Détournements de fonds à la sauce bouillabaisse : retour sur le parcours de Sylvie Andrieux, l'étoile déchue du PS marseillais<!-- --> | Atlantico.fr
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Sylvie Andrieux, députée anciennement rattachée au Parti socialiste.
Sylvie Andrieux, députée anciennement rattachée au Parti socialiste.
©REUTERS/Jean-Paul Pelissier

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La Cour d'appel d’Aix-en-Provence a alourdi la condamnation de la députée anciennement rattachée au Parti socialiste à 4 ans de prison dont un an ferme pour le détournement de plus de 720 000 euros.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • En première instance,  en mai 2013, l’élue avait écopé de 3 ans de prison dont un ferme et 5 ans d’inéligibilité plus 100 000 euros d’amende
  • La députée n’a cessé d’affirmer qu’elle était victime d’un complot politique
  •  La rue de Solférino a tardé à se prononcer sur  le cas de  la députée des Bouches- du-Rhône
  • Après l’affaire Andrieux, un autre procès, prévu sans doute en 2015, sera très gênant pour le PS : celui de Jean-Noël Guérini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône

Avec la décision de la Cour d'appel d’Aix-en-Provence, qui a alourdi sa condamnation à 4 ans de prison dont 1 an ferme, l’avenir politique de la députée Sylvie Andrieux, députée ex-PS des Bouches-du-Rhône, s'est assombri. La justice lui reproche d’avoir détourné entre 2007 et 2009, via des associations subventionnées par le Conseil régional de la région PACA, plus de 720 000 euros. Cela, à des fins uniquement électorales. Ce qu’a toujours contesté l’élue, fille d’Antoine Andrieux, l’un des plus anciens compagnons de route de Gaston Defferre.  Le Parti socialiste, déjà empêtré par l’affaire Guérini,  se hâtera lentement  pour écarter la députée  puisqu’il attendra  les élections législatives de juin 2012 pour  lui refuser l’investiture.

Retour sur une affaire emblématique d’une conception  "très bouillabaisse" du socialisme. Nous sommes en 2005. Sylvie Andrieux, députée depuis 1997, - elle a 36 ans -  étoile montante du PS marseillais, que l’on dit candidate à la mairie de Marseille, également vice-présidente du conseil régional de PACA chargée de la politique de la Ville, alloue  des subventions à des associations. En principe destinées à la promotion du sport, de l’éducation et de bien d’autres choses… Rien à dire. Sauf que Sylvie Andrieux ne semble guère attentive au choix des animateurs desdites associations. C’est ainsi que ces derniers, peu scrupuleux, montaient de faux dossiers présentés au conseil régional. Lequel n’y voyait que du feu, le système de contrôle se montrant particulièrement défaillant. Les responsables des associations pouvaient alors se servir sur la bête. L’un d’entre eux, dénommé Boumedienne, offrira une Mercedes classe A à sa sœur, et pour lui-même, un coupé Mercedes. Jamais à court d’imagination, il versait  une partie de l’argent reçu… sur les comptes de ses copains. Qui, à leur tour, lui en ristournait une partie : 5 500 euros par mois. En échange de ces libéralités, Boumedienne accompagnait la députée dans les quartiers Nord dont elle était élue et jouait les sergents recruteurs auprès des électeurs. Avec  un but bien précis : accentuer son assise électorale, engranger des voix et triompher lors des scrutins futurs. Une fois les associations saignées à blanc par cette équipe de  petits malins, on recréait une nouvelle structure. Avec des dirigeants de paille. Des faux dossiers. Et des demandes d’aides au Conseil régional. A nouvelle association, nouvelle animateur. Et bien sûr nouvelle entourloupe.

