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François Hollande sur BFMTV et RMC : ses erreurs, ce qu'il oublie de dire et ce qu'il ne détaille pas
©Reuters

A chaud

L'intervention de François Hollande de ce mardi matin regorge d'approximations. L'analyse en détails.

Les déclarations fausses

"Nous avons taxé les bonus bancaires, il y a une séparation des activités spéculatives et des activités de dépôt. En France, nous avons les taux d'intérêt les plus bas de notre histoire : la finance a été maîtrisée."

François Hollande avait annoncé vouloir instaurer une séparation nette et salutaire « entre les activités bancaires utiles à l’investissement et à l’emploi, et les opérations spéculatives ». Cette promesse forte de son programme est encore pour l'instant au stade de l'incantation : les activités spéculatives sont certes isolées dans des filiales dédiées, mais elles n'ont pas été retirées des entités bancaires qui les pratiquent. Et seul le trading haute fréquence, qui ne représente qu'une part modérée des activités spéculatives des banques, a du se plier à cette "quarantaine".

François Hollande s'était également largement exprimé sur sa volonté de couper toutes possibilités pour les banques françaises d'accéder aux paradis fiscaux. La loi sur la séparation des activités bancaires votée le 18 juillet dernier imposait la transparence en la matière. Dans les faits, ce sont surtout le FMI et l'OCDE qui agissent le plus et les grandes banques françaises continuent d'avoir des établissements dans les paradis fiscaux.

Le président voulait également mettre fin à la pratique des produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs. Les projets en cours – qui se décident d'ailleurs au niveau européen – restent bien peu audacieux dans un domaine où les députés du parlement européen n'envisageront pas de nouvelles mesures avant... novembre 2014.

François Hollande, enfin, se faisait le héraut  de la taxe sur les transactions financières. Les évolutions, qui s'envisagent là aussi au niveau européen, sont lentes. Le dossier est plusieurs mois resté au point mort en raison de nombreuses questions d'ordre juridique (comme le lieu de la taxation d'un dispositif qui, par définition, frappe les flux internationaux). Si le recours déposé par le Royaume-Uni devant la Cour de justice européenne a été rejeté le 30 avril, il ne reste pas grand chose du projet initial qui de toute façon ne devrait dans un premier n'entrer en vigueur que dans 11 Etats et à un taux de 0,01% au lieu des 0,1% initialement prévus. Loin de faire trembler la finance internationale, la taxation qui devrait être mise en place a ainsi de fortes chances de rester dans le domaine du symbolique.Le projet initialement prévu par la Commission européenne devrait rapporter 34 milliards de dollars. La Commission proposait de taxer les échanges en actions et obligations à 0,1% et les échanges sur les produits dérivés à 0,01%. Au final, après de multiples reculs, les sommes qui devraient être levé par la Taxe sur les transactions financières représenteront entre 5 et 6,4 milliards d'euros.

Philippe Crevel : Les taux d'intérêt sont effectivement faibles en France. Et c'est le cas depuis des décennies. Le lien de cette situation avec la politique de François Hollande est donc loin d'être évident. Les investisseurs n'ont en effet pas de doutes – pour l'instant – sur la capacité de la France à faire face à ses engagements mais François Hollande n'y est pour rien. Le contexte actuel de taux d'intérêt bas est plutôt du fait de la Banque centrale européenne, et de l'importance des liquidités sur le marché qui cherchent des placements sûrs.  

"Le retournement économique va arriver par les politiques que nous avons mises en place"

Nicolas Goetzmann : Les chiffres de l’Insee seront publiés le 15 mai prochain pour l’évaluation de la croissance du premier trimestre. Pour le moment, les anticipations font état d’un tassement de la croissance française à un rythme de 0,1%, c’est-à-dire en baisse par rapport au trimestre précédent. La conséquence de cette situation est bien entendue l’aggravation de la situation de l’emploi, avec un record historique du chômage en France au mois dernier.

"Alstom ? Je l'ai appris dimanche [27 avril]"

Nicolas Goetzmann : Selon Libération, Martin Bouygues, actionnaire principal, avait informé François Hollande d'un « problème Alstom » il y a déjà plusieurs mois. Si François Hollande ne semble pas avoir été informé par Patrick Kron, directeur d’Alstom, et Clara Gaymard, directrice de GE France, de l’imminence de l’opération, il apparait surtout que le dossier n’ait pas été suivi de très près.

Clara Gaymard, présidente de General Electric France, a indiqué qu'Arnaud Montebourg avait été informé des négociations lors du voyage de François Hollande aux Etats-Unis en février 2014.


Les sujets oubliés

Les élections européennes et la politique de l'UE... à trois semaines des élections

Un oubli d'autant plus étonnant qu'on apprenait au même moment que Nicolas Sarkozy songeait à s'exprimer avant le scrutin du 25 mai.

Nicolas Goetzmann : La politique européenne a été totalement écartée de l’intervention du président. Il semble qu’encore une fois, il cherche à « enjamber » une élection qui promet d’être une source de défiance supplémentaire pour lui. En dehors de laisser entendre que le semblant de rebond de l’économie européenne est le fait de l’action « réformatrice » du président, rien n’a été dit. Bien entendu, le fait que la France soit aujourd’hui plus un boulet en termes de croissance plutôt qu’une locomotive n’a pas été souligné.

