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Sucre, sel et matières grasses : comment les industriels nous rendent accros dès le berceau
©Flickr

Bonnes feuilles

L’Américain Michael Moss, prix Pulitzer 2010 et journaliste d’investigation au New York Times, nous livre une enquête explosive sur la nourriture industrielle et ses corrélations avec l’accroissement de l’obésité. Extrait de "Sucre sel et matières grasses", publié chez Calmann-Levy (1/2).

Michael Moss

Michael Moss

Michael Moss, a été journaliste au Wall Street Journal et au New York Newsday. Depuis 2000, il est journaliste d’investigation pour le New York Times et a été récompensé par un Prix Pulitzer en 2010 pour son enquête sur les dangers de la viande contaminée.

 

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Le sel, le sucre et les matières grasses sont un tout autre problème. Non seulement ce ne sont pas des polluants accidentels comme l’E. coli, mais le secteur les étudie, les contrôle et les utilise avec méthode. Les dossiers confidentiels auxquels j’ai eu accès pour la préparation de cet ouvrage montrent à quel point la démarche est calculée. Afin de s’assurer qu’un nouveau soda déclenche une envie irrésistible chez le consommateur, il faut passer par des calculs savants prenant en compte une analyse de régression et des graphiques complexes pour déterminer ce que les professionnels nomment le « point de félicité », à savoir la quantité précise de sucre, de graisse ou de sel qui vous enverra au paradis. Ces alchimistes industriels m’ont exposé tout le processus de fabrication d’un nouveau soda et la création de cette félicité dans leurs laboratoires de White Plains (État de New York). Pour comprendre comment le secteur a recours à la graisse pour rendre ses produits appétissants, je suis allé à Madison (Wisconsin), patrie du groupe Oscar Mayer et de Bob Drane, créateur des Lunchables, le colosse de la nourriture industrielle qui a radicalement changé les habitudes alimentaires de millions de petits Américains. Bob Drane a fouillé ses archives personnelles pour retrouver le mémo interne qui mesurait les avantages et les inconvénients du vrai pepperoni par rapport à un simple arôme de viande et décrivait l’attrait de la viande et du fromage chargés de graisse en des termes génériques tels que « débit du produit ». La graisse et le sel sont au coeur des opérations que mène Frito-Lay à Plano (Texas), et un ancien chercheur de la maison nommé Robert I-San Lin m’a expliqué les méthodes privilégiées par l’entreprise pour manipuler ces deux ingrédients. Ainsi, les dirigeants cherchent à réduire le snack idéal en une équation prenant en compte le goût et la commodité : « P = A1G + A2C + A3F – B1$ – B2S – B3Q », où P représente l’achat et où l’attrait de la graisse et du sel surpassent facilement S, c’est-à-dire les préoccupations de santé de l’opinion.

J’allais découvrir que le plus fascinant et le plus troublant dans le sel, le sucre et les matières grasses est la manière dont le secteur a cherché à modifier leur forme et leur structure physique afin d’augmenter leurs effets. À l’heure actuelle, des scientifiques de chez Nestlé manipulent la distribution et la forme des globules gras pour modifier leur taux d’absorption et, pour reprendre le terme utilisé par les professionnels, leur « sensation en bouche ». Chez Cargill, le numéro 1 mondial du sel, des scientifiques en ont fait une fine poudre capable d’atteindre plus vite et plus puissamment les papilles et ainsi améliorer ce que l’entreprise nomme « l’explosion de goût ». Le sucre est également modifié de mille et une façons. Le composant le plus sucré du sucre normal, le fructose, a été cristallisé et changé en un additif. Les chercheurs ont également créé des agents de sapidité qui multiplient par 200 la force naturelle du sucre.

Extrait de "Sucre sel et matières grasses", de Michael Moss, publié chez Calmann-Levy, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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