Programme UDF RPR de 1990 sur l’immigration : un regret pour Alain Juppé… mais pour les Français ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Juppé estime que les propositions très droitières du RPR dans les années 1990 étaient "une erreur".
Alain Juppé estime que les propositions très droitières du RPR dans les années 1990 étaient "une erreur".
©Reuters

Délavage idéologique

Alain Juppé a estimé jeudi 2 octobre dans l'émission "Des paroles et des Actes" que les propositions très droitières du RPR dans les années 1990 étaient "une erreur". De nombreuses études montrent pourtant que c'est ce qu'attendent les Français.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Fermeture des frontières », « suspension de l'immigration », « réserver certaines prestations sociales aux nationaux », « incompatibilité entre l'islam et nos lois »… Ces propositions ont été émises en 1990 par le RPR et l’UDF, lors de leurs états généraux sur l’immigration organisés à Villepinte.

Des propositions choc, qui ressemblent plus aujourd’hui au programme du FN qu’à celui de l’UMP. Elles ont été rappelées à Alain Juppé, jeudi, lors de l’émission "Des paroles et des actes" sur France 2. « Bravo, vous avez marqué un point... Super », a réagi Alain Juppé. « Rétrospectivement, je pense que c'était une erreur », a-t-il ajouté, en admettant qu’il ne s’y retrouvait plus aujourd’hui.

Ces regrets ne sont pas forcément partagés par les Français, qui ont depuis été interrogés sur ces questions.

La fermeture des frontières

En février 2014, un sondage Ifop pour Atlantico donnait 59% des Français favorables à une restriction des conditions de circulation et d’installation des Européens dans le cadre des accords de Schengen.

On relevait alors un clivage : 44 %  des électeurs PS étaient favorables à une limitation des immigrés européens en France, contre 68 % pour l'UMP et 75 % au Front National. L'électorat le plus hostile à cela est celui de l'UDI (37 % favorable) et du Modem (46 %). Il y a donc un doute très profond dans l'électorat, y compris à gauche.

Jérôme Fourquet expliquait à l’époque : « L'on avait posé une question plus ou moins similaire en mars 2012, après le meeting de Villepinte de Nicolas Sarkozy, où il avait parlé d'une réforme du traité de Schengen sur la libre-circulation des personnes. A l'époque, 59 % des Français étaient favorables à une réforme du traité de Schengen afin de mieux contrôler l'immigration clandestine. Le fait que l'on ait exactement le même chiffre aujourd'hui laisse à penser que lorsque les Français se prononcent pour une réforme du traité de Schengen, c'est moins sur l'immigration des frontaliers qu'ils se positionnent que sur la question des Roms ou l'arrivée sur le territoire de populations venues d'Europe de l'Est. »

La compatibilité de l’islam avec la société française

74% des Français estiment que l'islam est incompatible avec les valeurs de la société française ; alors que 89% d'entre eux estiment a contrario que la religion catholique est tout à fait compatible, selon un sondage Ipsos publié dans Le Monde le 24 janvier 2013.

Chiffre plus radical encore, huit Français sur dix jugeaient alors que la religion musulmane cherche « à imposer son mode de fonctionnement aux autres ». Enfin, plus de la moitié des Français pensaient que les musulmans sont "en majorité" (10 %) ou "en partie" (44 %) « intégristes », sans que l’on sache ce qu’ils entendaient par ce qualificatif.

En juin 2014, cette défiance était à nouveau présente dans un sondage exclusif de l'institut CSA pour Atlantico, qui montrait l'évolution de la perception de certains mots chez les Français depuis 2006 et plus précisément chez les sympathisants UMP. Les craintes face à l’extérieur se retrouvaient dans la baisse des justement positifs concernant l’islam (- 18) et les immigrés (-26).

Réserver les prestations sociales aux Français

Selon une enquête Ifop pour le magazine Valeurs Actuelles, publiée le 20 novembre 2013, 67% des Français estiment que l'on en fait plus pour les immigrés que pour eux. « En avril 2006, ils n'étaient que 40% à le penser. La hausse est de 27 points en sept ans. Elle concerne surtout les sympathisants de l’UMP (+ 41 points) et du Front national (+ 27 points) mais aussi ceux du parti socialiste (+ 8 points) », nous précisait alors Fabrice Maoudas.

