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Dégoutant, pêchés par des esclaves : êtes-vous conscients que vous mangez sans le savoir du poisson poubelle ?
©DR

Beurk

Pêchés en Thaïlande par des esclaves dans des conditions épouvantables, les poissons de rebut - des poissons à très faible valeur marchande - se retrouveraient finalement sur les étagères de nos supermarchés. C'est ce qu'a révélé une enquête menée par l'ONG britannique Environmental Justice Foundation (EJF).

Steve Trent

Steve Trent

Steve Trent est le Directeur et co-fondateur de l'EJF - Environmental Justice Foundation. Il a par ailleurs oeuvré pendant 25 ans pour protéger l'environnement et défendre les droits humains par le biais de nombreux projets et campagnes dans plus de 20 pays.

 
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Atlantico : Selon une étude menée par EJF – Environmental Justice Foundation, des bateaux de pêche thaïlandais auraient recruté des esclaves afin de pêcher des "trash fish", des poissons de rebut. Qui sont ces esclaves ? Dans quelles conditions vivent-ils ?

Steve Trent : Il y a effectivement un véritable trafic d'esclaves venant principalement des pays frontaliers, et plus précisément de Birmanie, du Cambodge et du Laos. L'industrie de la pêche en Thaïlande compte environ 650 000 travailleurs. Près de 90 % d'entre eux viennent des pays voisins et la plupart sont issus d'un trafic illégal en Thaïlande. Ces travailleurs, recherchant désespérément du travail, sont les plus enclins à finir en esclave sur ces bateaux de pêche. Les conditions à bord sont plus que désastreuses. L'usage de la coercition et de la violence est quotidien. Certains d'entre eux sont même parfois tués, puis jetés par-dessus bord.

Qu'appelle-t-on "trash fish" ? Pourquoi les désigne-t-on ainsi ?

"Trash fish" ou poisson de rebut est le terme commun utilisé pour désigner les petites espèces de poissons, souvent juvéniles, ayant une faible valeur marchande. Ils font le plus souvent partie des pêches accessoires des chalutiers et n'ont aucun marché spécifique. On les rejette généralement en mer mais ils sont de plus en plus utilisés dans la plupart des chaines d'approvisionnement de grands magasins européens. Soit directement, dans la nourriture consommable par l'homme, soit indirectement, comme nourriture pour bétail.

Toujours selon EJF, ces poissons de rebut sont revendus dans les grands magasins européens. Dans quels produits plus précisément peut-on les retrouver ?

Les poissons de rebuts entrent sur le marché européen principalement au début de la chaine d'approvisionnement des grands magasins. Ils sont souvent donnés en pâture dans des fermes d'élevage de crevettes ou de poulets. On les retrouve également dans la chaine de fabrication d'autres produits à bas coûts tels que la nourriture pour animaux de compagnie ou les sauces chinoises.

Comment peut-on expliquer la présence de ce type de poissons au sein des chaines d'approvisionnement ? Quelles mesures les gouvernements européens vont-ils être amenés à prendre après la révélation d'EJF ?

A priori, ce scandale n'a jamais été un secret pour personne au sein de l'industrie du détail européen. On a jusqu'à présent toléré cet approvisionnement en poissons de rebut car il a permis la production à bas coût de produits à haute valeur marchande, tels que les crevettes. Cependant, la plupart des gouvernements européens et des fournisseurs en produits de la mer ont fermé les yeux jusqu'à la publication de l'enquête sur le véritable coût de production de ces produits. Et je ne parle pas uniquement des violences infligées aux travailleurs sur les bateaux mais également de l'échec d'une gestion efficace de la pêche ainsi que l'utilisation de techniques de pêche dévastatrices pour l'environnement, donnant corps à des produits non durables.

Le gouvernement thaïlandais était-il au courant avant cette enquête ? Va-t-il prendre des mesures pour contrer ces abus ? Lesquelles ?

Selon moi, le gouvernement thaïlandais a toujours été au courant de ces déviances. De nombreuses organisations et institutions en ont parlé par le passé. Le Département d'Etat américain a même rétrogradé la position de la Thaïlande sur leur liste annuelle de veille de catégorie 2, soit celle concernant la traite d'hommes, durant trois années consécutives en raison de ces abus. D'autres organisations locales, nationales ou internationales, comme l'OIT – organisation internationale du travail – ou l'EJF, ont apporté maintes et maintes fois des preuves afin d'alerter la communauté internationale.

Propos recueillis par Clémence de Ligny

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