100 millions de dollars pour BlaBlaCar : ce que vous gagnerez à ne pas louper le train du co-voiturage<!-- --> | Atlantico.fr
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Le site Blablacar compte 8 millions d'utilisateurs.
Le site Blablacar compte 8 millions d'utilisateurs.
©D.R.

Tous en voiture avec Simone

Blablacar, principal site de covoiturage, réunit 8 millions d'utilisateurs dans 12 pays. Outre son prix, y a a t-il d'autres avantages à utiliser ce moyen de transport ? Reproduit-il les trajets des réseaux ferroviaires ou permet-il de relier des villes qui ne l'étaient pas jusque là ?

Christophe Benavent

Christophe Benavent

Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.

Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.

Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.

 

Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai  2016 (FYP editions). 

 
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Atlantico : Le site Blablacar compte 8 millions d'utilisateurs dans douze pays et vient de lever 100 millions pour conquérir l'Europe.  Le site a développé un moyen de transport aujourd'hui connu de tous : le covoiturage. Que permet le covoiturage sur de longues distances ? Est-il plus intéressant que de passer par d'autres moyens de transport ?

Christophe Benavent : C'est aux passagers de Blablacar qu'il faut poser la question, mais quelques essais sur la plateforme montrent très rapidement que les prix proposés sont de l'ordre de moitié des offres ordinaires pour le train. C'est très clairement une alternative en terme de prix, une alternative tout court pour des trajets de quelques heures. Pour le reste le confort est incertain, comme la disponibilité.

Le site met en avant l'avantage de connecter des villes qui ne l'étaient avant, est-ce justifié? Est-ce la principale force du site ?

C'est tout à fait justifié. Si on examine les données de recherche que Google Trends met à disposition, outre la croissance exponentielle des requêtes sur la marque "blablacar", on s'aperçoit qu'elles sont naturellement plus nombreuses en Bretagne dans le Sud-Ouest et dans le Centre. Manifestement là où le TGV est moins présent. Sans compter les transversales. A ce titre c'est clairement un moyen de transport plus complémentaire que substitutif.

Le covoiturage traverse t-il les classes sociales ? Est-il un moyen de réunir des personnes, qui jusque là n'entraient pas en contact ?

Une étude plus précise est nécessaire mais on peut au moins remarquer que deux populations interagissent : les conducteurs et les passagers. Les premiers pour une bonne partie sont relativement plus âgés. Un tel système permet en effet à des personnes qui pour des motifs de travail ou d'autres sont amenées à circuler souvent, de faire de sérieuses économies sur leur frais de déplacements, mais aussi à rompre la monotonie de la route par la conversation. Sur l'autre versant du marché, il y a ceux pour qui le prix du transport est considérable - pensons aux étudiants, mais il n'y a pas qu'eux, et qui sont sans doute beaucoup plus jeune. Le point intéressant est que la construction de ce type de service génère un certain brassage social. Est-ce un moyen pour autant de réunir des personnes qui ne se côtoyaient pas? Cela n'est pas le but, même si pour les habitués, la rencontre de nouvelles personnes, le temps d'un voyage, peut être une motivation et surtout une gratification.  Sur les trajets plus courts, et plus réguliers, il y a toutes les raisons de penser que de micro-réseaux se forment et que ces usagers se contactent par la suite de manière directe sans passer par la plateforme. Il y a très certainement une sorte d'évaporation pour la plateforme. Mais pour l'instant elle doit être marginale.

Quelles autres innovations peut-on imaginer dans le secteur du covoiturage ?

Il n'y a pas besoin de les imaginer, elles sont déjà là. Je pense d'abord à un modèle tel que carflight qui offre le même type de service aux US mais centré sur les aéroports et qui permet pratiquement de s'affranchir des coûts de parking  et de location de voiture : en atterrissant on prend la voiture d'un autre. La location entre particuliers émerge, elle satisfait sans doute des distances plus courtes. Quant aux solutions à imaginer, avec la voiture électrique, des modèles qui emprunteraient aux relais de poste pourraient bien voir le jour. Le réseau super-chargé en donne une indication partielle. N'oublions pas l'autolib qui va vers le succès. L'étonnant est finalement la prolifération inattendue des modèles de transport à base de voiture qui multiplient les modalités d'usages : propriété privée ou socialisée, partage de transport, prêt et location.  Sans compter enfin le covoiturage instantané qui émergera quand une taille critique sera atteinte : celle qui permettra que dans un rayon d'accès de quelques minutes, on puisse trouver un transport dans la direction que l'on souhaite.

Les autres sociétés de transports doivent-elles craindre le covoiturage ? Leur chiffre d'affaire est-il en baisse ? Est-ce que l’émergence de ces nouveaux moyens de transports à travers l’Europe va t-elle entraîner une baisse des prix des autres moyens de transports ?

C'est à ce jour encore difficile à mesurer de manière générale, le phénomène blablacar n'a explosé que depuis l'été dernier, la menace reste encore marginale mais peut devenir significative sur certains segments. A l'évidence les offres à très bas prix qui doivent être réservées des semaines à l'avance sont caduques quand sur cette plateforme il suffit de réserver la veille. Mais à moyen terme c'est plutôt la complémentarité qui devraient jouer. Les grands acteurs ont pris conscience du phénomène et risquent vraisemblablement de jouer la carte de la multimodalité, qu'en un mot on peut appeler la stratégie du Hub.
Quant au prix, l'évolution dépendra justement des stratégies. D'une part il peut y avoir une réaction frontale qui passe par la multiplication des offres promotionnelles et qui peut aboutir à une baisse effective des prix moyens payés. Mais c'est difficile d'y croire car elle entraînerait aussi une baisse des marges, et cela ne peut se faire que si les capacités des transporteurs sont sous-utilisées. Ce n'est plus le cas, contrairement à ce que l'on pense, le trafic de la SNCF est bien géré : les TGV sont souvent pleins. La réponse la plus naturelle est que les transporteurs créent ou achètent ces sociétés pour développer avec ce moyen un marché du low cost.   Dans ce cas là c'est plus un accroissement des différences de prix qu'une évolution des prix moyens qui sera observé. Dans le scénario le plus sophistiqué, celui des stratégies de Hub, c'est la nature même des prix qui sera affectée. Il ne s'agit plus de raisonner en terme de prix du trajet, qu'en terme de prix complet porte à porte. Dans tout les cas, c'est à un mouvement de fragmentation et de segmentation de l'offre auquel nous allons assister.

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