Comment enseigner les maths à ceux qui sont persuadés de ne rien pouvoir y comprendre<!-- --> | Atlantico.fr
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La société serait divisée en deux : les littéraires et les matheux.
La société serait divisée en deux : les littéraires et les matheux.
©D.R.

La bosse des maths

La société serait divisée en deux : les littéraires et les matheux. Deux populations qui se côtoient cordialement, mais ne sont faites pour comprendre les mêmes choses. Pourtant, par delà les discours déterministes, la fameuse "anxiété des maths" n'est pas une fatalité.

Martin  Andler

Martin Andler

Martin Andler est mathématicien, professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin, et président de l’association Animath.

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Atlantico : Nombreux sont celles et ceux qui n'ont pas la bosse des maths. Plutôt que de remettre en question l'enseignement de la discipline, la tendance est à blâmer le sujet d'étude en lui-même, les mathématiques. Elèves, profs ou sujet d'étude... Quel est le problème ? La clé réside-t-elle dans les modes d'enseignement ?

Martin Andler : Permettez-moi de réagir à votre phrase sur la bosse des maths, qui me paraît très contestable. Il est vrai que beaucoup de gens sont dégoutés des maths ; mais de là à dire qu’il y a un déterminisme biologique, je ne peux pas être d’accord ! Tout le monde possède une aptitude pour les mathématiques, que l’éducation vient ensuite renforcer.

Des travaux récents d’une équipe de chercheurs, dont Stanislas Dehaene, sur les indiens Mundurucus sont très éclairants : dans la langue Mundurucu, qui est une langue sans écriture, on ne dispose que d’un vocabulaire mathématique très limité, puisqu’il n’y a pas de mot pour des nombres au delà de cinq. Or les expériences menées montrent des capacités numériques et géométriques comparables à celles d’occidentaux.

Bien sûr, il y a un problème avec l’enseignement des mathématiques, qui est d’ailleurs aussi fort à l’étranger qu’en France. Alors pourquoi ? Puisque je rejette l’idée d’une inaptitude innée aux mathématiques, et que j’écarte la possibilité que les mathématiques seraient en elles-mêmes inaccessibles, que reste-t-il ? Blâmer les professeurs de mathématiques serait trop facile, car ils sont dans l’ensemble très compétents et très consciencieux.

Rappelons d’abord ce problème qu’est la formation de base des professeurs du premier degré, qui sont très majoritairement issus des filières littéraires (et on a presque éliminé les mathématiques de la section L, donc ça empire !), alors que les mathématiques sont tellement importantes. Dans les collèges, les lycées, à l’université, il faut changer nos manières d’enseigner, en sachant que c’est difficile, car les mathématiques sont une discipline où il est bien difficile d’avancer si les bases ne sont pas maîtrisées. Mais du coup, on se concentre sur l’accumulation de techniques sans que leur sens n’apparaisse clairement.

D'un point de vue pratique, comment redonner le goût des maths à ceux qui sont convaincus ne rien pouvoir y comprendre ? Faudrait-il privilégier une approche pragmatique des mathématiques ?

Les mathématiques, c’est l’activité abstraite par excellence ; un bébé distingue très bien le concept abstrait "3", comme étant le point commun de toute collection de trois objets. La question n’est pas de rejeter cette dimension : on peut dégager des vérités mathématiques, des raisonnements mathématiques à partir de situations concrètes, de manipulations d’objets, en faisant des expériences…

Pour comprendre que 7x5 = 5x7, nous pouvons successivement le constater, avec les tables, puis observer que 7 x 5 = 5+5+5+5+5+5+5 = 35 = 5x7 = 7+7+7+7+7, puis dessiner 7 rangées de 5 objets, et faire tourner la feuille pour voir 5 rangées de 7 objets ! 

Ce genre de mise en activité fait partie d’un bon apprentissage des mathématiques.

Que dire d'une approche ludique, basée sur l'enquête, l'expérience plutôt que l'écoute passive ? Cela assurerait-il des gains cognitifs certains pour les élèves réfractaires ?

Bien sûr. L’essentiel est la mise en activité des élèves, en alternance avec les moments où le cours traditionnel reprend ses droits.

Il faut aussi se pencher sur ce qui se passe à côté : les parents qui expliquent à leurs enfants qu’ils n’ont jamais rien compris aux maths, que les filles ne sont pas faites pour les maths… ou, plus grave encore la situation des enfants dont les parents ne sont pas très éduqués. Tout cela engendre ce qu’on appelle "l'anxiété des maths",  qui doit être traitée par l’Ecole, pas laissée aux familles.

Pareille approche de l'enseignement en France relève-t-elle du fantasme ?

Non ! Il y a dans notre pays beaucoup d’expériences intéressantes, et qui pourraient s’étendre bien plus. Mais pour ce faire, il faudrait, entre autres, reconstruire la formation continue des enseignants, qui était déjà insuffisante et qui a été détruite au début des années 2000.

Quelles autres pistes suivre ?

Je crois beaucoup au rôle que peuvent jouer les activités périscolaires : elles permettent d’expérimenter, d’ouvrir des espaces de liberté et d’autonomie aux élèves, de promouvoir la démarche d’investigation en mathématiques. C’est ce que nous faisons à Animath avec nos nombreux partenaires.

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