Montées des violences (verbales) entre parents et enseignants : quand l’école devient un lieu de consommation comme les autres<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration / Près d'un directeur sur deux a déclaré s'être fait agresser verbalement ou physiquement par des parents au cours de l'année passée. Qu
Photo d'illustration / Près d'un directeur sur deux a déclaré s'être fait agresser verbalement ou physiquement par des parents au cours de l'année passée. Qu
©Reuters

Divorce scolaire

Les relations entre parents et l'école semblent de plus en plus tendues. 49% des directeurs d'écoles élémentaires et maternelles déclarent avoir été agressés verbalement ou physiquement par des parents d'élèves pendant l'année scolaire 2012-2013, selon une étude auprès de 4000 directeurs. Un chiffre assez sensationnel sachant que la violence physique reste tout de même marginale.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Atlantico : Georges Fotinos, chercheur spécialiste du climat scolaire associé à l'observatoire international de la violence à l'école, vient de réaliser un questionnaire adressé à 4000 directeurs d'écoles maternelles et élémentaires. Selon les résultats publiés par Le parisien, près d'un sur deux a déclaré s'être fait agresser verbalement ou physiquement par des parents au cours de l'année passée. Qu'entend-on par agression ?

Jean-Rémy Girard : Une agression, cela peut être des coups ou des "bousculades", mais c'est heureusement assez rare. La plupart des agressions relevées sont des agressions verbales, sous forme de harcèlement, de menaces ou d'insultes. Elles sont le plus souvent causées par un désaccord sur une note donnée à l'élève, ou sur une punition qu'il a reçue. Il s'agit aussi de tensions liées à un problème de surveillance ou, parfois, de maltraitance (bien plus souvent supposée que réelle : il arrive souvent aux enfants de mentir à leurs parents !). De plus en plus de parents contestent ainsi l'autorité des professeurs, que ce soit à l'école primaire, au collège ou au lycée, cherchent à faire enlever un zéro, ou refusent que leur enfant fassent le travail supplémentaire qui a été demandé par l'enseignant. Cette étude montre également que ces agressions "remontent" la hiérarchie : les directeurs d'école sont de plus en plus impactés. C'est également le cas (même si l'étude ne se penche pas dessus) des chefs d'établissement dans le second degré, qui sont régulièrement pris à partie.

Comment expliquer la montée des tensions entre les parents et les enseignants ? Pourquoi l'école qui fut autrefois sacralisée est aujourd'hui remise en cause ?

L'un des tournants majeurs est l'entrée des parents, et plus particulièrement de leurs représentants, dans les instances décisionnelles des établissements (conseil d'école dans le primaire, conseil d'administration, commissions diverses et conseil de classe dans le secondaire). Il faut savoir que leur poids est généralement égal à celui des professeurs. Les représentants de parents, regroupés en fédérations, sont aujourd'hui bien davantage des lobbies que des partenaires. Ils se veulent un "contre-pouvoir", portent des revendications, demandent la création d'un "statut" de parent d'élève et se mêlent de tout. Ils veulent décider seuls de l'orientation, et même de la façon de faire cours. Cela entraîne évidemment une remise en cause de l'autorité des maîtres et des professeurs, extrêmement préjudiciable dans l'exercice de leur métier.

De quelle "maladie" cette agressivité est-elle le symptôme ? Qu'est-ce que ces chiffres révèlent sur le rapport à l'école ?

Un certain nombre de parents ont aujourd'hui développé un comportement de client, de consommateur. Le professeur est davantage vu comme un domestique que comme un professionnel qu'il faut respecter. Paradoxalement, cela ne s'appuie que très rarement sur les réels problèmes du système scolaire actuel (difficultés pour faire acquérir les fondamentaux, par exemple). Un collègue dont la compétence est reconnue par tous est autant à même de se voir remis en cause qu'un collègue qui connaît de réelles difficultés. Cela peut arriver à n'importe qui, et un seul parent peut suffire à enclencher le mécanisme, surtout s'il est "représentant".

Quelles conséquences une telle remise en cause de l'autorité des enseignants par les parents peuvent-elles avoir sur les enfants ?

Les conséquences peuvent être épouvantables. Alors que l'élève est demandeur d'un cadre, de règles, de limites, les désaccords que manifestent les adultes entre eux lui permettent de s'engouffrer dans des brèches et d'opposer les uns aux autres. Certains parents n'hésitent plus à venir "casser du prof" (heureusement le plus souvent verbalement) devant leur enfant, où à s'en prendre directement à un collègue en réunion, devant les délégués des élèves. De quelle autorité peut encore faire preuve le maître ou le professeur après ça ?

Le divorce entre parents et enseignants est-il consommé ? Comment rétablir le lien entre les parents et les enseignants ?

Non, le divorce n'est pas consommé, et la plupart des parents ont toujours d'excellentes relations avec les enseignants : ils ont bien compris que l'essentiel est de faire front commun face à l'enfant, de soutenir ce qu'a dit le professeur, et de tout mettre en œuvre pour que leur fils ou leur fille fasse le travail demandé. Deux choses essentielles doivent néanmoins être entreprises : tout d'abord parvenir à établir un meilleur contact avec les parents les plus éloignés du système scolaire, en promouvant des expérimentations comme celle de la mallette des parents. On le dit peu, mais il y a des parents qu'on aimerait voir et qu'on n'arrive pas à voir, et ça, c'est un problème majeur. Et ensuite, revoir la place des représentants de parents au sein des établissements scolaires : il faut que ces derniers arrêtent de se croire tout permis. Cela passe aussi par un soutien indéfectible de la hiérarchie et de l'État aux personnels. On en est hélas parfois loin. 

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