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Pourquoi l'essayiste Jeremy Rifkin se trompe lorsqu'il prévoit la fin du capitalisme
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Le buzz du biz

Dans son dernier livre "The zero marginal cost society", l’auteur américain annonce, en toute simplicité, la fin du capitalisme. Décryptage comme chaque semaine dans votre chronique du "buzz du biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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L’art divinatoire prend, dans l’Histoire, des formes différentes. Déjà, dans l’Antiquité grecque, la Pithye rendait des oracles, pouvant prédire ce qui adviendrait. A l’époque moderne, le "futurologue", le "prospectiviste" et le chroniqueur devin l’ont remplacée. Jeremy Rifkin est l’un d’eux.

L’auteur américain est connu pour avoir prédit la fin du travail et pour sa volonté de faire du Nord-Pas-de-Calais la région pionnière de la transition énergétique dans le monde (si si). Dans son dernier livre (The zero marginal cost society), il annonce, en toute simplicité, la fin du capitalisme. Selon lui, l’économie du partage, les technologies de l’information et l’imprimante 3D annoncent la fin d’une société fondée sur l’échange commercial et surtout la disparition d’une économie reposant sur les coûts marginaux (selon laquelle c’est le coût de production d’une unité supplémentaire qui importe).

Evidemment, chacun ressent que le numérique est en train de bouleverser l’ensemble de nos habitudes de vie. L’information est accessible en quantité infinie en quelques secondes, les objets sont connectés, etc. Le constat ne fait pas vraiment débat ; les conclusions sont moins certaines.

Rien n’indique en effet que le fondement de l’économie capitaliste, le capital, devrait disparaître prochainement. Cette notion juridique et économique si particulière, qui permet de valoriser le potentiel d’un bien (comme l’expliquait Hernando de Soto dans Le mystère du capital), continuera a priori de définir la valeur matérielle ou immatérielle. Un logiciel comme une automobile connectée s’échangeront et s’apprécieront à l’aune de cette référence…

Surtout, ce qu’on observe aujourd’hui n’est pas tant un dépérissement du capitalisme qu’un élargissement du marché à un nombre toujours croissant d’activités humaines. Quand je loue une chambre inoccupée sur AirBnB ou que je monnaie la place de voiture vide à un inconnu sur Blablacar, je valorise un service qui, jusqu’à présent était en dehors du marché. Quand je propose mes services professionnels pour gagner un peu plus d’argent, je donne une nouvelle rentabilité à mon temps libre. Quand je revends, à moindre coût, un produit inutilisé, je trouve une seconde valeur économique à un bien qui, autrefois, aurait fini au fond d’une poubelle. L’économie du partage (sharing economy) a beau se parer d’atours marketing sociaux et ajouter "durable" à la fin de chacune de ses phrases, elle n’en reste pas moins un formidable renouvellement de la dynamique du marché !

Cela doit nous conduire, d’ailleurs, à bien peser l’importance de la révolution numérique. Internet est-il une si grande révolution ? Le débat n’est pas si évident et il divise les économistes aux Etats-Unis qui s’interrogent sur l’avenir de la croissance et de l’emploi : il oppose des Robert Gordon, Tyler Cowen ouJan Vijg qui s’inquiètent de la fin de l’innovation à un auteur comme Erik Brynjolfsson qui lui se félicite de l’accélération de la créativité contemporaine… Là où les uns craignent la fin de la croissance, les autres applaudissent son accélération à venir, en se divisant précisément sur l’influence du numérique.

Une bonne illustration est celle de l’éducation : les MOOCs avaient été annoncés comme une révolution majeure. Il se dessine en réalité progressivement que l’éducation numérique devrait prendre sa place, à côté et en symbiose avec un enseignement dispensé dans une relation humaine directe. Pour l’Education nationale, si rigide, c’est une révolution, mais le numérique ne remplacera pas l’humain. Il le complète. Il le rend plus efficace.

Ce qui se dessine dans de nombreux secteurs ressemble à cette dynamique : celle d’un outil numérique qui rationalise et rend plus efficace des processus traditionnels, qui prendra une place croissante, mais qui ne remplace pas la relation humaine de face à face. Confrontée à la concurrence, celle-ci subit d’ailleurs un double phénomène bénéfique : d’abord elle devient plus efficace, ensuite elle prend une valeur supplémentaire. Dans une stratégie de distinction par la qualité, l’heure de temps passée avec une autre personne (au coût marginal non nul) vaudra toujours plus. Par un paradoxe étonnant, Internet donne une nouvelle valeur économique à la relation humaine, au capital humain. Il redonne une vie au capitalisme…

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