Lady Gaga, chanteuse à textes <!-- --> | Atlantico.fr
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Le nouvel album de Lady Gaga "Born This Way" sorti le 23 mai, est déjà en tête des ventes sur iTunes.
Le nouvel album de Lady Gaga "Born This Way" sorti le 23 mai, est déjà en tête des ventes sur iTunes.
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Iconcône ?

Le nouvel album de Lady Gaga "Born this way" est sorti ce lundi. Il affole déjà les charts du monde entier. Superficielle pour les uns, la chanteuse est une grande philosophe pour les autres. Mais que cache donc cette icône pop du XXIe siècle ?

Clément  Bosqué

Clément Bosqué

Clément Bosqué est Agrégé d'anglais, formé à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique et diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers. Il dirige un établissement départemental de l'aide sociale à l'enfance. Il est l'auteur de chroniques sur le cinéma, la littérature et la musique ainsi que d'un roman écrit à quatre mains avec Emmanuelle Maffesoli, *Septembre ! Septembre !* (éditions Léo Scheer).

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Il existe une vielle rengaine française, triste et mainte fois entonnée, qui tend à déligitimer le talent de tout ce qu'encense la société dite "de consommation". On s'est servi chez nous de la critique de la culture de masse pour expliquer pourquoi nous avions été, mais n'étions plus, de grandes centres de rayonnement culturels, et pourquoi nous nous sentions piégés, américanisés, uniformisés.

Une complainte hypocrite made in France

Peu importe que la France, à d'autres temps, ait travaillé elle-même à l'uniformisation du monde pour que ses citoyens rentrent dans son moule républicain comme des rangées de petits gâteaux. C'était, disait-on, pour de bonnes raisons – enfin, disons qu'il y avait des raisons. Ce n'était pas l'absurde jouissance de Publicité et Marché.

Et ainsi il devint habituel d'éructer, en haussant les épaules : « c'est du marketing » ou encore « c'est de la communication » comme on aurait dit à d'autres époques : « c'est le malin » ou « c'est de la magie noire ».

C'est là qu'intervient, elfe, fée Clochette, petite walkyrie au casque argenté, une petite-bourgeoise new-yorkaise qui n'est personne.

Lady Gaga : mi-Dieu, mi-Diable

Le clip de "Born This Way", le tube de Lady Gaga, met en scène une messe noire frénétique. Le plastique et le latex recouvrent des corps tatoués, il y a des têtes coupées comme des accessoires, une kalachnikov, des humains accroupis en rang comme des esclaves, des voiles et les formes gluantes, comme les gros plans chez Georgia O'Keefe, d'une chrysalide accouchant d'un papillon, et même un triangle maçonnique, dans un univers qui rappellera peut-être à certains l’œuvre de Philippe Druillet.

Moitié sérieuse, moitié drôle ; meta-Dio, mela-diablou comme on dit en patois ; mi-Dieu, mi-diable ; entre démence sénile et babil infantile, Lady Gaga mêle tout et son contraire. Entre autres ce qu'aux États-Unis on appelle le « burlesque », relevant du cabaret XIXe, du strip-tease, de la pin-up années 1950, complètement disparu dans les années 1970 et revenu à la mode depuis les années 1980 ; et un côté « glam » tiré précisément des années 1970. La musique, elle, est comme son interprète : moitié bonne, moitié mauvaise.

A côté des filles à guitare de Joan Baez, pleines d'elles-mêmes, de leur « univers » intime souvent stéréotypé, ce changeling malicieux est toute entière surface, superficielle, le côté signifiant de la force du signe.

Elle est partout, au travers de tous les média qu'elle emprunte, être surnaturel qui, trouvant les fenêtres fermées, passe par la cheminée. Elle est plusieurs, elle est cocktail, queue de coq, éventail de masques et costumes différents qui évince l'inanité de « l'individu ». Enfin, elle est éternelle, Madonna, Marylin Monroe, Gypsy Rose Lee : l'ultime avatar, qui renaît au fil du temps, d'une féminité outrée et extravagante, explosive, dominatrice et objet, qui fait tourner la tête.

Une icône pop, symbole de notre époque

On envie de dire que cette fille n'en a qu'après son ego, qu'on aurait tort de la prendre au sérieux alors qu'il n'y a pas de fond, qu'elle n'a rien à dire. Il se trouve qu'en français, « burlesque » signifie au contraire : parler en termes légers, voire vulgaires, de choses sérieuses. Et si Lady Gaga nous parlait justement, légèrement, de choses sérieuses ?

Ne déchire-t-elle pas de ses ongles crochus nos schémas habituels, qu'on veut résistants, mais qui sont raides et amidonnés comme la justice : culture vs. marketing ; art vs. culture ; fond vs. forme ; l'un vs. l'autre ; l'authentique vs. le toc ; le nu vs. l’habillé. Ne nous invite-t-elle pas à en rire, à retrouver – un instant au moins - une sorte d'amour pour un monde impur ?

Je suis belle à ma façon, parce que Dieu se trompe pas
Je suis sur la bonne route, chéri, je suis née comme ça

Chante-t-elle dans "Born This Way". Et si c'était ça, le génie Gaga, Athéna naine sortant toute en armes de la tête de la Société de Consommation, d'être « née comme ça » ? Son nom est « personne », et le nom de ceux qui la suivent est Légion. Son nom bégaie comme les vinyles rayés qu'on n'écoute plus, comme notre époque, sans qu'on sache exactement ce qu'il va en advenir, de quel mot ces syllabes sont le début. Espérons que Dieu ne se trompe pas.

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