Ne mangez surtout pas sainement si vous voulez sauver la planète... La malbouffe, alliée inattendue de l’environnement <!-- --> | Atlantico.fr
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L'alimentation a un impact très lourd sur les émissions de gaz à effet de serre de chaque citoyen.
L'alimentation a un impact très lourd sur les émissions de gaz à effet de serre de chaque citoyen.
©Reuters

A l'envers des idées reçues

Selon une récente étude, si les Américains décidaient de troquer leur malbouffe contre le régime alimentaire proposé par le Département de l'Agriculture des Etats-Unis (USDA), le pays se mettrait à produire 12% de gaz à effet de serre de plus qu'aujourd'hui.

L'alimentation a un impact très lourd sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) de chaque citoyen. En moyenne, un repas correspond à 3kg équivalent CO2, selon le Réseau action climat France (rac-f). Ainsi, afin de limiter leur bilan carbone, de nombreuses personnes se sont mis en tête qu'il fallait adopter un régime alimentaire principalement végétal et bio. A tort. Preuve en est aux Etats-Unis, pays roi de la malbouffe et de l'obésité. Selon une récente étude réalisée par des scientifiques de l'Université de Michigan, si l'Américain moyen commençait à troquer son régime habituel pour le menu recommandé par le Département de l'Agriculture des Etats-Unis (USDA), le pays se mettrait à produire 12% de gaz à effet de serre de plus qu'aujourd'hui.

Inquiet du fort taux d'obésité aux Etats-Unis, l'USDA pousse les Américains à manger un cinquième de calories en moins. S'ils le faisaient, tout en gardant leur régime alimentaire actuel, ils réduiraient les gaz à effet de serre de 20%. Mais s'ils diminuaient les calories tout en adoptant le régime proposé par l'USDA, les gaz à effets de serre ne réduiraient que de 1%, au mieux.

Ces conclusions peuvent paraître contradictoires du fait que la viande contribue largement aux émissions de gaz à effet de serre. Le bœuf par exemple, génère 36% des émissions de GES provoquées par la nourriture aux Etats-Unis tandis qu'il ne représente pas plus de 4% des réserves alimentaires du pays. Et diminuer la viande est justement l'une des principales recommandations de l'USDA. Toutefois, le régime proposé par l'USDA induit moins de graisses solides et de sucre. Or la production de ceux-ci engendre relativement peu de GES. Par ailleurs, le gouvernement recommande de consommer plus de produits laitiers. Ces derniers sont pourtant partiuclièrement polluants par leur production (alimentation du bétail, rots des ruminants, utilisation d'engrais), leur transformation et leur conservation en circuit frigorifié.

Mais manger moins de viande reste la première résolution à prendre pour réduire son emprunte carbonne. Celle provoquée par régime végétarien à 2 000 calories est 30% plus pauvre que celle d'un régime alimentaire américain typique.

En 2007, une étude parue dans la revue médicale britannique The Lancet suggérait déjà de réduire de moitié la consommation quotidienne de viande dans les pays développés pour aider à limiter le réchauffement climatique. "Si l’on considère que la population globale va augmenter de 40% d’ici 2050 et si aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au bétail n’intervient, la consommation de viande devra baisser à 90 grammes par jour et par personne pour stabiliser les émissions de ce secteur", expliquaient alors les chercheurs. Il faudrait aussi limiter à 50 grammes par jour la consommation de viande rouge provenant de ruminants (bœuf, mouton, chèvre) émetteurs de méthane, un gaz à fort pouvoir réchauffant.

Malgré cela, ces dix dernières années, la consommation mondiale de viande n'a cessé d'augmenter, progressant de 2,3% par an. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), il se consomme plus de 9 075 kilos de viande chaque seconde dans le monde, soit 286,2 millions de tonnes pour l'année 2010 et 300 Mt. en 2013. Ainsi, la consommation de viande par habitant dans le monde serait en moyenne de 41,8 kg par habitant. Par ailleurs, les émissions de l'agriculture et de l'élevage ont augmenté de 14% entre 2001 et 2011, passant de 4,7 milliards de tonnes d'équivalent CO2 en plus de 5,3 milliards de tonnes. 

En 2010, une autre étude, française cette fois, a également montré qu'un régime alimentaire principalement végétal n'était pas forcément bénéfique à l'environnement. Selon les travaux de l'Institut National de la Recherche, l'impact carbonne des femmes qui mangent "mal" est inférieur de 10% à celui de celles qui mange de façon "adéquate". 

Pour l'INR, le mangeur adéquat est celui qui remplit les conditions suivantes :

  • Avoir une alimentation riche en nutriments essentiels protecteurs (vitamines, minéraux, protéines, etc….).
  • Avoir des apports faibles ou modérés en nutriments dont il faut limiter consommation (sodium, sucre, acides gras saturés).
  • Privilégier des aliments à densité énergétique faible, autrement dit, pour faire simple, contenant peu de calories aux 100 grammes. Un élément dont on a visiblement démontré le rôle dans la lutte contre l’obésité.

En étudiant l'alimentation au jour le jour des Français, Nicole Darmon, directrice de Recherche Inra au sein de l’UMR NORT (nutrition, obésité et risque thrombotique) à la faculté de médecine de la Timone à Marseille, a constaté que les mangeurs "adéquats" consomment une large proportion de fruits, légumes, légumes secs, céréales complètes, fruits oléagineux, etc. Et limitent en revanche leur ingestion de charcuterie, pâtisseries, acides gras saturés…. Ainsi, les "mangeurs sains" consomment plus d'aliments végétaux : ceux-ci représentent 2/3 du poids des produits intégrés quotidiennement (hors boissons) contre moins de 50% pour les autres mangeurs. Pour autant, leur bilan carbone n'est en rien limité.

Car ce qui détermine l’impact carbone de l’alimentation, ce sont avant tout les calories et les quantités ingérées. Or ceux qui mangent moins de viande compensent ailleurs, souvent en légumes. Ces derniers ayant une densité énergétique faible, il faut en manger plus. Ainsi, les personnes qui équilibrent le mieux leur alimentation ingurgitent 1,4 kilo d’aliments par jour (hors boissons) contre moins de 1 kilo pour les autres. Or plus on mange, plus on émet de GES. C'est d'ailleurs pour ça que les hommes polluent souvent plus que les femmes quand ils se nourrissent. 

En d'autres termes : il faut manger moins. Et surtout moins gâcher de nourriture. "Pour autant, rappelle Nicole Darmon, il est impensable de ne s'intéresser qu'aux conséquences environnementales sans prendre en compte la santé des l'homme. Elle fait également partie du concept de durabilité." En plus quoi, le régime alimentaire du consommateur doit aussi être abordable financièrement et acceptable culturellement, explique la chercheuse. Selon elle, pour réussir à conjuger tous ces facteurs, il faut effectuer des sélections dans chaque catégorie d'aliments, car il est indispensable de garder une alimentation diversifiée. Ainsi, si l'homme ne peut se passer de produits animaux, il devrait préférer les produits laitiers et les oeufs à la viande. Quant aux féculents, qui consomment de toute façon très peu, il est préférable de choisir des céréales complètes plutôt que du riz ou des pates. Et Nicole Darmon de conclure : "Bien sûr, il faut protéger l'environnement mais nous arriverons à de meilleurs résultats en partant de petits ajustements personnels et non de grandes révolutions. Il n'est pas réaliste de vouloir transformer tout le monde en vegan. Il faut trouver des solutions plus subtiles et plus abordables."

                                                                                                                                                                                             Raphaëlle de Tappie 

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