Pénurie d’imams made in France : les racines d’un problème qui dépasse la communauté musulmane<!-- --> | Atlantico.fr
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On estime à 1500 le nombre d'imams français dont moins de 20 % ont la nationalité française.
On estime à 1500 le nombre d'imams français dont moins de 20 % ont la nationalité française.
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Crise de foi

Le Ramadan en a été la preuve : il existe très peu d'imams français, trop peu pour le nombre de musulmans présents en France. En cause : à l'instar de nombreuses autres religions, une crise de vocation et une individualisation de la prière.

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l'Institut d'Études Politiques de Lyon (IEP)

Il est aussi chercheur au Triangle, UMR 5206, Action, Discours, Pensée politique et économique à Lyon et chercheur associé à l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique (ORCRA), Centre d'Études des Religions (CER), UFR des Civilisations,Religions, Arts et Communication (CRAC), Université Gaston-Berger, Saint-Louis du Sénégal.

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Atlantico : Chaque année, à l'occasion du Ramadan, des imams étrangers viennent en renfort en France. Et pour cause, on estime à 1500 le nombre d'imams (toutes catégories confondues, à savoir les imams fixes et à temps partiels), dont moins de 20 % ont la nationalité française. Quelles sont les raisons de cette pénurie d'imams français ? 

Haoues Seniguer : Il est vrai que la période du mois de Ramadan est propice pour prendre tout à fait la mesure du niveau de pénurie d’imams français. Plusieurs causes peuvent expliquer cette faiblesse. Pour ma part, j’en vois au moins deux, qui sont non exhaustives : d’une part, les associations culturelles et/ou confessionnelles musulmanes n’ont pas forcément l’assise matérielle suffisante pour attirer à elles des fidèles désireux de s’engager dans l’imamat. D’autre part, l’individualisation du croire, à l’heure de la mondialisation, entraîne ou exacerbe une crise de vocation chez les musulmans qui refusent ainsi de s’engager dans une activité de direction du culte peu rémunatrice, alors qu’elle est éminemment contraignante, dans la mesure où le volume d’activités à la mosquée peut être relativement important et chronophage : de l’animation des cinq prières quotidiennes au prêche du vendredi, en passant par des cours hebdomadaires ou encore d’autres offices ou responsabilités diverses et variées à assumer dans le cadre de la fonction.

Pourtant en 1995, on estimait à 800 le nombre d'imams en France. Cette pénurie peut-elle être également due à une augmentation du nombre de croyants en France ?

Précisément, l’augmentation probable du nombre des observants n’a pas obligatoirement correspondu à une augmentation sensible du nombre d’imams. Bien au contraire, de nombreux lieux de culte n’ont pas d’imams attitrés et rétribués, ce qui n’est pas sans créer des conflits et problèmes organisationnels internes.  

L'imamat faisant de moins en moins d'adeptes, peut-on parler pour autant de crise de la vocation en France ?

La question que vous soulevez est cardinale. Il m’est avis  que l’islam traverse précisément les mêmes soubresauts que d’autres cultes, tel le catholicisme, pour lequel on parle également souvent, à tort ou à raison, de crise de vocation. Peu de musulmans sont effectivement enthousiastes à l’idée de devenir imam, compte tenu des contraintes signalées plus haut. Au fond, la religion musulmane, pour paraphraser l’islamologue Bruno Etienne, est « anormalement normale »…

On voit par ailleurs émerger de plus en plus d'imams "auto-proclamés", c'est-à-dire des croyants qui se portent volontaires pour faire le prêche. Etant donné que la plupart ont un travail à côté, plusieurs personnes servent d'imams à tour de rôle.

Comment se déroule la formation d'un imam ? Les instituts de formation de sont-ils à remettre en cause concernant l'absence d'imams en France ?

Il n’y a pas forcément de parcours type. Cependant, l’une des institutions phares de formation des imams en France est l’IESH (Institut Européen des Sciences Humaines) de Château-Chinon dans la Nièvre, qui évolue dans le giron de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF). L’enseignement, de facture relativement orthodoxe, y est très influencé par les idées des Frères musulmans. Aussi, s’il n’existe pas d’instituts de formation d’imams en grand nombre sur le territoire national, et donc une offre multiple, peut-être est-ce tout simplement dû à la faiblesse de la demande. Je le répète, rares sont les musulmans qui ont l’envie de devenir des représentants du culte. Cette activité est loin d’être attractive.

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