Plus récemment, un sondage Odoxa pour iTélé publié en septembre montrait une forte progression de l’adhésion des Français aux idées du Front national… qui étaient à l’époque celles du RPR : supprimer le système de regroupement familial (68%, + 24 points par rapport à mars 2011), réserver les aides sociales et les allocations familiales aux Français (67%, + 27 points), rétablir le contrôle aux frontières de l’Europe (65%, +19 points).

Atlantico a demandé à Jérôme Fourquet d'analyser la situation actuelle au regard de l'état de l'opinion. 

Atlantico : Des sondages récents montrent que, si Alain Juppé semble avoir des regrets sur les propositions du RPR en 1990, ce n'est pas forcément le cas des Français aujourd'hui...

Jérôme Fourquet : je ne sais pas si les Français et les électeurs de droite perçoivent cela sous la forme de regrets. Ce qui est clair, c’est qu’on assiste depuis une quinzaine d’années à une droitisation de l’électorat de droite sur les sujets d’insécurité et d’immigration. Alain Juppé est à rebours de cette évolution. Quand on voit que François Fillon dit aujourd’hui qu’il faut revenir sur l’Aide médical d’Etat, on voit que le curseur a bien bougé, sous la pression du FN et des flux migratoires. Par rapport à la charte de l’UMP signée par Alain Juppé au début des années 1990, 25 ans se sont écoulés et pendant ce temps, la question de l’intégration n’a cessé de monter en puissance dans le débat et de se poser concrètement sur le terrain. On en voit des symptômes tous les jours.

On est sur des thèmes qui ont évolué, dans le sens d’un durcissement des contrôles des flux migratoires, dans le sens de d’avantage d’intégration. Quand le RPR signe cette charte, on est 1 ou 2 ans après l’affaire du foulard de Creil, qui avait mis le feu aux poudres à l’époque. 20 ans plus tard, on a été obligés de faire une loi interdisant le port de la burqa dans la rue. Ca montre bien que la société a connu un certain nombre de mutations profondes qui ont fait évoluer l’opinion dans le sens de d’avantage de fermeté. Les propos tenus par Alain Juppé dans Des paroles et des Actes, montrent qu’il est en décalage avec cette évolution.

Malgré cela, comment expliquer qu'Alain Juppé soit l'un des favoris à la primaire de l'UMP pour 2017 ?

Pour ce qui est d’une primaire, les sondages auprès de l’ensemble des Français sont intéressants, mais ceux qui ont le plus d’intérêt sont ceux qui sont menés auprès des sympathisants de droite. Or, les sondages de ce type montrent que Nicolas Sarkozy caracole en tête et qu’Alain Juppé est bien distancé. Cela correspond à ce que je disais, à savoir que le centre de gravité idéologique de la droite s’est nettement déplacé à droite. Le profil de Nicolas Sarkozy, notamment avec les propos qui ont été les siens pendant la campagne de 2012 apparait plus en phase qu’Alain Juppé, même si ce dernier occupe un créneau plus modéré qui continue d’avoir une réalité sociologique dans le pays.

Vous parlez des sympathisants UMP, mais les sondages montrent qu'une grande majorité des Français sont d'accord avec ces idées : 67% par exemple sont pour une préférence nationale en matière de prestations sociales...

Quand le FN arrive en tête des Européennes, que 4000 grands électeurs votent pour lui aux Sénatoriales, il se passe quelque chose dans le pays. On a une demande de clarification, de durcissement ou de sévérité accrue en matière de politique migratoire. Ca touche plus sensiblement l’électorat de droite mais plus largement l’ensemble de la société.

Comment explique alors que Juppé ne s’en sorte pas si mal ? C’est parce qu’on ne se positionne pas uniquement sur les questions d’immigration. On est aussi attentif aux questions économiques, aux questions sociales et au profil d’un futur potentiel candidat et de son adéquation avec la fonction de président de la république. Juppé met beaucoup en avant sa stature, son charisme, son expérience d’homme d’état, et sa peut séduire une partie de l’électorat qui estime que dans la période actuelle, il faut question de pondéré et d’expérimenté à la barre.

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