Pourquoi il n’y a malheureusement pas de grande amélioration à attendre des ajustements de Valls sur la loi Duflot <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Ce vendredi 29 août, Manuel Valls a annoncé une série de mesures visant à relancer la construction immobilière
Ce vendredi 29 août, Manuel Valls a annoncé une série de mesures visant à relancer la construction immobilière
©REUTERS/Philippe Wojazer

Désenchantement...

Ce vendredi 29 août, Manuel Valls a annoncé une série de mesures visant à relancer la construction immobilière. Ce plan de relance inclut notamment de favoriser la vente des terrains, et le renoncement au renforcement de l'encadrement des loyers, mesure phare de la loi Duflot. Des aménagements qui s'apparentent plutôt à du rafistolage loin de pouvoir relancer le marché en grande difficulté.

Vincent Bénard

Vincent Bénard

Ingénieur et économiste, Vincent Bénard analyse depuis plus de 15 ans l’impact économique et sociétal des décisions publiques, pour le compte de plusieurs think tanks et partis politiques promouvant les libertés économiques et individuelles.
 
Il est l'auteur de deux ouvrages “Logement, Crise Publique” (2007) et “Foreclosure Gate, les gangs de Wall Street” (2011).
Voir la bio »

Atlantico : Le premier ministre Manuel Valls a annoncé ce vendredi 29 août différentes mesures pour relancer le logement. Il s'agissait notamment de présenter les ajustements du dispositif Duflot. Que doit-on penser de ces nouvelles annonces ?

Vincent Bénard : Après le discours de l'UE du MEDEF, certains évoquaient un virage "social-libéral" du gouvernement. Force est de déchanter à la lecture des mesures du plan "Logement" de Manuel Valls, qui ne constitue qu'un très léger desserrement de l'étreinte jugulaire qui pénalise le secteur du logement depuis trop longtemps, et non pas un grand changement de paradigme politique dont le secteur aurait pourtant besoin. Les mesures annoncées ne sont que des replâtrages technocratiques d'un ensemble de politiques qui ont prouvé leur incapacité à résoudre les problèmes de logement des Français. On va changer la durée de location de logements défiscalisés, ou permettre la location intra-familiale, on va toiletter les modalités de l'imposition de telle plus value... Rien de substantiel.

Logement social, défiscalisations diverses, dirigisme étatique, tous les ingrédients du cocktail mortifère français demeurent, là où l'on espérait un souffle nouveau de liberté.

Parmi elle, on peut noter trois mesures phares : l'abattement fiscal de 30% sur les plus-values de cession jusqu'à fin 2015 pour les terrains à bâtir, Le dispositif fiscal Duflot aménagé avec une nouvelle durée, le renforcement de l'encadrement des loyers supprimé (sauf à Paris). changent-elles véritablement le contenu de la loi ? A quels effets doit-on s'attendre ?

Je ne suis pas d'accord avec votre sélection des mesures "phare". Bien qu'elle n'apparaisse qu'en seconde position sur la page du gouvernement consacrée à ces mesures, Manuel Valls a pris soin de citer en premier lors de son intervention une application anticipée des mesures coercitives à l'encontre des communes qui ne s'engagent pas dans le logement social, un programme de logements sociaux relancé en puisant dans les réserves de la caisse des dépôts, et une mise sous tutelle par les préfets des communes qui ne construisent "pas assez" de logements sociaux. Le Premier Ministre se situe donc dans la droite ligne collectiviste de tous ses prédécesseurs depuis 60 ans : comme si le logement social était le seul espoir des familles modestes et moyennes ! Et comme il n'y a pas d'argent pour le logement social, on le fait financer par des prélèvements "furtifs" mais bien réels sur le logement privé, ce qui en renchérit encore le coût, et donc réduit l'offre globale, puisque le prix auquel les offreurs peuvent mettre leur production sur le marché correspond à une moindre demande solvable.

Pour le reste, comme je l'ai dit, les mesures annoncées ne sont que des mesurettes, du même tonneau que celles dont Nicolas Sarkozy nous a abreuvés lors du quinquennat précédent. L'encadrement des loyers ? Il n'est pas supprimé, comme on le lit partout. Il revient juste au dispositif antérieur, celui de la loi Mermaz de 1989, plusieurs fois amendé, qui laisse la liberté à la signature du bail mais encadre les évolutions annuelles du loyer et, théoriquement, les loyers de relocation. Quant aux relations bailleurs propriétaires, le gouvernement n'y touche pas: les propriétaires restent donc à la merci de mauvais payeurs. Quand bien même cela ne concerne pas un nombre très élevé de locations, ce risque contribue à dissuader environ 500 000 propriétaires de logements  à ne pas mettre leur bien sur le marché, principalement en zones tendues.

