2 millions d’entrées pour Lucy en une semaine : un succès (vraiment) hallucinant<!-- --> | Atlantico.fr
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Le film Lucy vient de franchir la barre des 2 millions de spectateurs
Le film Lucy vient de franchir la barre des 2 millions de spectateurs
©Allo ciné

Mais... pourquoi ?

Rapide et efficace, mais sans grande saveur : le dernier film de Luc Besson ne laisse pas un souvenir impérissable. Et pourtant, ça marche !

Laurence Lasserre

Laurence Lasserre

Laurence Lasserre est spécialiste de la communication publique et des medias.

 
 
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Avec Lucy, un film d'été que l'on est plus ou moins obligé d'aller voir en raison de la météo parisienne et du matraquage publicitaire mondial dont il fait l'objet, Luc Besson nous livre un film que l'on pourrait qualifier de junk movie : comme au fast food, un truc à avaler vite fait parce quand c'est froid c'est vraiment pas bon, que l'on a un peu honte d'avoir consommé quand c'est fini, et qui vous laisse finalement un léger dégoût au creux de l’œsophage.

Le film commence quelque part en Asie (en fait à Taiwan, mais avec des Coréens). Une blonde, Lucy, est devant un hôtel en grande conversation avec un type horripilant qui porte des lunettes oranges et un faux Stetson. On apprend qu'elle est étudiante, qu'elle doit réviser mais qu'en dépit de ce statut et de ces résolutions, le type essaie de la convaincre de déposer une valise à la réception de l'hôtel (qui se trouve à 3 mètres derrière). Déjà, on se demande pourquoi il ne dépose pas la valise lui même. On comprend alors qu'il y a une embrouille car apparaissent des images subliminales de souris devant un piège à fromage, puis d'antilope poursuivie par des fauves. Une façon délicate de permettre à ceux qui ont la comprenette relativement lente de bien capter le drame qui se noue sous nos yeux.

Ensuite le gars énervant se fait tuer et Lucy se fait happer par une troupe d'asiatiques patibulaires ne parlant pas anglais, avec un traducteur qui lui explique en conf call qu'elle doit ouvrir la valise, laquelle contient des sachets de cristaux bleus. On suppute que Lucy est dans une situation sans issue, car le type qui lui aboie dessus en chinois est couvert du sang d'autres types dont on voit les pieds dépasser par la porte de la pièce d'à-coté. Bref, ces quelques indices nous confirment que ça sent grave le roussi pour Lucy, qui écarquille les yeux tant qu'elle peut.

Ensuite, on lui fourre un sachet dans l'abdomen, et elle doit prendre l'avion pour livrer la marchandise en Europe. Manque de pot, un asiatique énervé et tatoué lui donne un grand coup de pied dans le ventre, le sachet crève et le contenu se répand alors dans son corps, via les vaisseaux sanguins visualisés en 3D, et Lucy se met à faire la mouche au plafond.

Comme dans un jeu vidéo, elle vient de délocker un niveau d'aptitude et commence donc à flinguer tous les asiatiques hostiles avec une dextérité digne de sa grand-mère Nikita. Le décuplement de son intelligence et de ses capacités humaines se traduit notamment par le fait qu'elle peut allumer une tablette Samsung, un téléphone Samsung ou une télévision Samsung sans les toucher (le truc marche aussi avec l'électricité et la lecture rapide de données). Elle comprend aussi le chinois, ce qui lui permet immédiatement de mieux se repérer dans l'espace.

Elle profite de son forfait gratuit pour appeler sa mère dans une des scènes les plus pathétiques de toute l'histoire du cinéma, pendant qu'un chirurgien éberlué lui farfouille dans les entrailles, à la recherche de ce qui reste du sachet éventré de cristaux bleus.

Ensuite elle appelle Morgan Freeman qui se trouve par hasard rue de Castiglione à Paris, car il est invité à pérorer d'un air docte devant des étudiants au sujet d'hypothèses scientifiques sur le cerveau humain dont on sait par ailleurs qu'elles sont totalement erronées. Il a l'air triste de jouer ce rôle, mais s'y attèle avec un grande application et un professionnalisme qu'il convient de saluer.

Puis Lucy continue à faire joujou avec son cerveau qu'elle connecte désormais en permanence à l'infosphère. Elle hallucine psychédélique genre Lucy in the sky with (blue) diamonds. Elle appelle le cousin de Samy Naceri, qui est flic à Paris, pour récupérer sur les corps des autres mules dispersées dans toute l'Europe les doses de came dont elle a besoin.

Le policier s'acquitte convenablement de sa tâche et se place ensuite sous l'autorité hiérarchique directe de Lucy, qui entretemps a manqué de se désintégrer dans les toilettes du vol long courrier qui la conduit vers Paris. Elle colle quelques Coréens au plafond, casse un grand nombre de voitures de police, dégrade considérablement la rue de Rivoli et le Marché au Fleurs de l'Ile de la Cité, mais comme le sosie de Samy Naceri est flic et entièrement à son service, ce n'est pas grave.

Elle sniffe quelques doses de cristaux supplémentaires, elle est de plus en plus intelligente, et de ce fait son univers ressemble à un fond d'écran sous Windows XP avec visuels ringards genre ballet de lignes animé. Grâce à son cerveau en expansion, elle peut aussi aller d'Etretat à New York en 6 secondes, explorer tout wikipédia en un seul battement de cil, passer de Times Square aux dinosaures avec un arrêt chez les Indiens et un coucou à l'autre Lucy, celle d'avant les australopithèques. A cette occasion, elle emprunte à Michel-Ange le célèbre toucher de doigt de la Création d'Adam, ce qui donne une profondeur culturelle indéniable à cette œuvre cinématographique déjà illuminée d'une puissante philosophie humaniste.

Enfin, le dénouement approche. Lucy se transforme en bonbeck tentaculaire noir autopropulsé genre clone de Lady Gaga dans Born This Way et absorbe tous les ordinateurs de la Sorbonne devant des types en blouse blanche médusés. Pendant que le Méchant Coréen, totalement imperméable à cet immense bond en avant dans l'évolution de l'espèce humaine, ne pense qu'à la flinguer, car il est vraiment hyper énervé contre elle.

A la fin, Lucy se transforme en clé Usb (le truc d'avant le cloud, mais Besson n'a pas de Mac). Le Coréen est flingué par le cousin de Samy Naceri et Morgan Freeman arbore une mine aussi consternée et navrée que la nôtre. On sort de la séance légèrement gêné à l'idée de rencontrer un collègue de bureau, comme si on s'était livré à une activité dégradante sur laquelle il convient de jeter un voile pudique. Ce film, Lucy… je ne raconterai à personne que je l'ai vu.

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