Chômage : cadres, employés, ouvriers, à votre avis qui paie la crise au prix fort (et encore plus qu’auparavant) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chômage progresse toujours en France
Le chômage progresse toujours en France
©Reuters/Charles Platiau

Deux poids deux mesures

Alors que le nombre de chômeurs vient de battre un nouveau record, cette hausse n'impacte pas la population de la même façon. Car si le chômage est régulièrement abordé par le biais des classes d'âge, les divergences sont encore plus lourdes en termes de catégories sociales : 20,4% des ouvriers n'avaient pas de travail, pour seulement 3,7% des cadres en 2012.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Il est coutumier d’aborder les chiffres du chômage en fonction des classes d’âge de la population ; le chômage des jeunes, le chômage des seniors etc… Et le gouvernement s’est en effet emparé de cette approche afin de cibler les catégories les plus impactées, en l’occurrence les jeunes, pour tenter de lutter contre la marée montante. Cependant, bien que cet angle soit valide, il a tendance à masquer une autre réalité qui est celle du chômage décomposé par catégories socioprofessionnelles.

Car L’INSEE offre la possibilité de comparer l’évolution du taux de chômage par un biais social, dont voici le détail. Pour l’année 2012, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, 3.7% des cadres étaient au chômage, contre 10.3% des employés et 14.4% des ouvriers. Pour les ouvriers non qualifiés, les chiffres explosent à 20.4%. Soit plus du double que pour l’ensemble de la population (9.8% en 2012). Sans réelle surprise, le chômage touche en premier lieu et dans sa plus grande proportion les moins qualifiés. Les chiffres retenus datent de 2012 et accusent ainsi en retard de 18 mois par rapport à la situation actuelle.

2012. INSEE. Taux de chômage par catégorie socioprofessionnelle

>>>Cliquez ici pour agrandir le graphique

Le contexte de crise que connaît le pays depuis 2008 permet de représenter avec une certaine précision l’impact récessif sur chacune des catégories mentionnées. En 2008, Les cadres bénéficiaient d’un taux de chômage de 3%, traduisant une situation de plein emploi. Ainsi, ce chiffre n’a que peu évolué au cours des dernières années pour atteindre les 3.7% annoncés pour 2012. Soit une progression de 0.7 points. De leur côté, les ouvriers accusent une hausse de chômage de 4.2 points, le taux passant de 10.2% en 2008 à 14.4% en 2014. Pour les ouvriers non qualifiés, cette progression est foudroyante et voit le taux de chômage passer de 15.4% à 20.4%, soit 5 points de hausse.

Le bon sens permettrait de prétexter que la France compte bien plus d’ouvriers que de cadres, ce qui viendrait expliquer cette situation, mais cela n’est simplement pas le cas. En 2010, la France comptait 4.4 millions d’ouvriers ayant un emploi, pour 3.5 millions de cadres dans la même situation. Soit 25% d’écart. En 2010 toujours, 847 000 ouvriers étaient alors au chômage, contre 175 000 cadres. Soit 485% d’écart ou 385% à mesures comparables.

Ainsi, un ouvrier a environ 4 fois plus de risques d’être au chômage qu’un cadre. Il est également à noter que malgré une baisse de 10% de la population ouvrière entre 1999 et 2010, soit environ 500 000 personnes, celle-ci n’a pas permis de faire chuter le niveau de chômage de la catégorie. Et la crise ne va en rien modifier cette tendance de fond. Depuis l’entrée en crise en 2008 et à population égale, lorsqu’un cadre s’inscrit à pôle emploi ce sont près de 4 ouvriers qui sont allés le rejoindre. (50 000 cadres pour 235 000 ouvriers entre 2008 et 2012 en données brutes)

Les ouvriers, et plus strictement les ouvriers non qualifiés sont ainsi les premières victimes de la crise. Et sur le marché de l’emploi, les conditions offertes aux moins qualifiés qu’ils soient employés ou ouvriers divergent également, et assez nettement de la moyenne.

En effet, alors que 84% de l’ensemble des salariés travaillent à temps complet, seuls 68% des moins qualifiés en font de même. (Enquête Insee 2008) Et pour 13% d’entre eux, ce temps partiel est contraint, c’est-à-dire que ces personnes souhaiteraient travailler plus d’heures qu’elles ne le font. Ce qui n’est rien d’autre qu’une partie de la définition du sous-emploi. A titre de comparaison, le temps partiel contraint ne touche que 2% des cadres. Une contrainte qui aboutit à une divergence en termes d’heures travaillées car les moins qualifiés ne travaillent dès lors que 37.7 heures par semaine contre 39.1 pour l’ensemble des salariés.

Moins d’heures et un salaire horaire moins élevé qui ont pour effet de voir le niveau de revenus des moins qualifiés décrocher lourdement. Les revenus des personnes les moins qualifiés sont ainsi de 44% inférieurs à la moyenne de l’ensemble des salariés. Les contextes familiaux et les prestations sociales permettent d’atténuer cet écart à 24% en termes de niveau de vie. Et ces chiffres datent d’avant crise.

Pour chercher à déterminer qui "paye" la crise en France, il suffit de se tourner vers les ouvriers. Bien que l’impact soit aujourd’hui perceptible dans l’ensemble de la société, ce sont bien les plus modestes et les moins qualifiés qui en payent le plus lourd tribut.

Voilà pourquoi il est fréquent d’entendre un déni de crise, lorsque certains commentaires font état de taux de remplissage record dans les stations de ski. La crise, quelle crise ? Les ouvriers non qualifiés ne partaient pas au ski avant la crise, ils ne partent pas davantage aujourd’hui.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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