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Loi "anti-Amazon" ou VTC : quand les députés privilégient leur confort électoral à l'intérêt général
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Le buzz du biz

Les députés ont pris pour habitude de voter des lois visant à satisfaire l'ensemble de leur électorat plutôt que de servir l'intérêt général, ce qui n'est pas sans conséquence sur l'évolution de l'économie et de la société française.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Les responsables politiques savent que la vie parlementaire est un jeu de négociations : chacun se doit d’assumer un rôle, de grossir le trait à la façon d’un acteur de théâtre, de prendre des positions factices pour contenter son public. Le spectacle hebdomadaire des questions au gouvernement en donne un exemple. Le phénomène peut cependant également s’apprécier dans quelques textes adoptés par le parlement, qui visent, d’une certaine façon, à abuser la confiance des électeurs …  La loi "anti-Amazon" en est la meilleure illustration récente.

Le 10 juillet dernier a été publiée au Journal officiella loi n°2014-779, soutenue par l’opposition et la majorité, en décalage complet avec la réalité de l’économie numérique et des pratiques de consommation actuelles (voir les débats). Ce texte interdit aux distributeurs de livres en ligne (comme Amazon ou la FNAC) de cumuler, dans leurs offres aux clients, la réduction de 5 % du prix du livre et la gratuité des frais de port.

Le jour même de l’entrée en vigueur de la loi, la FNAC et Amazon ont annoncé qu’ils factureraient en conséquence les frais de port… pour 1 centime d’euro – ce qui, formellement, est un respect strict du texte.

Quiconque suivait un peu l’affaire et faisait un minimum d’effort intellectuel pouvait prévoi rcette issue. Dès lors, il n’y a visiblement que deux explications au caractère totalement inopérant de cette loi. La première, c’est que personne au gouvernement ni au parlement n’a été capable d’imaginer ce qui allait arriver ; ce qui serait terriblement inquiétant. La seconde hypothèse, c’est qu’au contraire, tout le monde savait exactement ce qui passerait…

Le jeu de dupes est simple.

D’un côté, nos responsables politiques ont vu l’opportunité de se refaire une popularité culturelle à peu de frais : pour satisfaire les libraires, inquiets de la concurrence du numérique, ils se sont "saisis du sujet" et ont pu afficher partout, à coups de nobles déclarations de principe, leur attachement au commerce traditionnel qui fait la richesse culturelle de la France – tapant au passage sur les méchants géants du net ; ça ne me mange pas de pain.

De l’autre, nos élus ont adopté un texte qui pourrait être aisément et rapidement contourné, à moindre coût : de cette façon, ils ont évitéde se mettre à dos des entreprises puissantes, appréciées des consommateurs, donc l’une (la FNAC) est même devenue une quasi institution française.

La loi adoptée (et aussitôt contournée), nos responsables n’ont plus qu’à rappeler qu’ils ont fait preuve de bonne volonté et à déplorer le manque de civisme des Américains. Politiquement, l’opération est "tout bénéf" !

La même stratégie avait été mise en œuvre, pendant l’hiver dernier, lorsque le gouvernement avait proposé de contraindre les VTC à attendre 15 minutes entre la commande d’un client et sa prise en charge. A l’époque, les VTC avaient fini par accepter, sachant le contrôle de la mesure absolument impossible en pratique. Plus rapide que les libraires, les représentants des taxis avaient cependant fait blocage.

Ce détournement de la procédure législative est inquiétant. Il contribue probablement à affaiblir la confiance envers les responsables politiques et entretient l’idée de leur impuissance. Surtout, il conduit à nourrir de dangereuses illusions. Au lieu d’assumer que les évolutions économiques et technologiques imposent des transitions parfois douloureuses, nos élus font croire à tout un ensemble de professions protégées que les forteresses du 20e siècle sont toujours valables – alors qu’en réalité elles s’écroulent. Au lieu de les encourager à innover et se transformer, ils les précipitent par confort électoral vers une mort certaine.

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