Sarkozy, Juppé ou les autres : qui paraît aujourd’hui le mieux placé pour définir un programme qui fera gagner la droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Qui aura le meilleur programme
Qui aura le meilleur programme
©REUTERS/Christophe Ena/Pool

Et le gagnant et...

Alors que l'affrontement entre deux blocs au sein de l'UMP semble se préciser en marge des deux rassemblements du parti ce week-end à Nice et à La Baule, Atlantico vous propose un banc d'essai des différents candidats potentiels, déclarés ou non, à la présidence de l'UMP quant à leur capacité à élaborer un programme pour l'UMP en fonction de leurs réseaux, et de leurs réservoirs intellectuels.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Nicolas Sarkozy

Bruno Jeudy : Le point fort de son programme résidera dans sa personnalité, raison pour laquelle il apparaît pour les militants UMP comme leur favori pour diriger le parti, et être le candidat de demain à la présidentielle. A leurs yeux, il demeure l'ancien président de la République, qui a donc gagné la présidentielle, puis exercé la fonction. Cependant, nous sommes en droit de nous demander si sa personnalité est suffisante comme programme. Nicolas Sarkozy a gagné en 2007 sur un programme différent de celui qu'il a présenté en 2012. Aujourd'hui, il est difficile de dire sur quelles bases pourraient s'appuyer son retour : sur le plan idéologique, va-t-il revenir sur un axe droitier par lequel il est sorti en 2012, ou bien va-t-il revenir sur un programme d'ouverture avec une approche économique plus libérale comme cela a été le cas en 2007 ?

La conquête du pouvoir par Nicolas Sarkozy avant 2007 a montré qu'il s'était beaucoup attaché à travailler les idées politiques, à les transformer en programme. Il lui aura fallu près de deux ans avant de pouvoir mettre au point son programme qui l'a porté au pouvoir en 2007. Malgré cela, il convient de se demander s'il a effectivement la volonté et la patience de refaire ce même chemin qui nécessite beaucoup d'opiniatreté. Cela nécessite également d'avoir un autre regard, la France de 2014 étant différente de celle 2012, et encore plus par rapport à celle de 2007. Les idées politiques ont, elles aussi, beaucoup évoluées. On ne sait pas trop au fond si Nicolas Sarkozy a toujours envie de bousculer les idées : on a cru comprendre, à travers quelques confidences, qu'il n'était pas spécialement favorable à un abandon des 35 heures, ni à la mise en place de solutions économiques radicales alors qu'elles semblent aujourd'hui partagées par bon nombre d'élus UMP. Il pourra malgré tout compter sur Emmanuelle Mignon son ancienne collaboratrice, qui tente déjà de rassembler d'anciens hauts-fonctionnaires et qui le moment venu se remettront au service du président. Mais il ne jouit pas d'une organisation très stable pour le moment.

En ce qui concerne le charisme, Nicolas Sarkozy règle incontestablement la question du leadership, d'autant plus qu'il est certain que son retour se fera sous les habits du sauveur dans la plus pure tradition de la Vème République. Cet élément plaira peut-être au coeur des sympathisants de l'UMP et à tous les nostalgiques du gaullisme. Cette thématique du sauveur est incontestablement favorisée par la déliquescence accélérée de François Hollande.

Jean Petaux : Nicolas Sarkozy est toujours à l’affut d’une nouvelle idée qui doit tout bouleverser. Ses points forts résident dans le fait qu'il est un adepte de la rupture, y compris avec lui-même et ses pratiques antérieures. Il est également Pro-actif et performatif. Nicolas Sarkozy est un leader qui s’incarne dans son discours. Il procède de ce que les spécialistes des miracles et de l’histoire de l’Eglise nomment "l’entéléchie". Son retour tient du miracle et ce positionnement dans la figure du sauveur qui revient est la meilleure manière de formuler le programme qui doit, miraculeusement, sauver le pays.

Alain Juppé

Bruno Jeudy : Alain Juppé est indéniablement un homme politique expérimenté. A ce titre, il est tout à fait capable de bâtir un projet, ce qu'il a fait à plusieurs reprises au cours de la carrière de Jacques Chirac, mais également lorsqu'il était Premier ministre de 1995 à 1997. Comme pour Nicolas Sarkozy, le programme d'Alain Juppé repose sur sa personnalité qui a connu des hauts et des bas, notamment suite à sa condamnation en justice, mais qui apparaît aujourd'hui comme celle préférée des Français. Sa très grande expérience tranche avec celle très faible de François Hollande lorsqu'il a été élu en 2012 ; c'est d'ailleurs cela qu'il met en avant avec son programme qui pourrait se résumer en une phrase : faire des réformes les plus consensuelles possibles dans un pays apaisé.

