Pourquoi les califoutraques islamiques sont bien plus dangereux que tous les Al-Qaida et autres groupes terroristes qui les ont précédés<!-- --> | Atlantico.fr
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Faire peur est leur métier

L’État Islamique sème la terreur en Irak en massacrant les minorités religieuses et en imposant sa vision de l'ordre et de la discipline. Il faut dire qu'en matière de méthodes à caractère terroriste, l'histoire regorge d'exemples inspirants pour ces djihadistes que rien n'effraie.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : L'Etat Islamique fait régner la terreur en Irak. La tentation est grande de comparer le Califat à d'autres groupes terroristes qui l'ont précédé. En quoi cette organisation va-t-elle beaucoup plus loin qu'Al-Qaïda, les Talibans ou encore Boko Aram, notamment dans ses méthodes et ses messages ?

Frédéric Encel : Les méthodes sont fondamentalement similaires, barbares. Destructions de tout ce qui relève de la culture, humiliations publiques, spoliations, évictions, mutilations, viols (présentés comme des mariages), et meurtres collectifs. La distinction avec Al Qaïda, par exemple, réside moins dans la quantité d'horreurs perpétrées que dans la perception de l'espace territorial. Al Qaïda a changé plusieurs fois de QG, dissémine ses cellules, frappe universellement et, si possible, simultanément. L'Etat islamique, lui, bâtit des structures étatiques ou modifie celles existantes, et à partir de là conquiert des territoires de façon militaire et tactiquement cohérente, assez classiquement. Je dirais avec prudence qu'Al Qaïda incarne une forme de "trotskisme" de l'islamisme radical - l'imposition du jihad et de la sharia en guise de révolution partout et en même temps -, tandis que l'Etat islamique incarnerait son "stalinisme", avec une consolidation sur un espace bien déterminé (amené à s'étendre évidement) et parfaitement dominé.

Pour ce qui est du message, il se distingue de Boko Haram, pour prendre un autre exemple, en cela qu'il est universaliste, c'est à dire qu'il appelle les musulmans du monde entier à venir le rejoindre. Boko Haram s'ancre plutôt dans un contexte local, comme les GIA algériens naguère.  

L'EIIL perpètre des massacres de chrétiens, yézidis et autres minorités religieuses. Existe-t-il des points communs entre l'approche de l'Etat islamique et celle des nazis vis-à-vis des juifs ?

Sous tous les cieux, les fanatiques cherchent d'abord à "purifier" leur propre espace. Là, les koufar, les renégats, comme les alaouites, ou les mauvais musulmans, tels les chiites, doivent quitter un espace "purifié" par l'Etat islamique. Les non musulmans, comme les chrétiens, doivent se convertir ou partir, et on voit à quel point des communautés perçues comme diaboliques - les Yezidis - sont cruellement martyrisés. Même les musulmans sunnites - et surtout les femmes - n'échappent pas à la vindicte des fanatiques de l'Etat islamique. Il faut toujours faire preuve de prudence avec les comparaisons. Mais il est clair qu'un racisme exacerbé, un antisémitisme forcené, une vraie phallocratie, la volonté d'exterminer des groupes humains entiers du fait de leur naissance, l'impérialisme territorial, une voyoucratie spoliatrice, un système de contrôle totalitaire des individus, et, évidemment, le culte de la personnalité ; oui, tout cela rappelle à l'évidence le nazisme en dépit d'un contexte et d'une matrice idéologique radicalement différents.  

Lors de ces massacres, des Irakiens ont été exécutés publiquement comme l'étaient les victimes des Khmers rouges. Les évacuations de villes entières ont aussi été ordonnées à l'époque de ces derniers. Quels points communs, en termes de discipline et dans la façon de faire régner, constate-t-on avec le califat ?

Vous savez, si les chefs Khmers rouges ont été admis par la Justice internationale comme génocidaires - et condamnés très récemment comme tels pour deux d'entre eux - c'est parce que, outre des milliers de tortures et d'exécutions, ils avaient ôté à des millions de gens les conditions minimales de subsistance alimentaire et d'hygiène. ce ne fut pas sans rappeler le génocide arménien de 1915 perpétré par les Turcs ottomans ; certes, ni les uns ni les autres ne possédaient de chambre à gaz, mais chasser en plein désert, dans la forêt tropicale ou dans des montagnes inhospitalières des milliers de femmes, d'enfants, de vieillards sans moyens de survie sérieux, et/ou en les asservissant sous des travaux épuisants, cela s'appelle perpétrer une politique à caractère génocidaire. Et le fait qu'il y ait eu des rescapés ne change rien à cette réalité morale et juridique.

En revanche, les natures idéologiques des deux pouvoirs fanatiques, là encore, n'ont aucun rapport. 

En quoi ces emprunts, conscients ou non, aux pires méthodes des entreprises de terreur de l'histoire font-elles de l'Etat islamique un adversaire particulièrement difficile à abattre ? S'agit de l'organisation terroriste la plus redoutable jamais créée ?

En un sens, oui, car elle combine le fanatisme absolu de ses membres, prêts à se suicider dans des attentats "kamikazes", des moyens financiers et militaires considérables grâce au pillage et un soutien direct et indirect du Qatar (ainsi que l'effondrement de l'armée irakienne), et un nombre assez considérable de combattants, une vingtaine de milliers sans doute. Heureusement, soit par hostilité identitaire ou religieuse, soit par crainte de ce régime chaotique et assassin, presque tous les Etats de la région - à commencer par les Etats arabes - et la totalité des grandes puissances, souhaitent s'y opposer. N'en déplaise aux "idiots utiles" complaisants de l'islamisme radical en France, il faut en effet combattre énergiquement ce nouveau totalitarisme, non seulement pour soutenir les musulmans qui le rejettent dans leur grande majorité, mais aussi pour préserver les valeurs essentielles de la civilisation.

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