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Pour Corinne Lepage, le démantèlement de nos centrales nucléaires coûterait entre 150 et 200 milliards d'euros...
Pour Corinne Lepage, le démantèlement de nos centrales nucléaires coûterait entre 150 et 200 milliards d'euros...
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Nucléaire

Près de huit Français sur dix se disent favorables à une sortie du nucléaire, selon un dernier sondage. Pour Corinne Lepage, le démantèlement de nos centrales nucléaires coûterait entre 150 et 200 milliards d'euros, et le processus pourrait s'étaler sur 30 ou 40 ans.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Atlantico : Selon un sondage Ifop pour le JDD publié le 8 juin 2011, 77 % des Français seraient favorables à une sortie progressive du nucléaire. Si on les écoute, combien cela pourrait-il nous coûter ?

Corinne Lepage : Ça coûte d'abord les investissements nécessaires sur les énergies renouvelables et sur l’efficacité énergétique – un objectif communautaire que nous devrons satisfaire quoi qu’il advienne.
Mais il ne s’agit pas de savoir si le maintien de la filière nucléaire coûte plus ou moins cher que son abandon : la facture est lourde dans les deux cas. Selon moi, l’intérêt général consiste, au-delà de toutes considérations dogmatiques, à sortir du nucléaire. S’orienter vers les énergies renouvelables est un choix bénéfique sur tous les plans : économique et financier d'abord, mais aussi pour la gestion du risque, la préservation des générations futures, le poids de la dette… etc.

Un bénéfice économique qu'il faut relativiser par le coût du démantèlement des centrales ?

La Cour des Comptes avait évalué le coût du démantèlement en 2003 à 39 milliards d’euros. La loi prévoyait que les opérateurs de la filière nucléaire donne de nouveaux chiffres d’ici à la fin de l’année 2011. Or, une nouvelle disposition de décembre 2010 a prorogé ce délai de 5 ans. Dans l'attente, on reste un peu dans le flou.

15 milliards d’euros ont d’ores et déjà été provisionnés, mais si on se base sur les chiffres britanniques et suédois qui ont été utilisés pour calculer le coût du démantèlement dans ces pays-là, nous atteignons une somme comprise entre 150 et 200 milliards d’euros pour la France. C’est énorme.
Si l’on considère maintenant le seul exemple de démantèlement concret en France, à Brennilis en Bretagne, on constate une augmentation de facteur 10 entre les estimations préalables et la réalité.


Comment imaginer financer de tels chantiers ?

C’est un vrai sujet. Nous avons décidé de maintenir un prix de l’électricité extrêmement bas, et de ne rien provisionner.Cela pose problème. Il est évident que le démantèlement va peser sur les contribuables ; moins sur EDF ou Aréva. On risque malgré tout de s’apercevoir qu’on n’a finalement plus les moyens de démanteler. Que faire, alors ? Maintenir des centrales qui vont devenir dangereuses, et nécessairement polluantes ? Léguer cette dette colossale à nos enfants et à nos petits enfants ?

Peut-on s'inspirer des Allemands, qui ont décidé de sortir du nucléaire, pour tenter de résoudre cette difficile équation ?

Les Allemands sont nettement moins dépendant que nous de l’énergie nucléaire. Nous avons fait le choix du « plus de nucléaire possible », ce qui est difficile à assumer aujourd’hui. Pour eux en revanche, l’énergie nucléaire ne représente que 22 % de leur consommation électrique. Et je suis personnellement convaincue qu’ils parviendront à s’en passer en développant les énergies renouvelables et en améliorant leur efficacité énergétique sur 10 ans. Je pense même que ce sera un formidable instrument pour doper l’économie allemande. J’observe d’ailleurs que des entreprises comme Siemens avaient annoncé, avant la décision de Madame Merkel, leur intention d’abandonner le nucléaire pour des raisons économiques et industrielles. J’observe aussi qu’une entreprise comme General Electric a annoncé il y a une quinzaine de jours qu’elle abandonnait le nucléaire pour le solaire qui allait devenir moins coûteux en terme de prix de revient d’ici à 5 ans.


Que faire des 100 000 Français qui travaillent, directement ou indirectement, pour l’industrie nucléaire ?

Il s’agit d’un nombre important, à comparer cependant aux 375 000 emplois créées en Allemagne dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Parmi ces 100 000 Français employés chez EDF, Aréva ou leurs sous-traitants, certains n’péouvront aucune difficulté puisque EDF va continuer à produire de l’électricité d’une manière ou d’une autre.

Ce que je propose, c’est de se servir de l'incontestable savoir-faire français pour devenir les leaders mondiaux du démantèlement. 450 centrales nucléaires dans le monde devront être démantelées dans les 30 ans qui viennent. C’est un marché considérable.

Comment-on fait ensuite ?    

Je pense qu’il est impossible que la France sorte du nucléaire en 10 ans. Nous avons besoin d’une trentaine d’années, peut-être quarante. Il faut tout d’abord ne plus construire de centrales en France. Toute fermeture de site nucléaire devra donc impérativement être compensée par une augmentation de la production d’électricité par des énergies renouvelables et par une réduction de la consommation électrique. Comment faire ? Rien de plus simple, avec un peu de volontarisme : la France présente le plus fort potentiel européen en termes d’énergies renouvelables. Nous avons le meilleur potentiel si l'on compile le solaire, l’éolien, l’éolien offshore, la géothermie, la biomasse ou encore l’énergie liée aux marées. Les marges de progrès sont donc fantastiques, d’autant plus que notre progression reste très modeste (+ 2 % sur les 4 dernières années, ce qui reste inférieur la moyenne européenne située à 2,9 % - certains pays affichant une progression supérieure à 5 %) .
Nous avons également fait cette erreur historique, et volontaire, de favoriser le chauffage électrique. A partir du moment où l’on ne construit plus avec ce type de radiateurs, nous réduirons massivement nos besoins. (basse consommation)
Restons toutefois réalistes : il s’agit d’un vaste projet de reconstruction énergétique et industrielle de la France qui est aussi une formidable source d’innovation, de création d’activité économique et d’emplois dont on aurait tord de se priver.

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