Coup de massue fiscal : pourquoi l’économie française va payer cash l’augmentation violente des impôts de 10 millions de contribuables<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Certains Français se retrouvent désemparés devant leur 3ème tiers d'impôts à payer.
Certains Français se retrouvent désemparés devant leur 3ème tiers d'impôts à payer.
©Reuters

2ème effet kiss cool

Alors que cette année, les impôts sur le revenu de 10 millions de contribuables français ont augmenté au total de plus de quatre milliards d’euros, certains se retrouvent désemparés devant leur 3ème tiers. L'addition est salée et c'est au détriment de toute l'économie : les Français consomment moins et se tournent vers leur épargne de précaution.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : De nombreux contribuables ont eu un choc en recevant leur 3ème tiers d'impôt sur le revenu : ils ne s'attendaient pas à une telle augmentation. A tel point que les demandes d'étalement ont bondi. Etant donné le profil de ces contribuables, quelles conséquences peut-on attendre au plan économique de cette charge surprise dans leur budget ? 

Philippe Crevel : Avec la réduction du plafond du quotient familial à 1500 euros, avec celle du plafond des niches fiscales à 10 000 euros, avec la fiscalisation de la majoration de 10 % pour les retraités ayant eu trois enfants, avec l’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu des produits de l’épargne, avec la fiscalisation des complémentaires "santé", de nombreux contribuables doivent acquitter un dernier tiers en forte hausse. A la différence des contribuables mensualisés, les ménages ayant opté pour le paiement par tiers ne bénéficient pas d’un étalement du surcroît d’impôt sur plusieurs mois. Le Gouvernement conscient de l’impact négatif de cette augmentation a pris des mesures pour alléger l’impôt sur le revenu pour les contribuables les plus modestes. Ces mesures visent à neutraliser les effets du gel du barème intervenu de 2011 à 2013. Le poids de l’impôt sur le revenu est passé de 50 à 70 milliards d’euros de 2008 à 2014. Pour cette année, la majoration pourrait, être, en moyenne de 10 %. La hausse de l’impôt sur le revenu concerne potentiellement 14 millions des 19 millions de ménages qui l’acquittent. Plus de 4 millions de ménages devraient bénéficier des mesures d’allègement décidées par le Gouvernement. Parmi les 14 millions sujets à des majorations, ce sont les familles et les retraités qui seront en première ligne tout comme ceux se situant parmi les 10 % de ménages les plus aisés. Il ne faut pas oublier que près des trois quarts de l’impôt sur le revenu sont payés par 10 % des contribuables.

Par nature, toute hausse des prélèvements a un effet récessif. L’erreur des pouvoirs publics est de faire porter l’assainissement des finances publiques essentiellement sur la fiscalité. Les pays qui ont réussi à juguler leur déficit public ont opté pour des réductions fortes des dépenses et non pour des hausses massives des prélèvements. En France, nous passons notre temps à courir derrière le déficit avec une contraction de la masse imposable. Une inversion des priorités serait nécessaire pour générer un cycle de croissance vertueuse. 

>>> A lire sur Atlantico : EXCLUSIF - Le gouvernement promet de larges baisses d’impôt… dans la réalité 10 millions de Français vont payer 4 milliards d’euros en plus en 2014

Quel pourrait être l'impact de cette augmentation sur la consommation ? 

Depuis le début de l’année, la consommation est relativement étale. Cette situation devrait se poursuivre dans les prochains compte tenu de la stagnation des revenus et de la progression des impôts à la fois nationaux et locaux. Ces derniers devront être réglés au courant au cours du dernier trimestre. Avec l’augmentation des dépenses liées au logement et des dépenses pré-affectées (abonnements téléphone, Internet, eau, électricité, assurances…), les marges des Français se sont réduites. 

Et sur l'épargne ?

La hausse du taux d’épargne constatée au premier trimestre s’explique tant par la crainte qu’inspire le contexte économique aux Français que par la nécessité de mettre l’argent de côté pour faire face aux augmentations d’impôt. En période de relèvement des prélèvements obligatoires, le taux d’épargne a toujours tendance à augmenter. Néanmoins, il est fort probable que ce dernier baisse marginalement en septembre et en octobre. Pour faire face aux dépenses, les Français épargnent en laissant une part croissante de leur argent sur leurs comptes courants. Cette évolution est liée à la volonté de maintenir un fort volant d’épargne de précaution. Elle est aussi la conséquence de la baisse des taux de rendement de l’épargne.

Quels effets sur l'économie dans son ensemble ? Les bénéfices en termes budgétaires que le gouvernement attend de cette hausse d'impôt pourraient-ils être annulés par le fort recul de la demande qui contracterait la croissance ? 

La hausse continue des prélèvements semble avoir miné le moral de nombreux Français. Ils jugent peu lucratifs de travailler plus. Cela crée un climat dépressif.

Aujourd’hui, la séquence ou plutôt le cercle vicieux est d’une simplicité biblique, les augmentations d’impôt freinent la croissance, augmentent le chômage ce qui réduit d’autant l’assiette fiscale obligeant les pouvoirs publics à redonner un tour de vis. Avec des prélèvements obligatoires représentant 46 % du PIB et des dépenses publiques s’élevant à 56 % du PIB, il n’est guère possible d’imaginer une réduction de notre déficit public qui atteindra 4,4 % du PIB cette année soit plus que l’année dernière, en usant et abusant de la manette fiscale. 

Comment les entreprises risquent-elles d'en pâtir ? Cela remet-il en cause l'efficacité (déjà hypothétique) du Pacte de responsabilité ? 

Faute de demande et faute de perspectives, les entreprises réduisent leur effort d’investissement et reportent à plus tard leurs projets de modernisation ou de développement. Un tel contexte ne peut que peser sur l’emploi. De toute façon, il était économiquement irrationnel de lier baisses de cotisations sociales et créations d’emploi. Premièrement, les entreprises doivent restaurer leur taux de marge qui a été, en partie, amputé par une série d’augmentations des dites charges. La meilleure profitabilité des entreprises pourra les conduire, dans un deuxième temps, à investir plus fortement et cela d’autant plus que le cadre juridique et fiscal sera stable. La création d’emploi qui est toujours un pari ne peut venir qu’après. Vouloir tout, tout de suite, aboutit à ne rien avoir du tout….

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !