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Mercato : un tsunami 
sur le monde du foot ?
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Mondialisation du ballon rond

Plus que quelques heures pour les clubs français de football pour dénicher la perle rare. Le mercato s’achève ce mercredi soir. Mais désormais les clubs de Ligue 1 ne doivent plus seulement affronter la concurrence italienne, anglaise ou espagnole. Au XXIe siècle, de la Russie au Qatar, la concurrence est mondiale...

Philippe Verneaux

Philippe Verneaux

Philippe Verneaux est journaliste sportif et auteur de L'argent dans le sport (2005, Flammarion). Il anime le blog sportmood.fr.

 

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Les traditions se perdent. Il fut un temps, long d’une centaine d’années environ, où l’on ne discutait vraiment football qu’en quelques endroits très « sélect » du Vieux Continent. C’était à Londres, Madrid, Milan ou Munich. On parlait contrats entre présidents de club, vénérables personnalités du cru et inamovibles, qui finissaient par donner leur nom aux stades. Parfois, lors de la nouvelle lune, une grande vedette osait s’expatrier et franchir une frontière, comme Raymond Kopa dans les années 1960 de France vers l’Espagne, ou exceptionnellement deux comme Johan Cruyff quinze ans plus tard, de Hollande vers le même royaume.

En 2011, on compte plus de mille transferts par an sur la planète, le président de Chelsea est russe et celui du PSG est qatari, les téléspectateurs chinois sont plus nombreux à suivre à la télévision un Manchester-United/Arsenal qu’en Angleterre, les enceintes sont affublées de noms de compagnies aériennes et Samuel Eto’o, né au Cameroun – 90e PIB mondial –, est depuis cette semaine le footballeur le mieux payé sur terre. Allez comprendre ! L’ex-attaquant de l’Inter part, sans état d’âme apparent, au Daghestan, dont il ignorait certainement l’existence il y a quelques mois…

Le cas Samuel Eto'o

Eto’o, comme beaucoup de monde, va faire, grâce à son gratifiant exil (soixante millions d’euros de salaire sur trois ans), des progrès gigantesques dans beaucoup de domaines. Son transfert, le plus ahurissant de l’histoire, synthétise à lui seul tous les bouleversements de la géopolitique du football survenus en à peine une ou deux décennies. De Milan, l’un des clubs les plus fameux et les plus titrés du monde, Eto’o file vers Makachkala, capitale d’une république de Russie située dans le Caucase, où les terroristes sont plus nombreux que les footballeurs ! Son nouveau club, l’Anzhi, présent dans le Championnat russe depuis dix ans, est sorti d’un complet anonymat il y a à peine six mois par le seul effet du formidable canon à billets de son nouveau propriétaire, Suleyman Kerimov, magnat des matières premières (pétrole, gaz, métaux précieux), 119e fortune mondiale (huit milliards de dollars) et accessoirement ami de Vladimir Poutine. On l’a compris, Eto’o (30 ans)  ne va pas chercher un supplément de gloire sportive sur les rives de la mer Caspienne.

Le « cas » Eto’o n’est évidemment que la conséquence indirecte et paroxystique des grandes mutations dans le paysage du ballon rond, entamées par l’arrêt Bosman en 1995, poursuivies par la création de la zone Euro et enfin accélérées par l’irruption des pays émergents, dont la Russie et ses oligarques, à l’instar de Roman Abramovic, tout puissant patron de Chelsea depuis 2003. Si l’attaquant camerounais va conclure « grassement » sa carrière entre Kalmoukie et Tchétchénie, comme avant lui le Brésilien Rivaldo en Ouzbekistan, certains songent désormais à ne même plus vraiment la commencer là où ils pourraient au moins ne pas la détruire.

Le talentueux et jeune (24 ans) Marocain Youssef El Arabi, après quatre petites saisons passées à Caen en L1, n’a pas eu la patience d’attendre les derniers échelons d’une progression pourtant promise aux plus beaux lendemains. Il a cédé aux sirènes enchanteresses des pétro-dollars d’Arabie Saoudite où il n’a bien sûr aucune chance de faire son nid, si ce n’est celui de ses arrières financiers (13 millions de dollars sur trois ans).

Le petit monde du foot fait sa révolution

Ces exemples ne constituent sans doute que les prémisses d’un tsunami dont on aperçoit les vagues à la jumelle. En deux ans seulement, la formation du Rubin Kazan, elle aussi russe et constituée de toutes pièces et de devises fortes, est entrée dans le gotha européen en menaçant très sérieusement et à plusieurs reprises le fabuleux FC Barcelone en poule éliminatoire de Ligue des Champions.

Les « grands pays » du football ne sont pas en reste. Les crises successives ont poussé beaucoup de clubs à faire appel aux fonds étrangers. Liverpool et Manchester United sont désormais dans des mains américaines depuis le début de ce siècle, ainsi que le PSG, qui en a déjà changé sans aucun scrupule pour des qatari cette saison. Devant cet afflux de capitaux intercontinentaux, avec des équipes qui appartiennent à tout le monde et à personne, le football perd de plus en plus la tête en continuant sa course folle aux armements. Le danger s’accroit de crouler sous le poids de dettes qui se comptent par milliards. Les clubs espagnols et italiens ont un mal fou à régler leurs fins de mois. Même les joueurs, une première, n’ont plus confiance dans le système, exigent des garanties de paiement et ont fait grève en Espagne pour se faire entendre.

Quant aux vieux grognards, y compris les plus méritants et vraisemblablement encore capables de rendre d’insignes services dans les Championnats haut de gamme même au tarif de demi-solde comme David Trezeguet, ils doivent se résigner – les malheureux – à finir en mercenaires sur des théâtres d’opération nettement moins prestigieux mais aux ressources illimitées. En Europe, et rare exception faite pour d’improbables phénomènes, on ne se saigne plus pour l’ancien ou l’incertain. L’ex- champion du monde et d’Europe en a fait l’amer constat au long des derniers mois, ses offres de pige ayant été repoussées par Saint-Etienne et quelques clubs anglais. Le buteur en or de la finale de l’Euro 2000 a décidé de s’offrir ce mardi quelques ultimes lingots (1,7 million d’euros annuels d’émoluments) aux Emirats Arabes Unis, au Bani Yas où il aura la consolation de  disputer l’an prochain la Ligue des Champions… d’Asie !

Le fair-play financier de Platini à la rescousse ?

Michel Platini, enfant de la mondialisation du foot, ne croit pas à la vidéo. Mais l’actuel président de l’UEFA sait qu’un but marqué malgré un hors-jeu aura forcément moins d’importance que la disparition pure et simple des matches après fermeture définitive de la boutique, pour cause de panne complète de financement. Platoche a donc mis son énergie au service du sauvetage du navire en instaurant le fair-play financier.

Son plan est aussi simple et lumineux que ses coups francs l’étaient. Il frappe là où ça fait mal, en l’occurrence cette fois au portefeuille. A partir de 2012-2013, finis les comptes débiteurs à l’infini, place aux bilans nets et équilibrés. Je serais Abramovic ou Al-Khelaifi (président du PSG), je me méfierais quelque peu. Les feuilles mortes du maître peuvent encore vous encombrer la pelouse…

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