C’est ainsi qu’un autre sergent recruteur de Sylvie Andrieux, Same Benyoub aura droit à une subvention publique de 330 000 euros. Ce qui lui permet de s’octroyer un salaire de 6 600 euros par mois, de s’acheter un entrepôt frigorifique et d’offrir à son frère un snack-bar. En échange, le dévoué Ayoub  n’oublie pas de vanter les mérites de la députée Andrieux. La belle vie dure 2 ans. Jusqu’à ce qu’un jour de juillet 2007, une fonctionnaire du conseil régional, intriguée par des dépenses fort éloignées de la politique de la Ville, adresse un e-mail à Sylvie Andrieux. Cette dernière, furieuse, rétorque sèchement que la décision de financer une association ne relève pas de sa compétence mais de l’exécutif de l’instance. Une façon de mouiller son président, Michel Vauzelle. Seulement voilà : la députée des Bouches-du-Rhône ignore  que depuis un mois, le Tracfin,  la cellule anti-blanchiment de Bercy s’intéresse aux différents mouvements de fonds qui courent de comptes en comptes ou qui sont décaissés en liquide. Et qu’elle se trouve dans la ligne de mire du Tracfin. Car les subventions distribuées – pour quel résultat ? – s’élèvent à 720 000 euros. Aussi, le procureur de Marseille, Jacques Dallest – celui-là même qui a eu en charge le sulfureux dossier Guérini – décide-t-il d’ouvrir une information judiciaire. Elle est confiée au juge Franck Landou. Lequel oriente ses investigations dans trois directions : 1 - Le rôle exact de Sylvie Andrieux dans l’attribution des largesses aux associations. 2 - L’éventuelle défaillance du contrôle du conseil régional. 3 - La possible absence de vigilance de l’exécutif du conseil régional.

Très vite, dans ce dossier sur lequel  le Parquet de Marseille et le juge d’instruction pressentent  que la députée PS se trouve en  première ligne, apparaît un personnage clé, au profil disons atypique. Fils d’un ancien militant PS passé du Front National, il s’appelle Rolland Balalas  et cumule les fonctions d’assistant parlementaire de Sylvie Andrieux avec celle de secrétaire général du groupe socialiste au conseil régional. Balalas est aussi le grand manitou en matière de subventions. A ce titre, il instruit les dossiers, examine leur bien-fondé, les transmet aux services compétents et attend  les instructions de Sylvie Andrieux. Interrogé par les enquêteurs puis le juge Landou, il livre sa vérité sur les pratiques existantes. S’il dément avoir arrosé Same et Boumedienne, il admet en revanche leur avoir offert des téléphones portables. Des broutilles. Mais quand il aborde le rôle de Sylvie Andrieux, Balalas ne lésine pas : il charge son ancienne patronne. Pour lui, les choses sont limpides, c’est la députée qui a mis au point le système des aides avec un seul objectif : labourer ses terres électorales et obtenir les faveurs des électeurs. L’accusation fait mal. D’autant plus que Sylvie Andrieux éprouve toutes les peines du monde à démontrer qu’elle ignorait le pedigree des animateurs des deux associations.

Au bout d’un an d’instruction, le juge Landou demande la levée de l’immunité parlementaire de la députée. La raison est simple : il envisage  une mesure coercitive comme la garde à vue. Finalement, il y renonce  puisqu’il convoque simplement l’élue le 8 juillet 2010 pour la mettre en examen pour détournement de fonds publics, escroquerie et tentative d’escroquerie. Une incrimination qui fait mal. Rue de Solférino, siège du Parti socialiste, personne ne bronche. Pas une voix ne s’élève pour demander à Sylvie Andrieux de se mettre en congé du Parti. Rien. Ou plutôt si : elle se voit contrainte de démissionner de la loge Le Droit Humain où elle avait été initiée il y a une vingtaine d’années.  Le 10 février 2012, le coup de grâce. Dans un réquisitoire de 147 pages, le procureur de Marseille demande le renvoi de la parlementaire devant le tribunal correctionnel. Animée par des visées électoralistes, l’élue des Quartiers Nord de la cité phocéenne, estime le magistrat,  a versé, "à des agents électoraux", sous couvert de subventions à des associations fictives, la somme de 720 000 euros.  Et le procureur de se montrer catégorique : "Mme Andrieux est l’auteur principal des manœuvres." Avant de poursuivre : "On  découvre au fil du dossier que tous les contrôles et alertes administratifs, horizontaux comme hiérarchiques,  n’ont pas résisté à la volonté pressante ,et insistante de l’ élue." Au passage, le procureur  en profite pour "assaisonner" les fonctionnaires du Conseil régional qui n’ont pas fait preuve d’une vigilance irréprochable. Le 29 mai 2013, alors que la France s’est donné un nouveau président socialiste, le juge Landou signe l’ordonnance de renvoi de la députée des Bouches-du-Rhône devant le tribunal correctionnel. Elle n’est pas seule puisqu’ accompagnée de 20 autres personnes, parmi lesquelles les dirigeants des associations fantômes et son ancien collaborateur, Rolland Balalas.

