Pourquoi le 1er pape venu d’ailleurs a un vrai problème avec l’Europe (et réciproquement)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Pape François.
Le Pape François.
©Reuters

Condamnés à s'entendre

L'Europe est "fatiguée", elle a "renié ses racines", il faut donc lui donner un nouveau souffle. En visite dans la communauté religieuse de Sant’Egidio à Rome, le pape François n'a pas manqué de mots durs pour décrire sa vision du vieux continent.

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc est un philosophe, journaliste et essayiste catholique. 

Il est éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame.

Il est l'auteur de l'Abécédaire du temps présent (chroniques de la modernité ambiante), (L'œuvre éditions, 2011). 

 

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Atlantico : Le pape "du bout du monde" a fait une sortie remarquée contre l’Europe, en disant de cette dernière qu’elle était « fatiguée », et qu’il était nécessaire de l’aider à "retrouver ses racines". Ce ton extrêmement dur n’est-il pas surprenant, pour un pape ?

Gérard Leclerc : Non, le ton employé n’est pas surprenant venant du pape François, qui a l’habitude de ne pas mâcher ses mots et affectionne ces interventions intempestives. Il a le sens de la formule, un peu rude à l’égard de ses propres frères de l’épiscopat. Il surprend, et il est vrai qu’il peut effaroucher l’opinion par des déclarations tonitruantes, destinées à réveiller ses contemporains.

Cette préoccupation du retour aux racines chrétiennes était également celle de Benoît XVI, mais François lui donne une plus grande visibilité avec ses déclarations très directes. Pensez-vous que cette manière de procéder soit la bonne ?

Elle est caractéristique de ce pape-là. Ce leitmotiv était déjà celui de Jean-Paul II, qui avait un tempérament différent aussi. Il était très médiatique et ses prises de position étaient largement répercutées dans le monde. Il me semble qu’avec Benoit XVI nous avons assisté à l’intermède d’un sage, puis que nous sommes revenus à un style de gouvernement et d’intervention beaucoup plus offensif. Il fait montre de cette attitude  sur tous les terrains, il n’a pas peur d’agir, d’aller manifester dans les rues de Rome avec des pro-vies. Cela ne s’était jamais vu avant ! Il a aussi visité l’île de Lampedusa, avec des propos d’une extrême netteté.

Du temps où il était cardinal de Buenos Aires, il se rendait assez peu au Vatican. Le contraste entre le scepticisme européen et la ferveur catholique à laquelle il était habitué en Amérique latine  a-t-il pu le pousser à une certaine forme d’exaspération ?

Cela me semble vraisemblable. J’ajouterai qu’il est d’autant plus touché par ce contraste qu’il est descendant d’immigrants venus d’Italie. C’est cette conjonction d’éléments qui fait que le pape est particulièrement sensible à ce contraste. Dans le même temps, il est très affecté par un affaissement spirituel et démographique de l’Europe, et toutes les conséquences que cela implique pour le rôle de l’Europe dans le monde. Voilà ce qui explique l’attitude de cet héritier de l’Europe qui est en même temps partie prenante du dynamisme de la population jeune d’Amérique latine.

Les réformes sociétales sur la famille dans plusieurs pays européens, dont la France, ont-elles contribué à ce mouvement d’humeur ?

Le pape est très sensible à ces questions. Il a reçu récemment la présidente de la Manif pour tous, Ludivine de la Rochère, qui a pu se rendre compte qu’il était très partie prenante de ce combat. La désagrégation de la famille et les dérives culturelles constituent des marqueurs fondamentaux pour le pape.

Qu’en est-il des relations de François avec le clergé européen ? Sont-elles différentes de celles qu’il entretient avec les clergés des autres continents ?

Après un peu plus d’un an de pontificat, il n’a pas pu prendre position sur tous les dossiers. Mais il est évicent qu’il ne peut pas ne pas être affligé par la déshérence spirituelle actuelle, qui n’est pas aidée par le vieillissement du clergé européen. Il se dit qu’il faut rappeler l’Europe à sa vocation spirituelle, et il n’est pas homme à baisser les bras. Dans cette perspective, il constate que le clergé est vieillissant, et qu’en même temps celui-ci est composé de forces jeunes, encore minoritaires.

Le clergé ne manquera pas d’être marqué par le style de ce pape. Son énergie est incroyable pour son âge ; il se prépare à des voyages en Albanie, en Corée… Il est tous les jours sur le terrain. Ce style inspirera le clergé européen, et au-delà.

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