Mariage pour tous : pourquoi il est parfaitement injustifié de dire qu’il serait impossible juridiquement de l’abroger<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de loi Taubira, ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, a été adopté le 23 avril 2013.
Le projet de loi Taubira, ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, a été adopté le 23 avril 2013.
©Reuters

Simple comme bonjour

La Manif pour tous a réuni dimanche 5 octobre entre 70.000 et 500.000 personnes dans les rues de Paris et Bordeaux. Elles défilaient pour demander une réécriture ou une abrogation de la loi Taubira... qui est tout à fait envisageable sur le plan juridique.

François Martin

François Martin

François Martin est haut-fonctionnaire, ancien élève de l'Ena. Soumis au devoir de réserve, il s'exprime ici sous pseudonyme.

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Atlantico : Le site du Monde, dans sa rubrique des "Décodeurs", explique qu'il serait "très compliqué" de revenir sur la loi instituant le mariage pour tous, car cela "reviendrait à créer une inégalité de fait entre personnes ayant pu se marier avant la loi et personnes qui ne le pourraient plus". Est-ce que cet argumentaire se tient ?

François Martin : Il est tout à fait possible de modifier la loi tout en préservant les situations individuelles. Les gens qui sont mariés sous le régime de cette loi, si on décidait de revenir à une définition hétérosexuelle du mariage, le resteraient… jusqu’à leur divorce.

Il n’y aurait pas de démariage. En revanche, il y aurait une différence entre les nouvelles situations – à partir de l’entrée en vigueur de la loi – et les situations antérieures – sous le régime de la loi.

Les justifications pour ne pas abroger sont d’ordre politique, en disant que c’est une sorte de progrès social et qu’on ne peut pas revenir dessus.

Juridiquement, il n’y a pas de problème. Sinon, on ne pourrait jamais revenir sur la moindre loi !

Le Monde parle de "rupture d'égalité devant la loi" en cas d'abrogation. Cet argument est-il recevable ?

Il ne peut pas y avoir de rupture d’égalité à partir du moment où la loi a une date d’entrée en vigueur. A partir du moment où une nouvelle loi modifie la précédente, la situation est la même pour tout le monde. En revanche, une nouvelle loi peut prévoir le maintien de situations acquises antérieures. Ca se fait couramment.

Juridiquement, c’est évident. Une loi peut abroger une autre loi. Le principe d’égalité, c’est : « est-ce qu’on applique la même chose à des situations identiques, face à la même loi ?".

A lire aussi : L’UMP face à la question de l'abrogation de la loi Taubira : Thierry Solère et Philippe Gosselin, deux sensibilités mais une même volonté de clarification

Un couple qui s'estimerait lesé par le fait de ne plus pouvoir se marier pourrait-il faire un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme ?

On peut toujours faire des recours. Mais je ne vois pas comment, à partir de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, un couple qui ne pourrait plus se marier, pourrait porter plainte. A partir du moment où la loi est changée, on ne peut pas exhiber une loi antérieure pour dire qu’on n’est pas d’accord. Sinon, je pourrais faire un recours en disant qu’il est scandaleux que je ne puisse pas acheter un esclave car une loi a abolit l’esclavage (j'exagère, évidemment).

Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’Homme ne se prononce en général pas sur le fond : elle ne dit pas « il faut faire ceci » ou « il faut faire cela ». Et il n’y a rien dans la Convention européenne des droits de l’Homme sur le mariage homosexuel. Les Etats sont libres d’appliquer la loi qu’ils veulent.

Le conseil constitutionnel s’est déjà prononcé, puisqu’il avait été saisi avant l’entrée en rigueur de la loi. Il avait dit explicitement que la loi pouvait réserver le mariage à des couples hétérosexuels et que rien dans le bloc de constitutionnalité n’interdit de faire ça ou de faire le contraire. Le principe d’égalité ne pourrait pas empêcher le fait que l’on dise que le mariage est réservé à un homme et une femme.

Mais la question n’est encore pas celle du mariage, mais celle des conséquences sur la filiation. Ce qu’a dit Manuel Valls dans la Croix, tant que la loi reste dans la version qui a été voté, ça reste une fiction juridique car, pour le coup, à partir du moment où deux hommes et deux femmes peuvent se marier, on ne voit pas bien comment deux femmes en particulier ne pourraient pas avoir le droit à la PMA, à laquelle ont le droit un homme et une femme. A partir du moment où ils sont dans la même situation, qu’ils sont mariés, ça entraîne inévitablement à terme l’autorisation de la PMA. Au nom du principe d’égalité.

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