Lutte anti-djihadistes occidentaux : le plan britannique plus drastique mais moins réaliste que son équivalent français<!-- --> | Atlantico.fr
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David Cameron a présenté son plan de lutte contre les djihadistes originaires de son pays.
David Cameron a présenté son plan de lutte contre les djihadistes originaires de son pays.
©REUTERS/Darren Staples

Halte-là !

Alors que les récentes déclarations du roi Abdallah d'Arabie saoudite rappellent le risque d'attaques terroristes auquel sont exposées les États occidentaux, le Premier ministre britannique a dévoilé lundi 1er septembre son plan de lutte contre les djihadistes originaires de son pays, près de deux mois après la présentation du plan français. Comparaison de deux méthodes.

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard est spécialiste du terrorisme et ancien enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001. Il est Président du Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT) 

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Après le meurtre du journaliste américain James Foley par un membre de l'Etat islamique qui serait vraisemblablement britannique, le gouvernement de David Cameron a décidé qu'il fallait en faire davantage pour lutter contre les djihadistes occidentaux. 

Car sur les 500 djihadistes britanniques qui se seraient rendus en Syrie et en Irak, 250 seraient de retour au Royaume-Uni. Faisant craindre aux autorités des risques d'attentats. En France, au mois de mai, Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve adressaient une circulaire de mise en œuvre du plan anti-jihad aux procureurs généraux ainsi qu'aux préfets. L'objectif étant de repérer le plus tôt possible tout candidat à la Guerre sainte. Mais les premières mesures contre les risques intérieurs soulevés par le djihad ont été prises dès 1996 en France et avant même les attentas de 2001 au Royaume-Uni. Atlantico vous propose une analyse comparée, point par point, des plans anti-jihad français et britannique.

Prévention

La prévention et la dissuasion sont déterminantes dans la lutte contre le phénomène djihadiste. Il s’agit d’éviter le basculement radical ou, lorsqu’il a déjà eu lieu, d’empêcher le départ vers le djihad. Le Royaume-Uni a mis en place avant même les attentats du 11 septembre 2001, un plan de prévention de la radicalisation impliquant les municipalités, les services sociaux et éducatifs ainsi que la communauté musulmane dans la prévention, la détection précoce des profils à risque et la dé-radicalisation, avec notamment des programmes de réinsertion. En 2011, ce plan d’action a été renommé " Prevent " et vise trois objectifs : stopper la propagation d’idéologies extrémistes, identifier les personnes vulnérables avant leur radicalisation et sensibiliser aux dangers de l’extrémisme. Il est difficile d’apprécier le succès d’un tel plan, mais l’expérience a montré que les programmes de dé-radicalisation étaient globalement inefficaces.

Le Premier ministre David Cameron a proposé de renforcer les pouvoirs coercitifs des autorités agissant à titre préventif contre les candidats au djihad en facilitant leur assignation à résidence, la définition de zones d’exclusion et la possibilité de les délocaliser. Le Royaume-Uni dispose également, depuis 2006, d’une législation lui permettant de poursuivre préventivement des personnes suspectées de préparer des actes de terrorisme sur le sol britannique ou à l’étranger. 

La France dispose depuis 1996, à travers l’incrimination d’association de malfaiteurs terroristes, d’un outil judiciaire qui permet à la justice de poursuivre des personnes préventivement, au stade de la préparation d’un acte terroriste. C’est ainsi que depuis 2013 plusieurs candidats au djihad en Syrie ont pu être condamnés avant même leur départ. Cet outil devrait être prochainement complété pour prendre en compte la préparation individuelle d’un acte terroriste.

Le plan anti-djihad présenté le 23 avril dernier, a créé un numéro vert, permettant aux familles d’alerter les autorités lorsqu’elles constatent des dérives extrémistes. Depuis lors, plus de 234 signalements pertinents ont pu être recueillis au moyen de cet outil. Les parents peuvent également désormais s'opposer à la sortie du territoire de leurs enfants mineurs candidats au djihad.