Comme pour Nicolas Sarkozy, Alain Juppé règle la question du leadership et du charisme, même s'il est beaucoup moins adulé par les militants UMP que Nicolas Sarkozy ; il n'en reste pas moins qu'il jouit tout de même d'une importante popularité à l'intérieur du mouvement. Il convient cependant de noter qu'à la différence de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé n'a pas l'expérience d'une élection présidentielle, et qu'il aura dû attendre plus de 60 ans avant de pouvoir formuler sa première candidature, compte tenu des circonstances de sa carrière. Sa pensée s'appuie beaucoup sur la Boîte à idée, fondée par de jeunes adhérents de l'UMP et des élus, ainsi que des hauts fonctionnaires. Il pourra également s'appuyer son propre réseau qu'il a cultivé lors de ses passages ministériels et à Matignon. Il ne pourra par contre plus compter sur Patrick Stefanini qui est passé chez François Fillon en 2013.

Jean Petaux : Son programme sera essentiellement dicté par une volonté de revenir aux grands équilibres monétaires et financiers dans le souci de repositionner la France comme Etat influent en Europe et dans le monde. Pour ses points négatifs, il souffre d'une certaine fragilité dans les réseaux UMP en particulier parmi les élus, et une vraie difficulté à supporter les imbéciles, les incompétents, et parfois les opposants, sans s’énerver, même, si là encore, avec l’âge le seuil de tolérance a été très largement repoussé…

François Fillon

Bruno Jeudy : François Fillon, lui, a véritablement besoin d'un programme. Il est d'ailleurs le seul à être en train d'en bâtir un, en ce moment-même, avec une équipe d'élus et de hauts fonctionnaires. Ce programme a commencé à être décliné en conventions : sur l'école, une autre prochainement sur la réduction des dépenses publiques, ainsi que sur la sécurité et l'immigration, la recherche et l'enseignement supérieur, etc. François Fillon espère que ce programme, lorsqu'il l'aura communiqué et présenté un peu partout, puisse devenir son point fort par rapport à ses rivaux Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, apparaissant alors comme celui qui aura un programme en bonne et due forme. Ce programme se caractérise d'ores et déjà par une assez grande radicalité puisqu'il appelle à la rupture, avec un aspect très libéral sur le plan économique qui ne verse pas du tout dans la tiédeur centriste, et très conservateur sur le plan sociétal. Il est sans doute en train de bâtir l'un des programmes les plus à droite qu'un présidentiable ait pu porter depuis quasiment les débuts de la Vème République.

François Fillon a besoin de cela car il pâtit, par rapport  à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, d'un problème de leadership. Il s'agit par ailleurs d'une personnalité qui a toujours été au second plan, ayant grandi dans la sillage de personnalités gaullistes marquantes comme Philippe Séguin, puis ayant été le numéro 2 de Nicolas Sarkozy en occupant le poste de Premier ministre pendant 5 ans. Une des difficultés à laquelle il doit faire face est qu'il met en place son programme en marge de l'UMP, dans le cadre de la structure politique qu'il a créée, Force républicaine,  et ce suite à sa défaite à l'élection interne de l'UMP en 2012 qui l'a empêché de bâtir son projet politique et de s'imposer enfin auprès des sympathisants de droite. 

Bruno Le Maire 

Bruno Jeudy : Dans la catégorie des quadras, Bruno Lemaire est l'une des personnalités les plus à même de porter un programme ; il est d'ailleurs déjà en train d'en esquisser un pour l'UMP, avant d'un bâtir éventuellement un pour une candidature à la présidentielle. Son fil conducteur transparaît à travers son slogan :  "Bruno, c'est le renouveau". On retrouve un certain côté de Jacques Chirac chez Bruno Le Maire qui essaie de miser sur un programme, tout en essayant de se faire connaître des Français puisqu'il est le plus jeune dans la catégorie des présidentiables. Il s'appiue également sur le Think-tank la Boîte à idée comme Alain Juppé, et jouit de son réseau d'élu actifs, doublé d'une équipe efficace. Il souffre d'un certain déficit de charisme, celui-ci ayant notamment vécu pendant longtemps dans l'ombre de Dominique de Villepin en tant que directeur de cabinet, conseiller, ministre de plusieurs portefeuilles, etc. On sent cependant qu'il est prometteur par son style un peu à la Chirac, par certains gestes qui lui permettent de se faire connaître comme le fait de démissionner de la Haute fonction publique, ou bien de coller à l'air du temps en se montrant favorable à l'interdiction du cumul des mandats, voire en s'abstenant sur le mariage pour tous, ce qui est beaucoup plus contestable à droite. 

Xavier Bertrand

Bruno Jeudy : Xavier Bertrand est celui qui, à mon avis, est le plus à même de porter un programme parmi la jeune génération. Il est extrêmement bien organisé comme en témoigne notamment sonc club politique.  Xavier Betrand est un adepte de la politique par la preuve, adoptant ainsi une position très concrète de la politique. Son point fort sera sa capacité à mettre au point un programme qui respectera l'ensemble du cahier des charges qu'on attend précisément d'un programme. Il a commencé d'ailleurs à travailler sur des thèmes, comme celui de l'Europe ou de l'éducation. En revanche, je pense que Xavier Bertrand souffre d'un problème de notoriété et de leadership. Il a son propre club politique, le Think tank La manufacture, et un réseau de parlementaires très fidèles, et jeunes, comme Gérald Darmanin, ou encore Arneau Robinzet. Il a beaucoup travaillé les questions régalienne avec une sortie remarquée au printemps en matière de Défense.

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