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Prise d'otage de la Confédération paysanne : beaucoup de bruit pour (presque) rien
©Capture d'écran

Tour de force

Philippe Vinçon, le conseiller agriculture de François Hollande retenu à Rodez par des membres de la Confédération paysanne, a finalement été libéré en début d'après-midi ce 30 mai.

Le coup de force, c’est payant, il suffit d’être du bon côté. Ce vendredi 30 mai, des "syndicalistes" de la Confédération paysanne n’ont pas trouvé de meilleur moyen que la prise d’otage pour réclamer l’intervention gouvernementale sur une décision de justice. Une technique déjà éprouvée avec succès lors de l’occupation des locaux du Gnis (groupement interprofessionnel des semences), en janvier dernier (il s’agissait alors d’influencer un texte de loi sur les semences).

Ainsi, Philippe Vinçon, conseiller "agriculture" à l’Elysée, s’est-il trouvé retenu dans un bureau à Rodez, alors qu’il y était pour accompagner le Président de la République pour l’inauguration du musée Pierre Soulages (au passage sans rapport avec l’agriculture donc). Et que s’est-il passé ? Cette fois, la décision de justice à influencer se déroulait simultanément à Amiens… Et elle a conclu à la libération immédiate de quatre vandales présumés, adhérents de la Confédération paysanne, auteurs d’exactions quelques jours plus tôt sur le site de la ferme dite des "mille vaches".

Plusieurs questions se posent. D’abord, quel est le lien réel entre les deux événements, l’enlèvement à Rodez et la séance du tribunal d’Amiens, deux villes distantes de 620 kilomètres à vol d’oiseau ? Dès l’annonce, à Amiens, de la libération des quatre vandales présumés, Philippe Vinçon a été libéré à Rodez, et Stéphane Le Foll s’est empressé de déclarer qu’il n’allait pas porter plainte pour cet enlèvement. La décision de justice prise à Amiens l’a-t-elle été en toute indépendance ? Ou en considération des éléments extérieurs, lointains, à Rodez ?

Ensuite, on note une grande différence de traitement entre deux genres de manifestants qui sont allés trop loin dans la violence. Cas n°1 : des Bonnets Rouges, ayant manifesté pour éviter d’être obligés de mettre la clé sous la porte du fait de l’accumulation des règlements et des taxes (la fameuse écotaxe a été la goutte qui a fait déborder le container), risquent 10 ans de prison pour les dégradations qu’ils ont occasionné. Cas n°2 : les syndicalistes de la Confédération paysanne, qui ont eux essayé d’empêcher une activité (celle de la ferme des 1000 vaches) sans avoir rien à défendre pour leur compte dans l’affaire, vont donc comparaitre libres pour "actes de vandalisme". Attention, il ne s’agit pas ici de sous-entendre que les Bonnets Rouges ont eu raison d’aller jusqu’à l’action violente, mais le constat de cette répression aussi sévère d’un côté (et n’oublions pas l’ampleur de la réponse policière au moment des faits, avec plusieurs blessés graves, notamment un manifestant amputé d’une main), que laxiste de l’autre fait s’interroger quant à l’égalité de traitement que les citoyens français sont en droit de demander… Sans parler de l’absence de poursuites pour la prise d’otages.

Concernant la ferme des 1000 vaches, il s’agit projet privé qui ne remet absolument pas en cause le modèle agricole français, d’autant qu’elle est installée en lieu et place d’un champ céréalier. Beaucoup d’amalgames sont brandis ; mais en l’occurrence, l’objectif est de profiter du fait que l’Union européenne abandonne le système des quotas laitiers en 2015 pour produire plus de lait, alors que la demande mondiale s’amplifie au même moment, au point d’avoir tout récemment dépassé l’offre. La poudre de lait qui serait alors exportée en Chine (par exemple, pour citer un pays demandeur prêt à payer plus cher que le marché, sans connaître les carnets de commande de l’éleveur qui met en place cette ferme des mille vaches) ne viendrait donc pas en concurrence avec nos fromages de terroir. Le modèle "à la française" peut perdurer, sans que pour autant l’on remette en cause des projets innovants visant à améliorer la balance commerciale nationale et à créer des emplois. D’autant que la modernité des lieux préservent les normes du bien-être animal, comme de nombreux éleveurs québécois en témoignent régulièrement sur les réseaux sociaux. Les seules questions sensées qui se posent par rapport à la ferme des 1000 vaches sont d’ordre environnemental par rapport aux riverains. Pour cela, comme pour tout nouveau bâtiment d’élevage, il y a un cahier des charges, des contrôles de spécialistes… Il est normal que les riverains s’inquiètent, il s’agit donc de les rassurer avec une bonne application de normes appropriées pour qu’ils ne souffrent pas de nuisances éventuelles. Mais il n’y a rien là qui mérite des dégradations sauvages puis une prise d’otages.

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