S’agissant de la lutte contre la propagation de l’extrémisme sur Internet, et notamment de l’apologie du terrorisme, la loi antiterroriste britannique de 2006 a mis en place un système de blocage des contenus. A ce jour, plus de 40 000 contenus extrémistes ont été retirés, dont 28 000 depuis le début de l’année.

En France, le gouvernement a présenté le 9 juillet dernier un projet de loi qui adapte l’arsenal juridique de la lutte contre le terrorisme. Le texte, qui sera débattu au Parlement en septembre, prévoit également le blocage administratif des sites Internet provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, à l’instar de ce qui existe déjà pour les sites pédopornographiques.

Cette mesure est adaptée à l’évolution de la menace terroriste et au contexte du djihad en Syrie, où la plupart des projets de départ pour la Syrie résultent de processus d’auto-radicalisation nourris par la fréquentation de sites Internet.

Contrôle aux frontières (au départ)

Depuis avril 2013, le passeport d’un ressortissant britannique peut lui être retiré et son renouvellement refusé lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il a l’intention de s’engager dans des activités terroristes. La mesure s’étend aux personnes qui ont l’intention d’aller combattre, de mener des activités extrémistes ou de suivre un entrainement terroriste à l’étranger. Le gouvernement de David Cameron a décidé de renforcer ce dispositif en proposant que la police aux frontières puisse également confisquer, à titre provisoire, le passeport d’un voyageur suspect aux frontières.

En France, les préfets peuvent désormais inscrire en amont les candidats au djihad identifiés par la police ou le renseignement intérieur sur le fichier FPR (fichier des personnes recherchées) et le fichier européen SIS (système d'information Schengen). En outre, le projet de loi du gouvernement prévoit une mesure d’interdiction de sortie du territoire des personnes qui projettent de participer à des activités terroristes ou qui comptent se rendre sur un théâtre d’opérations de groupes terroristes. Cette interdiction emportera retrait du passeport de la personne.

Contrôles aux frontières (à l'arrivée)

Depuis 2006, le Royaume-Uni a pris des mesures sans précédent pour empêcher le retour de djihadistes sur son sol. Ainsi, un djihadiste binational peut être déchu de sa nationalité britannique. Cette mesure controversée n’a été appliqué que dans 20 cas. En outre, la loi britannique permet déjà d’interdire l’entrée du pays à des étrangers suspectés d’activités terroristes, et depuis le début de l’année, les conditions ont été assouplies pour déchoir de leur nationalité britannique les citoyens naturalisés. En dépit de l’importance du dispositif existant et des risques d’atteintes aux libertés fondamentales, David Cameron a proposé purement et simplement d’interdire l’entrée du territoire aux citoyens britanniques soupçonnés de s’être livrés à des activités terroristes. On peut s’interroger sur l’opportunité, la légalité et l’efficacité d’une telle mesure, dès lors qu’une personne identifiée pourrait parfaitement être interpellée, détenue et poursuivie au titre de sa participation à une organisation terroriste, et ainsi être mise hors d’état de nuire. Cette mesure serait en outre limitée au territoire britannique et n’empêcherait pas la commission d’actes terroristes par cette personne à l’étranger, ni même dans l’espace Schengen. Enfin, une telle mesure serait contraire au droit international.

En France, les personnes ayant participé à une organisation terroriste peuvent être poursuivies et font l’objet d’une surveillance des services de renseignement à leur retour.

Contrôle des flux de passagers

Le Royaume-Uni et la France mettent l’accent sur la nécessité d’obtenir la coopération des compagnies aériennes, notamment pour obtenir des informations sur les passagers. Il s’agit dans les deux cas d’une exigence nationale, celle de disposer de fichiers complets relatifs à l’identité des passagers. La France devrait disposer en 2015 des capacités lui permettant de collecter l’intégralité des informations préalablement à l’embarquement des passagers. Il s’agit également d’une exigence européenne, l’échange d’informations sur les déplacements intra-Schengen des ressortissants de l’Union européenne étant un élément clé pour localiser et neutraliser préventivement les personnes suspectes. Les deux pays réclament une coopération approfondie dans ce domaine et militent à juste titre en faveur de la création d’un fichier européen des données des passagers.

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