La politique monétaire et l'absence de réaction face à la position inflexible d'Angela Merkel

Nicolas Goetzmann : Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel, a répondu aux déclarations de Manuel Valls en rapport à la volonté de négocier une politique monétaire plus active en Europe. Ce dernier a déclaré "Le cours de l'euro n'est pas du ressort des politiciens nationaux, c'est une question pour la Banque centrale européenne qui agit de manière indépendante dans ce domaine et n'a pas de conseils à recevoir sur ce qu'elle doit faire". François Hollande n’a pas prononcé le mot euro au cours de son intervention. Ce qui est une sorte d’habitude. Etant donné que la réussite de son action économique est totalement dépendante d’une action de la BCE, action que le président semble vouloir solliciter dès le 26 juin prochain, au cours du prochain conseil européen, il aurait pu réagir. Il n’en a rien été.

Ce silence est à mon sens, au-delà d’un manque total de construction de l’ensemble de sa prestation,  de vision pour le pays, la plus grande erreur du Président. Il n’ose simplement pas s’emparer d’un sujet qui est une véritable source de discorde en Europe alors qu’il est parfaitement dans son rôle. S’il n’a rien à dire sur la politique monétaire qui est actuellement menée en Europe, il peut aussi rendre le tablier, parce que cela ne servira pas à grand-chose de continuer.


Les questions que François Hollande a laissé en suspens

"Dès le mois de septembre, il y aura des changements dans le barème des impôts"

Mais quels changements : qui concerneront-ils, quelle forme prendront-ils et comment compte-t-il les financer ? Sommes-nous dans l'enveloppe des 5 milliards d'effort fiscal à destination des plus modestes déjà annoncé par Manuel Valls ou s'agit-il de nouvelles concessions ?

Philippe Crevel : François Hollande tourne autour du pot concernant les mesures à destination des classes moyennes inférieures depuis plusieurs mois. Sa déclaration renvoie sans doute au souhait de revoir les barème de l'IR sur les premières tranches au nom du pouvoir d'achat. Mais pour le moment on ne voit rien venir. On avait aussi cru comprendre qu'une réforme fiscale était actuellement engagée visant à rapprocher impôt sur le revenu, CSG, et possibilité de prélèvement à la source. Ce que l'on entend dans la déclaration du président, c'est un ajustement à la marge, pour répondre à un problème politique... Je pense que l'on est loin de l'efficacité économique et fiscale, on est dans le bricolage.

Il est sûr que l'on va beaucoup parler d'impôts sur le revenu dans les prochaines semaines. Les mesures prises ces dernières années sur l'IR s'accumulent, la facture sur les classes moyennes va donc s'alourdir. On va connaître exactement ce que cela représente aux alentours du mois d'août. Le président essaie donc d'envoyer un message positif pour contrecarrer le processus. Mais il n'a pas les moyens de sa politique.

La réforme territoriale : "Il me semble intelligent de faire des élections départementales et régionales avec le nouveau découpage, ce qui pourrait conduire à repousser les élections régionales à 2016"

Pourquoi l'exécutif fait-il de la réforme territoriale une telle priorité ? En quoi cela fait-il échos aux attentes des Français ? Si cette réforme s'accompagnait d'une volonté affichée de réduire le nombre de fonctionnaires, elle pourrait se comprendre dans un objectif de réduction des dépenses publiques. Mais rien n'a été précisé en ce sens. Par ailleurs, pourquoi repousser le scrutin régional ?

Olivier Rouquan : François Hollande avait prévenu dès sa campagne qu'il y aurait un acte III de la décentralisation. C'était l'un de ses engagements. Une loi a été votée sur les métropoles. Le projet suivant est celui qui est en cours et qui va préciser les compétences de la région et du département. Le Premier ministre nouvellement nommé a voulu accélérer le processus et lui donner un tour plus tranché. Le chef de l’État se convertit donc progressivement à cette accélération et à cette rationalisation plus poussée. Il est assez convaincu sur l'idée de diminuer le nombre de régions, mais il se pose des questions sur le département. Il est d'ailleurs resté très évasif sur leur sort. En début d'année il déclarait qu'il n'y aurait pas de suppression généralisée des départements, là où le Premier ministre l'a annoncée pour 2021. On peut s'interroger sur la volonté de François Hollande de vouloir tenir cet horizon de 2021.

François Hollande reste en tout cas très prudent car il a l'expérience des difficultés de négociation avec les élus locaux et il souhaite avancer sur ces questions en réunissant, non pas un consensus, mais au moins une majorité assez large.

"Sur la réforme des rythmes scolaires, qu’il y ait eu des difficultés d’application j’en conviens, mais laissons à cette réforme la possibilité d’application et après nous en ferons l’évaluation"

Olivier Rouquan : Il y a un ministre et un Premier ministre qui sont censés, dans la Ve République, gérer cette question. Le Président s'est engagé sur une réforme du rythme scolaire, c'est aux ministres de s'occuper de la bonne mise en œuvre. On a reproché à Nicolas Sarkozy d'être trop interventionniste, on voit que François Hollande cherche aussi à se démarquer de son prédécesseur pour adopter une posture plus traditionnelle. Il vient de nommer un Premier ministre qui incarne bien la mise en œuvre de cette réforme, le président va le laisser faire, et jouera seulement son rôle, sur cette question, de représentant des grandes orientations. Il est vrai par contre qu'il y a sans doute un travail de pédagogie à faire sur cette réforme, et de ce point de vue la carence pédagogique sur les communications politiques de ce sujet sont bien réels.

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