La niche fiscale Duflot rendue plus accessible ? La belle affaire ! Toutes les niches précédentes, Périssol, Robien, Borloo, Scellier, ont contribué à l'augmentation générale du prix du logement, et ont favorisé un certain mal-investissement immobilier. Les gouvernements taxent d'abord et exonèrent ensuite, au lieu de penser à taxer moins en première approche !

Les plus values sur les terrains à bâtir ? Comme si là était la cause du manque de terrain constructible... Celle ci est d'abord le fruit de politiques foncières malthusiennes, traduites par les plans locaux d'urbanisme de plus en plus restrictifs, qui retirent aux propriétaires des terrains le libre choix de son affectation, et raréfient artificiellement le terrain constructible, entrainant son prix à des niveaux difficilement finançables. Quant aux allègements proposés, ils sont, une fois de plus, limités dans le temps et assortis de conditions restrictives importantes. Bricolage, agitation...

Ce plan de relance du secteur immobilier se base essentiellement sur des mesures fiscales visant à encourager l'investissement locatif et la libération du foncier. Est-il suffisant ?

"Libération du foncier" ? Comme je l'ai dit à la question précédente, les mesures proposées en sont un ersatz. C'est dommage, car une vraie libération foncière serait souhaitable. Elle postulerait que par défaut, un terrain est constructible, et que les zones qui ne le seraient pas pour des raisons paysagères ou environnementales, nécessairement moins nombreuses qu'aujourd'hui, feraient l'objet de mesures financières compensatoires vis à vis des propriétaires restreints dans leurs droits, ce qui obligerait les décideurs publics à ne protéger que ce qui en vaut vraiment la peine. Le prix du terrain à construire chuterait ainsi dramatiquement, rendant l'accès au logement bien plus aisé même pour des familles modestes.
Venons en aux mesures fiscales. Bien sûr, en apparence, toute baisse d'impôts est bonne à prendre... Mais si elle ne s'accompagne pas de baisses de dépenses correspondantes, elle ne conduit qu'à augmenter d'autres impôts, ou nos déficits, et donc notre dette publique. Voilà pourquoi toute annonce de niche fiscale pour tel ou tel secteur me laisse totalement froid. Cela ne revient qu'à choisir qui sera plus ou moins étranglé. Pire encore, toute subvention, directe ou fiscale, ne conduit souvent qu'à enrichir le fournisseur du facteur de production le plus spécifique. En l'occurrence, ce seront les propriétaires de fonciers devenus constructibles qui se mettront plus de marge dans la poche. Les acheteurs de logement, ou leurs locataires, en seront quitte spour occuper un logement certes subventionné, mais qui aura couté plus cher: le gain est nul pour celui qui a le plus intérêt à bénéficier d'un prix plus bas.

Quelles seraient les bonnes pistes à suivre pour réellement relancer le logement ?

Je n'aime pas le terme "relancer", qui suppose une action publique "volontariste". Il faudrait d'abord que l'état se désengage du logement. D'une part, en rendant aux propriétaires de terrain la primauté sur le choix de construire ou pas, ce qui provoquerait une chute des prix des terrains à construire dont profiteraient les familles, et surtout rendrait beaucoup plus difficile la formation de bulles de prix du logement en période faste. Ensuite, en libérant vraiment les loyers, et en affirmant qu'un propriétaire doit pouvoir récupérer un logement d'un mauvais payeur en trois mois maximum. Des économistes considérés comme plutôt à gauche, mais réformistes, comme Etienne Wassmer ou le canadien Tim Smith, ont montré que cette liberté, dans les quelques provinces canadiennes où elle était effective, contribuait à entretenir une offre locative fluide et élevée, et donc, en contrepartie, à maintenir des prix raisonnables.

Il faudrait en outre laisser les communes expérimenter d'autres voies que le logement social. Par exemple, un logement entièrement privé dans un régime foncier libre, mais assorti d'un chèque-logement pour les plus démunis, donnerait de bien meilleurs résultats que l'énorme bureaucratie actuelle du logement social, pour un coût bien moindre.  Enfin, il faut cesser de vouloir compenser une fiscalité générale élevée par des niches fiscales sectorielles spécifiques, mais revenir à une fiscalité du logement alignée sur la fiscalité générale moins confiscatoire. Je ne dis pas que toutes ces mesures sont faciles à prendre et à mettre en oeuvre, et pourraient être actées dans le cadre de mesures annoncées à chaque fois à la sauvette, sous la pression des médias. Mais si le gouvernement voulait vraiment résoudre la crise du logement, au lieu de se contenter de gesticuler pour faire croire qu'il agit, ce sont assurément ces voies là qu'il devrait explorer.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !