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Mais pourquoi avons-nous peur des araignées ? La réponse par une étude scientifique anglo-saxonne
©Reuters

Arachnophobie

L'explication de cette peur est avant tout biologique, car l'araignée ne correspond pas du tout à nos critères de beauté.

Jean-Yves Nogret

Jean-Yves Nogret

Jean-Yves Nogret est professeur agrégé de sciences de la vie et de la Terre au lycée Henri-Poincaré de Nancy et titulaire d'un DEA d'entomologie, il enseigne en classe préparatoire au concours de médecine. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages paramédicaux (éditions Foucher) et d'un ouvrage de vulgarisation scientifique sur les insectes (éditions Serpenoise) paru en 2011. Il est également l'auteur de La Biologie pour les Nuls.

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Atlantico : D'où vient cet effroi que peuvent nous inspirer les araignées ? Est-ce lié à notre entourage, où à l'araignée en elle-même ?

Jean-Yves Nogret : L’effroi que peuvent produire sur certaines personnes les araignées doit être comparé à celui généré par les serpents. Il apparaît alors que c’est avant tout la capacité qu’ont ces animaux à pouvoir attaquer par surprise, en approchant lentement de leur victime et en fondant sur elle brusquement. Rien ne terrifie plus une personne, même protégée par une vitre, que l’attaque surprise d’une araignée ou d’un serpent. Il n’y a qu’à observer les visiteurs d’un vivarium pour s’en rendre compte.

L’araignée, comme d’autres êtres vivants, ne correspond pas au schéma global d’un vertébré, groupe auquel nous appartenons. Or, nous avons une tendance naturelle à rechercher dans notre environnement des repères que nous connaissons, ceci afin de nous rassurer. Tout ce qui s’éloigne de ces repères entraîne une méfiance qui peut se transformer en peur. L’araignée possède huit pattes et se nourrit grâce à des crochets (les chélicères), qu’elle enfonce dans sa proie. Elle est venimeuse et n’a pas de bouche, ce qui l’oblige à digérer ses proies en dehors de son organisme (digestion extracorporelle). Si vous demandez à différentes personnes ce qui les horrifie chez l’araignée, les réponses sont multiples : pour certaines c’est l’aspect poilu, pour d’autres les nombreuses pattes, pour d’autres encore, la marche silencieuse qui leur permet de vous approcher de près, … Nous avons peur des araignées comme nous avons peur des serpents qui se meuvent sans pattes, qui sont venimeux et qui avalent leur proie sans les mâchées. Nous avons également peur des scolopendres (des milles pattes) et de nombreux insectes. Notre entourage joue un rôle primordial : il suffit de comparer les réactions des citadins et des campagnards pour se rendre compte que les premiers craignent plus les « êtres différents de nous » que les seconds, par peur tout simplement de l’inconnu.

Dans une étude récemment publiée (voir ici)Le docteur John M. Hettema avance quel'araignée serait l'une des peurs instinctives des enfants, et ce même s'ils n'ont jamais été piqués. Comment l'expliquer ? N'y a-t-il pas besoin d'avoir été confronté à une araignée pour apprendre à les craindre ? Ne s'agit-il pas d'une peur nécessaire à la bonne construction d'un enfant ?

Mon expérience personnelle va à l’encontre de cette affirmation de peur instinctive car j’ai pu observer de jeunes enfants jouer avec les araignées comme avec d’autres "objets animés" insolites, avant que leurs parents ne les mettent en garde et ne leur transmettent leur propre peur. Les jeunes enfants sont même de véritables persécuteurs d’araignées car ils jouent généralement à  "l’arrache patte" avec la pauvre bestiole.

Chez un enfant "non éduqué" par ses parents, la confrontation avec une araignée ne suscitera la crainte que si cette dernière pique suffisamment fort pour provoquer une douleur mémorable. Il n’y a qu’à regarder les jeunes enfants jouer avec les Faucheux, des arachnides non venimeux ressemblant à des araignées, pour s’en convaincre.

La crainte des araignées permet à n’en pas douter à l’enfant de se construire, mais au même titre que la peur des guêpes, des abeilles, des bourdons ou des serpents. Apprendre à se protéger des êtres dangereux n’est pas l’apanage de l’Homme ; cela fait partie de la phase d’apprentissage chez de très nombreuses espèces animales (chez les autres primates et les félins par exemple).

Que signifie, également, le fait que les enfants tendent à avoir naturellement peur des araignées ? Faut-il y voir la preuve qu'il s'agit d'une phobie particulièrement répandue ? Si elle l'est vraiment, n'y a-t-il pas un tant soit peu de raison ?

Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, je n’ai jamais observé de peur instinctive des araignées chez les jeunes enfants. Certes, dans la nature il existe des signaux de danger innés, comme les colorations aposématiques (coloration vives et contrastées ; rouge jaune et noir par exemple), mais nous n’y sommes plus sensibles. Par exemple un jeune oiseau ne touche que rarement à la coccinelle car elle porte une livrée comportant ces signaux. Mettez un jeune enfant devant cet insecte et vous pourrez constater qu’il le portera à sa bouche. Mais même chez les animaux, un apprentissage est souvent nécessaire.

Je pense que l’arachnophobie est très répandue pour deux raisons : premièrement, l’humanité est de plus en plus citadine et de ce fait de plus en plus éloignée des réalités de la nature. Or, il faut être au contact de la nature pour pouvoir apprécier l’araignée à sa juste valeur (destruction d’un  grand nombre de parasites comme les mouches et les moustiques par exemple). Deuxièmement, nombreux sont les films qui utilisent le ressort de la peur de l’araignée pour créer l’effroi dans les salles de projection. Lors de leur passage à la télévision, ces films peuvent transmettre cette phobie à des centaines de million d’individus.

L’arachnophobie est une crainte bienfaitrice dans les pays tropicaux, où vivent des araignées extrêmement dangereuses. Dans notre pays, cette crainte n’est absolument pas justifiée (il y a peu de risque de croiser une Veuve noire).

Depuis combien de temps avons-nous peur de l'araignée ? S'agit-il d'une crainte ancienne, ou au contraire est-ce quelque chose de récent ?

Cette crainte est certainement très ancienne dans les pays tropicaux, où il s’agissait et il s’agit encore, d’une question de survie. En France, cette crainte est certainement plus récente et liée à l’urbanisation. Une simple observation permet de constater que les campagnards sont beaucoup moins craintifs que les citadins. En admettant que plus les gens sont éloignés de la nature et plus ils la craignent, il y a de forte chance que ce phénomène s’accentuera avec la croissance importante des villes.

Quels sont les moyens de lutter contre cette phobie ?

Pour lutter contre cette phobie, il faudrait que les parents arrêtent de la transmettre à leurs enfants. Mais cela semble tout à fait impossible, au vue de notre mode de vie actuel où la crainte domine de nombreux aspects de notre vie.

Il faudrait aussi favoriser le contact tactile avec ces animaux ; c’est ce que font certains parcs ou zoos avec d’autres animaux comme les serpents. Mais si l’on se réfère à ce qui se passe actuellement pour le loup, force est de constater que les phobies ont la vie longue.

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