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La proposition big bang pour la justice sociale : avantages et inconvénients du LIBER, l’impôt négatif
©Flickr

L'impôt qui rapporte

La France consacre 33% de son PIB au financement de son modèle social. Malgré cela, 38% des Français pensent que les dépenses sociales pourraient être mieux gérées et plus efficaces. Le think tank "Génération libre" propose de mettre en place un impôt négatif.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Atlantico : L'Etat consacre 33% du PIB au financement des dépenses sociales. Dans le même temps, près de 39% des Français se déclarent insatisfaits de son efficacité, et 38% souhaitent que notre modèle soit réformé, selon un sondage Opinion Way. D'après un autre sondage Ipsos pour d'Atlantico, les Français suggèrent que le traitement actuel de la justice sociale n'est pas efficace (voir ici). 13% d'entre-eux pensent que les socialistes, parti au pouvoir, échouent à la rétablir. Quels diagnostics faîtes-vous de ce modèle ?

Gaspard Koenig : Le paradoxe français est que, d’un côté, les dépenses sociales sont les plus élevées de tous les pays de l’OCDE (la moyenne étant à 22% du PIB) et que, de l’autre, chacun peut constater leur terrifiante inefficacité (par exemple, deux tiers de ceux éligibles au RSA ne le reçoivent pas). Pourquoi ? Côté aides, on a accumulé sans rime ni raison, au petit bonheur des calculs politiques, des centaines d’allocations qui forment un maquis illisible, créent des effets de seuil (en particulier autour du SMIC), infantilisent les citoyens transformés en mendiants permanents des Caisses diverses et variées, et génèrent des injustices criantes (ainsi, une famille aisée avec quatre enfants va toucher jusqu’à un SMIC mensuel d’aides à la famille, en combinant allocs et quotient familial). Côté taxes, qui peut lire une feuille de paie? Nous évaluons à 32% du salaire brut les impôts déguisés en cotisations sociales (l’exemple le plus frappant étant la CSG). Comment s’étonner qu’en France, selon un récent sondage, plus on est riche, plus on aime l’Etat ? Les grands gagnants de notre soi-disant “modèle social” sont les inactifs et les rentiers. Les grands perdants sont les actifs, les jeunes et les plus fragiles. 

>>> A lire également : Le sondage qui montre l'ampleur de la défaite de la gauche sur le terrain de la justice sociale

Vous avancez sur votre site Internet ainsi que dans le communiqué relatif à la conférence de ce mercredi 28 mai, qu'une nouvelle taxe indexée sur le revenu, et redistribuée aux plus pauvres, pourrait révolutionner la justice sociale en France. En quoi cette approche est-elle novatrice ?

L’essentiel n’est pas la taxe, mais le revenu universel distribué sous forme d'un crédit d’impôt fixe (ce que nous avons appelé : le LIBER), et financé par une flat tax au premier euro (la LIBERTAXE). Pour aller vite : on assure un vrai filet de sécurité (concept que je préfère à celui de “justice sociale”) et on supprime tout le reste. C’est une idée qui date des années 60 : mise au point par un libéral pur et dur, Milton Friedman, sous le nom d’ “impôt négatif” (negative income tax), et relayée en France par des économistes tels que Lionel Stoléru ou même des intellectuels comme Michel Foucault. Voici le fonctionnement : Le LIBER est calculé pour qu'un individu puisse subvenir à ses besoins fondamentaux dans une société donnée. Pour chacun d’entre nous, la simple soustraction du montant du LIBER (fixe et universel) à celui de la LIBERTAXE (proportionnelle aux revenus) aboutit automatiquement soit (pour les plus faibles revenus) à un "impôt négatif", somme versée en cash par la collectivité, soit (pour les plus hauts revenus) à un "impôt positif", contribution nette à la collectivité. Vous obtenez ainsi un système de redistribution parfaitement lisse et transparent, conçu non pas pour réduire les inégalités, mais pour lutter contre la pauvreté. 

Il s'agirait donc de remplacer à la fois la CSG, le RSA, la prime pour l'emploi, ainsi que de nombreuses allocations en une seule et même contribution/aide sociale. Outre la simplification administrative qu'elle procurerait, ainsi que les dérives issues des effets de seuil des mesures déjà en place, quels seraient ses avantages ? En quoi serait-elle plus efficace ?

Oui, et du côté des impôts, vous pouvez aisément enlever l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la société, la CSG, etc. L’efficacité repose sur la responsabilisation : chacun est libre de dépenser comme il l’entend son LIBER (versé en cash) et d’effectuer ses propres arbitrages, sans aucun paternalisme ; le fait que sa survie soit assurée rend l’individu libre par rapport à son employeur… ou à sa famille ; ce serait la fin de tous ces formulaires humiliants qui vous rangent dans telle ou telle catégorie, puisque le LIBER est assuré à tous et payé uniquement en fonction des revenus ; enfin, suivant que l’on reçoit de l’impôt négatif ou que l’on paye de l’impôt positif, on comprend immédiatement si l’on est “débiteur” ou “créancier” de sa propre société, ce qui devrait avoir un certain impact moral et politique. Aujourd’hui, tout est flou, et chacun a l’impression que le voisin paye pour lui. Avec le LIBER, on est mis en face de ses responsabilités.

N'est-on pas en droit de craindre les dérives d'une telle mesure, qui ne semble pas encourager le travail au premier abord ?

C’est inexact. Par la combinaison LIBER / LIBERTAXE, mécaniquement, chaque euro gagné par le travail vous assure davantage de revenus au final ; autrement dit, les sommes touchées sous forme d’impôt négatif décroissent de manière parfaitement linéaire avec l’augmentation des revenus : finis les effets de seuil et autres trappes (à inactivité, à smicards…). C’est d’ailleurs une des qualités reconnues à l’impôt négatif par l’ensemble des économistes : inciter au travail! Par ailleurs, la somme minimum (le LIBER) n’est pas conçue comme permettant de vivre bien, mais tout juste de survivre. Du coup, la marginalité devient un choix. Finis, les SDF qui vous demandent “de l’argent pour manger” : on pourra leur répondre, “qu’avez-vous fait de votre LIBER?” Enfin, le LIBER permettrait précisément d’éviter les dérives des politiques qui promettent telle aide, en suppriment telle autre, en modulent une troisième, et rajoutent de temps en temps un impôt au gré des campagnes. Notre système pourrait être géré par une machine...

Selon un sondage Ifop exclusif pour Atlantico (voir ici), seuls 22% des français seraient aujourd'hui favorables à ce que l'Etat maintienne les taxes et les impôts pour financer la protection sociale. Comment votre proposition pourrait-elle trouver un écho auprès des français ?

Si c’est pour financer la protection sociale que l’on a actuellement, je me range parmi les 78% ! Le système que nous proposons a l’avantage d’être automatiquement à l’équilibre : le niveau de la LIBERTAXE s’ajuste mécaniquement pour permettre au LIBER de fonctionner. Selon nos calculs, cela reviendrait moins cher que l’empilage des mécanismes actuels! Sans compter la simplification administrative et l’élimination quasi totale des frais de gestion. Et cela correspond à un choix de société clair et précis : je paye pour que tout le monde (y compris moi-même) dispose d’un filet de sécurité qui lui permette, à tout moment, de reprendre son autonomie individuelle. 

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