Nouvelle tuile pour la députée quelques jours plus tard : Martine Aubry la première secrétaire du PS fait savoir à Sylvie Andrieux qu’elle ne peut compter sur l’investiture du Parti pour les législatives de juin. Ce mauvais coup la rend encore plus pugnace. Alors, elle se présente sans l’étiquette du Parti. Ça marche. A l’issue d’une campagne au couteau, elle l’emporte le 17 juin, au second  tour face au candidat du Front National, Stéphane Ravier. Avec 701 voix d’avance… Dix mois plus tard, le 13 mars 2013, vient l’heure de vérité. L’heure où la députée - désormais non-inscrite à l’Assemblée nationale - doit affronter les trois juges du Tribunal correctionnel de Marseille et surtout le procureur Jean-Luc Blachon. Dès les premiers jours d’audience, l’ambiance est donnée… Vous êtes la cheville ouvrière des détournements de subventions, lui lance en substance Blachon. Sylvie Andrieux, combative comme à son habitude, se rebiffe : "Vous croyez que je vais être une victime expiatoire, être balayée du paysage par un dossier comme ça ? Vous ne croyez pas que je vais me laisser détruire par des choses pareilles ?" Le public nombreux, n’en croit pas ses oreilles. L’assistance est pétrifiée. La députée enchaîne : "Jamais je n’ai eu connaissance de ces fausses factures". Puis vient l’attaque en règle contre Rolland  Balalas, l’ancien homme de confiance, presqu’un ami. "Il a fouillé et refouillé la vie de mon époux, patron d’une entreprise de métallurgie dans le Vaucluse", dit –elle. Stupéfaction dans la salle. Et quand Sylvie Andrieux affirme que ce même Balalas s’est acheté, sur les fonds des  associations  bidon, un 4X4 d’une valeur de 55 000 euros et une entreprise de BTP, là, le public se dit que oui,  la fille du légendaire Antoine Andrieux, militante socialiste dès l’âge de 15 ans est victime d’un complot.

Et si elle  avait réussi à renverser la vapeur ? On le croit. Mais hélas, ces accusations si elles sont justifiées, ne dédouanent pas pour autant les agissements de l’ancienne présidente de la politique de la Ville à la région PACA. Me Pierre Haïk, son avocat, aura beau plaider que le petit soldat Andrieux a été élu "pour servir et non se servir", le Tribunal  ne l’écoutera pas.  Le 22 mai 2013, Sylvie Andrieux écope d’une peine de 3 ans de prison dont un ferme, et de 5 ans inéligibilité. Injuste, dit simplement la députée à l’énoncé du jugement  en annonçant qu’elle interjette appel. Le procès devant la cour d’Aix-en-Provence a lieu  le 2 juin 2014. Une fois encore, toujours combative, sûre d’elle-même,  l’élue clame son innocence. C’est la répétition du procès de Marseille. Avec, in fine, le même réquisitoire et une peine identique réclamée : 3 ans de prison dont un ferme et 5 ans d’inéligibilité. Depuis sa  réélection à  l’Assemblée nationale, le 17 juin 2012, la députée n’arrive pas à croire qu’elle pourrait perdre son mandat. Ce 23 septembre, elle n'a pas baissé pas les bras. Son avocat a annoncé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Cet article a été mis à jour le 23 septembre 2014

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