de l’autre, les « affreux communistes » avec à leur tête l’URSS et les partis frères de l’Europe de l’Est. Cahin-caha, ce duo fixait la marche de la planète, en tenant compte d’un troisième larron, la Chine de plus en plus fascinée par le profit, la croissance et le monde des affaires.

Si la Chine reste omniprésente, le schéma dual, si puissant il y a 25 ans, s’est effacé.Au profit d’un autre où s’affrontent dans un face à face déjà terrifiant, d’une part, une entité terroriste moyen-orientale - encore qu’existe désormais un Etat islamique - implantée dans nombre de pays jusqu’au Sahel, et de l’autre, des Etats  démocratiques qui tentent de repousser les assauts de l’islamisme radical mondialisé. Un combat d’autant plus difficile que ces Etats voient arriver sur leur territoire de nombreux terroristes prêts à les détruire de l’intérieur. La France en a payé le prix dans les années 86 puis 95. Elle vient de le payer à nouveau, avec l’exécution du guide de haute montagne, Luc Gourdel, décapité en Algérie.

Le grand « Satan » américain, - souvenons-nous du 11 septembre 2001 - le Royaume-Uni n’ont pas été davantage épargnés… Une guerre de cent ans serait-elle en train de naître entre l’Occident et des milliers de djihadistes partis en croisade contre les Chrétiens, les Juifs et même contre une grande partie des Musulmans de la planète ? Pour lutter contre les djihadistes, le gouvernement s’est doté d’un nouvel arsenal voté le mercredi 29 octobre par l’Assemblée nationale et a redéfini les missions de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), nouvelle dénomination de la DCRI, issue de la fusion de la DST et la DCRG.

La DGSI, toujours dirigée par Patrick Calvar, jouit désormais d’une indépendance accrue vis-à-vis de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la DGSE, notamment dans le domaine des écoutes. C’est ainsi qu’elle dispose de son propre système d’interceptions téléphoniques ou de pénétration des mails, dévolue à une direction des services techniques animée par un ingénieur général de l’Armement. Preuve aussi de cette montée en puissance de la DGSI, elle devrait recruter d’ici à cinq ans, 3 à 400 informaticiens de haut rang.

Pour sa part, la DGSE qui travaille  sur l’étranger, via de nombreuses études documentaires  souhaiterait augmenter ses effectifs de 4 00 personnes. Les services Français, sont parvenus à identifier nombre de candidats djihadistes, qu’ils s’apprêtent à quitter la France ou qu’ils s’apprêtent à y revenir. Au 1er juillet 2014, les services  ont recensé 899 personnes concernées par le djihadisme. Un chiffre qui selon certaines sources, serait supérieur. On parle de 3 à 400 de plus.

La députée du Vaucluse, (Front national), Marion Maréchal-Le Pen, intervenant à l’Assemblée, ce mercredi 29 octobre, a cité le chiffre de 1089. En six mois, la progression des djihadistes présents en Syrie, a été de 58%. Parmi ces individus, qui comptent environ 20% de convertis, on en trouve 340 qui étaient en Syrie, dont 7 mineurs et 55 femmes ; 151 qui étaient en transit  non loin de la frontière turque ; 172 étaient revenus de Syrie dont une centaine avaient rejoint la France ; 203 ont manifesté ouvertement leur volonté de partir… 33 ont été tués dans des combats, comme ces quatre jeunes de 19 à 30 ans, originaires de Lunel ( Hérault), victimes de bombardements de l’armée syrienne à quelques encablures de la frontière libanaise, lors du week-end des 18-19 octobre dernier.

A Lunel, une rumeur s’est répandue, laissant entendre que cette commune, située non loin de Montpellier, serait le point de départ d’une filière pour jeunes gens désireux de mener la guerre sainte. Peut-être. D’autres régions alimentent la Syrie en djihadistes. Notamment, l’Ile-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes et le Nord-Pas-de-Calais. Une liste non exhaustive si l’on en juge par l’arrestation à Albi (Tarn) le 22 juillet 2014 d’un trio soupçonné d’appartenir à une cellule djihadiste.

Il arrive aussi que des apprentis terroristes se livrent à des attentats suicides. Ce dernier point laisse pantois les services français, le recours à cette pratique ne faisant pas partie, si l’on peut dire, de la mentalité française. Pourtant, Alain Marsaud, député UMP représentant les Français de l’Etranger, connaisseur chevronné du terrorisme islamique - il  fut chef de la section du Parquet anti-terroriste à Paris dans les années 1986-1988 - confirme cette évolution.  Il y a quelques mois, alors qu’il se trouvait à Beyrouth, il a eu connaissance - grâce aux services de renseignement locaux - du cas d’un jeune banlieusard français, originaire de Trappes qui avait été pris en main par l’organisation terroriste Al Nosra. Celle-ci, profitant de sa nationalité, de son passeport français et de sa connaissance de notre langue souhaitait le faire partir pour Beyrouth afin qu’il effectue une mission bien précise : faire exploser un restaurant en secteur chiite situé non loin de l’aéroport de Beyrouth. Pour ce faire, le jeune homme devait posséder tout le matériel : voiture et explosif… Finalement, l’attentat n’eut pas lieu, mais le Français était prêt à mourir pour Allah.

Sur notre territoire, les Services de renseignements ont depuis plusieurs mois marqué des points. Actuellement, selon le rapport du député PS Sébastien Pietrasanta, ex-maire d’Asnières (Hauts-de-Seine), la DGSI traite une soixantaine de procédures judiciaires dans lesquelles plus de 300 personnes sont mises en cause. Parmi elles, 6 ont été arrêtées à l’étranger dans le cadre d’un mandat d’arrêt international délivré par un juge d’instruction français. Sur ces 300 personnes, 68 font l’objet de mises en examen dont 46 ont été placées sous mandat de dépôt et 22 sous contrôle judiciaire…

A l’étranger encore, essentiellement en Irak et en Syrie, les services constatent chaque jour que les djihadistes n’hésitent pas  à se vanter, sur les réseaux sociaux, des exactions qu’ils commettent. Que ce soit des actes de torture, des viols, des crucifixions, ou de corps trainés par des véhicules. « Ces comportements extrêmes, écrit le député Pietrasanta dans son rapport sur le projet de loi visant à lutter contre le terrorisme, suscitent même un véritable engouement chez un nombre important de djihadistes qui n’hésitent pas à s’en vanter. » L’ampleur du phénomène djihadiste ne relève pas du fantasme.  Ne perdons pas de vue, que depuis une quinzaine d’années, tous les projets d’attentats en France, heureusement déjoués, portaient tous l’estampille djihadiste. Que ce soit le marché de Noël à Strasbourg en 2000, l’ambassade des Etats-Unis en 2001, le projet d’attaque chimique de Paris l’année suivante ou contre la Tour Eiffel et Notre-Dame de Paris en 2010.

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