Supprimer les 35 heures ? Les entreprises peuvent déjà en sortir...<!-- --> | Atlantico.fr
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Hervé Novelli veut supprimer les 35 heures en cas de victoire de la droite en 2012.
Hervé Novelli veut supprimer les 35 heures en cas de victoire de la droite en 2012.
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Temps de travail

L'UMP organise mardi une convention sur la "refondation sociale". Ils devraient discuter de la proposition du numéro 2 du parti, Hervé Novelli, qui a parlé de supprimer les 35 heures en cas de victoire de la droite en 2012. Mais les lois Aubry sur la réduction du temps de travail ont déjà été largement remaniées...

Henri Rouilleault

Henri Rouilleault

Henri Rouilleault est administrateur de l’INSEE. Il a été membre du cabinet de Michel Rocard à Matignon (1989-1991) et directeur général (1991-2006) de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Il a aussi présidé la commission du Plan "35 heures, les enseignements de l'observation" (2001).

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Où va la démocratie sociale ? (Editions de l'atelier, 2010)

 

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Atlantico : Une convention de l’UMP sur la « transformation sociale » de la France doit aborder frontalement la question de la suppression des 35 heures. Est-ce que cela a un sens, compte tenu des nombreux aménagements qui ont déjà été apportés depuis 2002 ?

Henri Rouilleault : Quand on dit "supprimer les 35 heures", cela n'a pas de sens en termes de cohérence intellectuelle. Il faut d'abord dire ce que l'on veut supprimer.

Est-ce que l'on veut supprimer la durée légale de 35 heures ? Aujourd'hui, un salarié qui travaille 39 heures travaille 35 heures normales plus 4 heures supplémentaires. Si on supprime la durée légale, on laisse les entreprises faire ce qu'elles veulent : si l'entreprise décide que le compteur d'heures supplémentaires commence à 39 ou 40 heures, c'est une perte de pouvoir d'achat pour les salariés concernés. Des heures qui étaient payées en heures sup, à 125 %, deviennent des heures payées 100 %. C'est une perte de quatre fois 0,25 heures, soit une heure, soit 2,5 % de pouvoir d'achat.

Est-ce que l’on veut supprimer la durée effective ? Dans ce cas, l'Etat dit aux entreprises : "Vous avez négocié, du temps de Martine Aubry, les accords de réduction du temps de travail, et je voudrais que vous les modifiiez de manière à travailler plus longtemps". L'Etat peut dire : "Je souhaiterais que", mais il peut aussi faire plus et imposer que les accords d'entreprise soient renégociés. En 2008, la majorité UMP a essayé de le faire dans la loi du 20 août 2008, qui prévoyait la renégociation de tous les accords de temps de travail. Et le Conseil constitutionnel a cassé cette obligation de renégocier tous ces accords.

Aujourd'hui, une entreprise qui souhaite sortir de la durée effective en a déjà la possibilité. Dans ces cas là, en droit, il s'agit de dénoncer un accord que l'on a signé. C'est arrivé par exemple récemment chez des entreprises en difficulté, comme Bosch. Mais ce que le Conseil constitutionnel n'a pas voulu à juste titre, c'est que l'Etat oblige toutes les entreprises à renégocier.

Cela semble donc en contradiction avec ce que propose Hervé Novelli dans les colonnes du Parisien : «Les entreprises auront trois ans, à compter de 2012 si nous sommes élus, pour négocier la durée du travail qui leur conviendra » ?

Il propose, sur une durée de trois ans, ce que le Conseil constitutionnel a interdit de faire en 2008. C'est l'Etat interventionniste dans le sens contraire de ce que l'on peut reprocher à la gauche d'habitude. Ce que cherche à faire Hervé Novelli, ce n'est pas seulement à bouger la durée légale - le compteur des heures supplémentaires - mais la durée effective. Et pour bouger la durée effective, il veut obliger les partenaires sociaux à négocier. Alors qu'aujourd'hui, la dénonciation des accords est déjà une liberté de l'employeur.


Est-ce que les chefs d’entreprise que vous voyez sur le terrain demandent que leurs employés travaillent plus longtemps ?

Il faut arrêter avec l'idéologie. On sort d'une période qui a été marquée par une très grave crise financière et économique en 2008 et 2009. Les Allemands s'en sont beaucoup mieux sortis que nous ou que les Américains en termes de destruction d'emplois. Aux Etats-Unis, il est très facile de licencier. En Espagne, la proportion d'emplois précaires était très forte, et ils ont facilement été supprimés. L'Allemagne, qui connaît aujourd'hui une forte reprise, a au contraire gardé ses compétences au plus fort de la crise grâce au chômage partiel. Et qu'est-ce que le chômage partiel, si ce n'est la réduction temporaire du temps de travail ?

Jusqu'à présent, j'ai rencontré extrêmement peu de dirigeants d'entreprise qui réclament une augmentation du temps de travail, d'autant qu'ils ont déjà la possibilité de dénoncer les accords.

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